samedi 23 juin 2018

Le retour du guerrier



C’est en revenant d’une croisade que le comte Enguerrand de Bonneterre s’égara en chemin, à quelques lieues de son château où l’attendait Dame Aude au hennin blanc.
Un églantier qu’il avait toujours connu depuis son enfance, l’induisit en erreur. Il avait pris l’habitude de le traverser pour vérifier si sa cotte de maille était toujours sans faille et cette fois, il en resta prisonnier.
Blotti bien malgré lui dans ce buisson épineux, son cheval Dragon d’ Or ayant pris la fuite, il se résigna à dormir, en dépit de l’inconfort de sa couche.
Au réveil, l’églantier avait disparu. Le comte était étendu sur un lit de mousse, à l’ombre d’un grand hêtre dont il ne se souvenait pas.
A sa grande surprise, il se vit offrir une collation par une jeune paysanne au frais minois. Elle s’éclipsa après le repas d’un pas de ballerine.
« Cette aventure est très étrange » se dit le comte mais il avait connu tant d’horribles batailles qu’il n’était pas fâché de renouer avec la beauté naturelle de cette terre.
La pensée de son épouse qui devait se morfondre, brodant à s’en piquer les doigts des tapisseries à la gloire des chevaliers l’aida à reprendre pied dans le réel.
Par chance, son cheval réapparut et il put l’enfourcher, testant au doigt mouillé la direction de ses domaines.
Une mésange se posa sur son épaule, ce qui lui parut de bon augure.
En approchant du château, il entendit le bruit des tambours et l’ensorcelante mélodie qui accompagnait souvent les armées sarrasines.
La guerre nous a donc rattrapés, songea-t-il avec stupeur et une pointe d’effroi !
Comment pourrait-il en être autrement ? lui dit l’oiseau bleu. La guerre devient omniprésente et éternelle si on a le malheur de la déclencher. Croyais-tu vraiment pouvoir te reposer après avoir pourfendu tant de personnes pour l’unique raison qu’elles ne pensaient pas comme toi ?
J’aurais mieux fait de mourir au combat, soupira Enguerrand mais il se plia aux velléités de la destinée, abaissa son heaume et partit dans la mêlée car il se devait de défendre son château et de préserver l’honneur de sa blanche épouse qui l’attendait depuis si longtemps !

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