samedi 30 novembre 2024

Disparition inquiétante

 



«  C’est aujourd’hui ou jamais » pensa Magdalena puis elle se comporta comme d’habitude. Elle prit son petit déjeuner, embrassa ses parents et, son sac d’écolière sur le dos, partit pour le collège où elle n’arriva jamais.

Un avis de disparition inquiétante fut émis par la gendarmerie car à partir d’un point X relayé par plusieurs témoins, nul ne revit la jeune fille.

Elle était partie sans portable et sans argent, sans papiers d’identité de sorte qu’il était difficile de suivre la moindre piste.

On organisa des battues, on sonda les étangs, on vérifia l’identité des personnes circulant en voiture dans un large spectre spatio- temporel, la mère s’exprima sur les ondes, suppliant sa fille de donner des nouvelles.

Héléna, en Mater Dolorosa, pleura et jura qu’elle offrirait à sa fille ce qu’elle lui avait toujours refusé, un portable, du matériel informatique et la dernière tenue en vogue parmi les jeunes.

On pourrait avoir un tracé de son parcours se désolait-elle si je lui avais acheté le portable qu’elle me réclamait toujours.

«  Vous avez cru bien faire en l’éloignant des réseaux pervers » lui dit le commandant de gendarmerie, sensible au désespoir et aux remords de la mère.

Les jours passèrent et en dépit des recherches  incessantes de la gendarmerie, des perquisitions dans l’entourage et la famille, des études approfondies de fichiers contenant des profils de prédateurs sexuels connus de la police, on n’obtint pas le moindre résultat.

On mit le village sur écoute mais à part des banalités navrantes «  Encore un mauvais coup  d’immigré clandestin, on n’est plus en sécurité nulle part » on n’obtint rien de tangible.

Des policiers qui avaient suivi une formation pour s’infiltrer mode ado sur les réseaux sociaux, établirent de faux profils sous des prénoms variés, Wahid, Alexandre, Mildred et Amanda ; de cette manière ils pourraient s’immiscer dans le quotidien de camarades de classe assoiffés d’inconnu et demandeurs d’amitiés.

Côté médisances, ils ne furent pas déçus, certains allant jusqu’à dire que Magdalena récoltait ce qu’elle avait semé.

Nantis de renseignements obtenus par la ruse, les policiers interrogèrent les écoliers indélicats et peu compatissants.

Il s’avéra que Magdalena n’était pas appréciée par quelques camarades dont les avances avaient été repoussées.

Ces jeunes mis sur écoute à leur insu ne livrèrent pas d’éléments suffisants pour une enquête approfondie et l’on espéra, dans le milieu policier, qu’une nouvelle battue apporterait un élément susceptible de mener à une piste exploitable.

Huit cent policiers secondés par les gendarmes habitués au terrain ratissèrent les campagnes et multiplièrent les démarches auprès des archives.

Le hasard les servit enfin, suite à la plainte d’un riverain qui se sentait épié par un aigle.

On pista le rapace et l’on découvrit dans son aire une médaille de Sainte Thérèse que Magdalena ne quittait jamais.

Les parents reconnurent l’objet pieux avec une intense émotion.

On procéda aux examens d’usage, recherche de traces ADN en premier chef.

Cette découverte ne rassura ni les parents ni les enquêteurs.

Apparemment une tierce personne entrait dans le jeu car on n’imaginait guère un aigle s’en prendre à un objet.

Ce fut l’unique élément obtenu après des recherches poussées et harassantes.

Une longue attente

 

 

 


Après le départ de Gabriel d’Occitanie pour sauvegarder son château de Monségur, Laura de Beauregard vécut dans l’attente fébrile de nouvelles.

Elle trompait ces moments d’angoisse en activant ses exercices guerriers avec ses hommes de troupe car le danger était omniprésent dans le royaume.

Les premières lettres de Gabriel parvinrent au château, offrant un peu de douceur à la jeune femme. Elles étaient écrites sur parchemin, dans une élégante cursive tracée en lettres turquoise et , de plus, elles étaient accompagnées de somptueux bijoux célébrant l’Occitanie sous forme de bagues, de colliers et de croix richement travaillés et ornés de rubis et de grenats.

Pour ne pas être en reste, Laura commanda un assortiment d’armes aux forges de Brocéliande et elle broda une chemise de lin destinée à son bien aimé. Roses, pivoines et églantines s’entrelaçaient pour former le plus beau tapis floral qui soit.

Elle se retirait parfois dans le jardin d’amour pour relire les missives qui étaient toutes des chants passionnés destinés à raviver les flammes passionnées qui les avaient embrasées.

« Dame d’amour, chère Laura, il s’en faut de peu que mon cœur ne se brise lorsque je pense à vous, ce qui est une constante, même lorsque je pars avec mes guerriers, revêtu d’une armure sombre pour ne pas être remarqué, afin de constater l’avancée de nos ennemis.

Si d’aventure, je devais quitter ce monde, je vous demande de ne pas sacrifier votre jeunesse et votre beauté et de choisir celui qui saura vous entourer de tendresse et d’amour.

Dans le cas où vous n’en feriez rien, je vous donne rendez-vous dans la Jérusalem céleste où je vous attendrai en chevalier servant.

Belle Laura, je vous aime tant que mon esprit s’égare et que j’embrasse le vent en croyant vous serrer contre mon cœur.

Soyez assurée de ma fidélité et de mon amour incommensurable.

Je m’en remets à Dieu pour que ma destinée soit liée à la vôtre et j’espère pouvoir sauver Monségur qui connaît une période périlleuse.

Je vous quitte en souhaitant que les roses de votre cœur s’épanouissent sous mes baisers ardents.

Votre Gabriel ».

Le temps s’écoula avec l’implacable rigueur du sablier et les lettres s’espacèrent, faute de cavaliers, tous requis pour la sauvegarde du plus beau des châteaux.

Laura avait commandé une cotte de mailles robuste et élégante car elle projetait de se rendre à Monségur pour prêter main forte au chevalier mais elle n’eut pas à mettre son projet à exécution : une terrible et dernière nouvelle lui parvint par la grâce d’un parchemin transmis par une palombe, l’oiseau mythique de l’Occitanie : son bien aimé était mort en livrant une dernière et terrible bataille avec toute la bravoure dont il était capable.

Le château de Monségur avait été pris par l’ennemi.

Les derniers habitants avaient péri dans un horrible bûcher dressé pour l’exemple et ses murailles avaient été démantelées, faisant de ce beau château, altier et superbe, une ruine que chacun viendrait hanter au fil des jours.

Laura ajouta un liseré noir à sa tenue de guerrière et se mura dans un chagrin muet, se promettant d’attendre les derniers moments de sa vie terrestre pour rejoindre son bel et unique amour.

vendredi 29 novembre 2024

Fleur Désir

 




«  Mon amour, ma fleur des îles aux grands yeux turquoise, je rêve de plonger à la source de ton être pour en extraire le joyau rare, la Fleur Désir dont je respirerai toute ma vie l’incomparable parfum de santal et de rose ».

Ces mots ouvraient le livre du mystère dont Louis découvrait la trame romanesque en interrogeant son corps enfiévré.

Sa plume volait sur le parchemin et il était littéralement en transes.

Père Emile s’inquiéta un peu de le voir s’écarter du chemin de Damas puis il pensa avec sagesse que son filleul était un jeune homme et que tout amour conduisait à Dieu.

Rassuré, il excusa l’absence du romancier au séminaire sur Saint Paul qui touchait à sa fin en disant qu’une frénésie d’écriture lui était venue.

Le moment du départ se profila.

Par chance, Père Emile n’eut pas à prendre une douloureuse décision car Lilwenn le prit de court en lui demandant la faveur de garder auprès d’elle le jeune homme qui avait illuminé sa vie.

Les deux hommes se séparèrent avec émotion. Louis promit de donner de ses nouvelles régulièrement puis il partit, le cœur léger, vers l’hacienda somptueuse de sa promise.

Lilwenn lui avait préparé une suite confortable et propice à l’écriture.

Des liens se tissèrent au fil des jours.

Louis participait aux travaux quotidiens de la journée.

Afin de calmer ses ardeurs juvéniles, il seconda le jardinier, maniant la hache et la cisaille avec entrain.

Ensuite, les jeunes gens se promenaient, main dans la main, dans les environs dont ils devinrent bientôt les mascottes.

On aimait les amoureux dans ce pays cajun propice au rêve.

Louis et Lilwenn emportaient un carnet d’écriture et parfois, ils s’asseyaient sur un banc afin de noter les phrases vagabondes qui leur venaient au rythme de la marche.

Dignes émules de Jean-Jacques Rousseau, l’auteur des Rêveries du promeneur solitaire, ils allaient au gré de leur fantaisie, suivant les nuages ourlés de rose ardent.

Louis se procura les œuvres de Rabindranath Tagore, les dévora passionnément et réussit à trouver une harmonie en unissant le chantait d’amour qui grondait en lui à la manière d’un geyser et la sagesse conduisant à Dieu.

La trame de son essai amoureux ainsi fixée, il noircit de nombreuses pages le soir.

Fleur Désir put paraître en même temps que le livre de Lilwenn, le chevalier d’or, roman inspiré par l’homme dont elle était amoureuse.

Leurs œuvres croisées, à la manière de Louis Aragon et Elsa Triolet, emportèrent les suffrages des habitants de la Louisiane.

Assurés d’être faits l’un pour l’autre, ils franchirent le pas décisif en annonçant leurs fiançailles.

Père Emile fut enchanté. Il fit le voyage pour bénir leur union. Par ailleurs,  il félicita son filleul pour la qualité de son essai.

«  Quoique profane, il pourra être diffusé dans les diocèses et chacun reconnaîtra en toi le doigt divin posé sur ton front » dit-il avec émotion.

C’est ainsi que Louis et Lilwenn ouvrirent le grand livre de leur vie conjugale, heureux de s’être trouvés après avoir tant erré sur les chemins sinueux de la vie.