Tournoi périlleux

 

En trempant son pain bis dans un grand bol de lait chaud, Gwendal eut un flash, celui du tournoi qui lui avait été fatal.

Maheut de Brabant avait voulu que ce tournoi couronnant son sacre soit à la hauteur de son champion, Gwendal de Rohan dont elle était éprise.

La fine fleur de la chevalerie fut invitée à participer à ce tournoi rebaptisé «  Tournoi des Perles »  du fait de la cascade de perles offertes à la reine par son chevalier servant.

«  Comme il est beau » pensait Maheut en ornant la lance de son champion du foulard bleu imprégné de son parfum Fleur de rose.

Certes Gwendal flamboyait sous sa cuirasse blanche qui étincelait au soleil.

Ses premiers combats se déroulèrent sans incident et il fit mordre la poussière à tous ses concurrents.

Soudain, on eut l’impression que le soleil se dérobait lorsqu’apparut un chevalier masqué à l’armure noire.

Les premiers échanges furent à l’avantage de Gwendal mais alors qu’il s’apprêtait à mettre le point final à l’épée, il reçut sur la tête un énorme coup de masse plombée de billes d’acier tranchant.

Méléagant car c’était bien lui, laissa son challengeur étourdi sur le sol et courut recevoir sa récompense des mains tremblantes de la reine Maheut, frappée au cœur par la défaite de son champion.

Au réveil, Gwendal n’avait plus le moindre souvenir. On pansa sa blessure à la tête car la masse du chevalier perfide avait fendu son heaume, créant un dommage cérébral.

Il avait perdu la mémoire, il ne reconnut pas Maheut de Brabant accourue à son chevet, parlait à peine et ignorait jusqu’à son nom.

Les mois passèrent. Il retrouva quelques forces mais se voyant invalide mental, il profita de l’absence de son écuyer pour s’enfuir, simplement vêtu d’un bliaut.

Affolée, craignant pour la vie de son chevalier, Maheut dépêcha des cavaliers dans toutes les directions mais le fugitif demeura introuvable.

Gwendal progressait dans les forêts et les landes protégées par les épineux. Il subsistait grâce à l’eau des fontaines, aux fruits sauvages et aux dons des personnes croisées en chemin.

Pain, fromage, brochettes de viande, gâteaux de ménage l’aidaient à retrouver des forces pour poursuivre sa route.

Il raconta son équipée à l’ermite Ambroise qui s’empressa de lui souhaiter longue vie et espérance.

Le brave homme lui fournit un cheval, des vêtements de voyage et une besace de provisions.

Ainsi équipé, Gwendal remercia son bienfaiteur et prit la route en direction de son manoir où chacun se morfondait depuis la nouvelle de sa blessure et de sa fuite.