C’est en revenant d’une croisade que le comte Enguerrand de
Bonneterre s’égara en chemin, à quelques lieues de son château où l’attendait
Dame Aude au hennin blanc.
Un églantier qu’il avait toujours connu depuis son enfance,
l’induisit en erreur. Il avait pris l’habitude de le traverser pour vérifier si
sa cotte de maille était toujours sans faille et cette fois, il en resta
prisonnier.
Blotti bien malgré lui dans ce buisson épineux, son cheval
Dragon d’ Or ayant pris la fuite, il se résigna à dormir, en dépit de l’inconfort
de sa couche.
Au réveil, l’églantier avait disparu. Le comte était étendu
sur un lit de mousse, à l’ombre d’un grand hêtre dont il ne se souvenait pas.
A sa grande surprise, il se vit offrir une collation par une
jeune paysanne au frais minois. Elle s’éclipsa après le repas d’un pas de
ballerine.
« Cette aventure est très étrange » se dit le
comte mais il avait connu tant d’horribles batailles qu’il n’était pas fâché de
renouer avec la beauté naturelle de cette terre.
La pensée de son épouse qui devait se morfondre, brodant à s’en
piquer les doigts des tapisseries à la gloire des chevaliers l’aida à reprendre
pied dans le réel.
Par chance, son cheval réapparut et il put l’enfourcher,
testant au doigt mouillé la direction de ses domaines.
Une mésange se posa sur son épaule, ce qui lui parut de bon
augure.
En approchant du château, il entendit le bruit des tambours
et l’ensorcelante mélodie qui accompagnait souvent les armées sarrasines.
La guerre nous a donc rattrapés, songea-t-il avec stupeur et
une pointe d’effroi !
Comment pourrait-il en être autrement ? lui dit l’oiseau
bleu. La guerre devient omniprésente et éternelle si on a le malheur de la déclencher.
Croyais-tu vraiment pouvoir te reposer après avoir pourfendu tant de personnes
pour l’unique raison qu’elles ne pensaient pas comme toi ?
J’aurais mieux fait de mourir au combat, soupira Enguerrand
mais il se plia aux velléités de la destinée, abaissa son heaume et partit dans
la mêlée car il se devait de défendre son château et de préserver l’honneur de
sa blanche épouse qui l’attendait depuis si longtemps !
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