Victoire
et Édouard grandissaient en sagesse et en beauté. Ils parlaient plusieurs
langues, écrivaient quotidiennement des poèmes, étudiaient les astres et s’exerçaient
aux arts mathématiques et à la musique.
Heureux
de les voir ainsi s’épanouir, le prince n’avait pas voulu se remarier et les
exploits de ses enfants adoptifs l’émerveillaient chaque jour.
Victoire
n’avait pas son pareil pour monter à cheval et après avoir appris les arts
équestres avec un poney, elle avait à présent sa jument, une alezane
reconnaissable entre mille par son étoile posée gracieusement entre ses beaux
yeux.
C’était
une amazone parfaite et
elle connaissait le maniement des armes, notamment, l’arc et les flèches qu’elle
décochait à la manière des Parthes, le buste tourné vers la queue du cheval
fée.
Édouard n’avait pas son
pareil au sabre et sa voix de ténor faisait frissonner les arbres et les jeunes
filles des alentours.
Un
jour, Rose des Sables, la jument de Victoire revint sans sa cavalière. On se
mit immédiatement à sa recherche mais ce fut en vain !
On
fouilla les buissons, on sonda la rivière qui bordait le petit royaume, en pure
perte !
Édouard
ne se résolut pas à la perte de celle qu’il aimait tendrement. Il chanta au
bord de la rivière en espérant entendre l’écho de sa voix comme cela lui
arrivait si souvent mais seuls les rochers répercutèrent les sons de sa voix d’or.
Chaque
jour, il se levait de bon matin et partait à pied pour être sûr de ne pas
manquer un indice et c’est ainsi que sa patience fut récompensée.
Bien
loin, en aval de la rivière, il découvrit un ruban dont un oiseau s’était
emparé pour garnir son nid : c’était, à coup sûr, un ruban de Victoire et
cet ornement, elle le portait dans ses cheveux le jour de sa disparition.
Confiant
le ruban à une femme de chambre pour qu’elle le lave et le repasse, Édouard le
passa ensuite au tour de son cou et jura de ne jamais s’en séparer.
Pendant
ce temps, loin de se douter du désespoir de celui dont elle partageait tous les
bonheurs, Victoire errait dans un palais de marbre où chaque jour un dieu
charmant lui offrait des repas somptueux, des bijoux et des robes de rêve. Qu’était-il
arrivé ? Au bord de la rivière, Victoire entendit des cris : un
enfant se débattait dans le courant. N’écoutant que son courage, elle se jeta à
l’eau, nageant avec vigueur vers la petite victime. Mais l’enfant s’éloignait
de plus en plus tandis que Victoire redoublait d’efforts pour atteindre sa
cible. Elle ignorait en fait que le dieu de la rivière lui avait tendu un piège
pour s’emparer d’elle plus commodément. Il brûlait d’amour pour la jeune fille
et préférait s’emparer de sa personne plutôt que de lui faire la cour.
Sentant
la fatigue la gagner, Victoire fut heureuse de recevoir de l’aide d’un
vigoureux nageur qui la débarrassa du ruban pris dans les roseaux et l’emmena
dans une grotte où il fit flamber un énorme feu. L’enfant était sauf. Victoire
sourit à cette vision puis elle se laissa masser et huiler car son corps était
endolori.
Après
un repas constitué de pavés de légumes et d’îles flottantes parfumées, elle
reçut avec gratitude une longue robe de nuit ouatée puis s’endormit sur un
matelas de plumes.
Le
lendemain et les jours suivants, Victoire apprit à connaître son hôte, un très
bel homme à la taille sculpturale et aux longs cheveux bouclés cascadant sur
ses épaules. Il portait un pagne et arborait de magnifiques colliers de
coquillages.
Chaque
matin, il déposait dans une vasque de jade des perles en sautoirs et de
magnifiques bijoux de nacre recouverts d’or fin et ornés de cabochons de
cristal.
Des
gâteaux de semoule et des carafes de sirop de roses et de lotus formaient l’essentiel
du petit déjeuner dont elle se régalait sans savoir qu’un filtre d’oubli était
distillé afin que sa mémoire flotte à la manière d’un nénuphar.
C’était
ainsi que peu à peu, Victoire oublia tous ceux qu’elle avait tant aimés, son
cher Édouard y compris.
Lorsque
le dieu de la rivière fut certain que sa bien-aimée ne prendrait pas la fuite,
il la laissa se promener à sa guise. Pour plus de sûreté, l’enfant qui avait
servi d’appât, la suivait à bonne distance, prêt à intervenir ou à avertir le
maître en cas de danger.
Nos
deux inséparables allaient-ils ne jamais se revoir ?
C’est ce que nous
apprendrons prochainement.
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