Le temps des héros
Alors que de nombreux minotaures hantaient des labyrinthes
monstrueux, tapis dans l’ombre et prêts à frapper des jeunes gens venus à leur
rencontre, il se trouva que des héros surgissent là où on les attendait le
moins.
Arnaud Beltrame, officier supérieur de gendarmerie qui avait
couvert d’innombrables sites dangereux avec courage et succès, offrit sa vie en
échange de celle d’une malheureuse otage, déterminé à dominer le forcené par
son art oratoire et son expérimentation du combat.
Il ne mourut pas instantanément mais subit de telles
blessures qu’il trouva le trépas, laissant une future mariée éplorée.
Un jeune homme venu du Mali après un incroyable périple
digne de l’Odyssée, bondit pour escalader un immeuble parisien afin de sauver
un jeune enfant qui se tenait d’une main à un balcon !
Qualifié par la suite d’homme-araignée, le jeune Moumadou fut reçu à l’ Elysée : récompensé par des
diplômes et des décorations valant chacune leur pesant d’or, il obtint
finalement ce pour quoi il était venu dans notre pays, des papiers officiels et
un emploi aux Pompiers de Paris, corps prestigieux s’il en est !
On le disait laveur de carreaux, « au noir »
vraisemblablement et il vivait dans un foyer d’accueil.
Son acte de bravoure lui valut un dénouement heureux.
Puis il s’en trouva d’autres qui sortirent de l’ombre,
semblant dire « et moi ? » car il apparaissait que des héros
vivaient parmi nous sans que l’on s’en rende compte !
Les partis politiques qui faisaient leurs choux gras des
velléités fascisantes d’un groupe assez conséquent de l’électorat, firent la
grimace et jouèrent les fines mouches en félicitant les héros du bout des
lèvres, glissant perfidement des bémols perfides bien sentis.
Néanmoins les héros absolus furent de jeunes morts.
Une image nous hante, c’est celle d’un jeune enfant qui
semble dormir sur un rivage. Semblable dans son immobilité à La Jeune Tarentine
d’ André Chénier, il dort d’un étrange sommeil !
Aylan est mort et son image fut diffusée comme l’appel au
secours de toutes les personnes qui franchissaient la mer pour échapper à la tyrannie, au
servage ou à la famine régnant chez eux.
La mer Méditerranée, si belle et si accueillante est devenue
un gigantesque mouroir où échouent ceux qui n’ont pas eu la chance de passer de
l’autre côté de la rive, à pied sec !
Ayons également une pensée émue pour de jeunes africains qui
se cachèrent dans le fuselage d’un avion et que l’on retrouva morts de froid.
Jouant leur va-tout et pensant sans doute qu’ils ne
sortiraient pas indemnes de l’aventure, ils avaient écrit une lettre que l’on
retrouva sur leur cadavre, une lettre admirable, écrite dans un français
classique et littéraire dans laquelle ils exposaient de manière cartésienne,
les motifs de leur démarche désespérée : un drame absolu car ces jeunes
gens avaient le profil de futurs énarques ou philosophes ou encore de
mathématiciens dignes de figurer dans le panthéon de nos grands hommes.
Mais quand bien même ces personnes décédées eussent été de
futurs jardiniers ou des ouvriers, ils n’en auraient pas moins été dignes d’être
aimés par notre mère patrie !
Le duo Maître Gims-Vianney fit entendre sur les ondes des
chansons rythmées, alliant la beauté africaine à la poésie française, retrouvant
la force qui animait le Zoulou blanc et son danseur, assassiné par d’abominables
racistes.
Portant haut la parole de la France, alliant des phrases
choc en Anglais et des formules dignes du théâtre, notamment un « La belle
affaire ! » en réponse à des critiques sur sa politique étrangère,
notre Président fit feu de tout bois pour rendre à un pays endormi, vivant
comme au temps de Louis XV où l’on se gaussait des défaites l’armée, un
semblant d’âme, tâche ardue s’il en est !
Ce n’est pas un hasard si Gérard Depardieu a incarné au
cinéma un Cyrano de Bergerac qui tremblerait d’effroi si on le situait dans le
Paris de notre temps, oscillant entre misère et pauvreté et bourgeoisie bohème.
Ce n’est pas cent hommes qu’il devrait affronter Porte de
Nesle mais des milliers de truands qui préfèrent la kalachnikov à la rapière de
d’Artagnan !
Triste temps des héros où l’on ne sait plus s’il faut rire
ou pleurer !
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