Brocéliande de nos amours
La forêt bruissait de mélodies nouvelles colportant le
renouveau. Hortensia et ses compagnons avaient accompli un remarquable travail,
au fil des réunions de la Table Ronde.
Les soucis provenant des incendies criminels s’étaient
envolés et les suspects avaient été bannis de la forêt à tout jamais. De plus,
il avait été décidé que l’on replanterait des arbres là où ils étaient
manquants et Hortensia eut la brillante idée de mettre à contribution les
élèves des écoles avoisinantes en obtenant l’accord des directeurs et des
enseignants.
Chaque élève n’était pas peu fier de devenir chevalier de
Brocéliande en plantant des saules, des hêtres et des chênes. Par ailleurs on
sema des fleurs pour faire bonne mesure et la forêt devint si accueillante que
tous rêvaient d’y venir afin de contempler la nouvelle parure de la lande que l’on
disait sauvage et qui était devenue si belle.
Célio voulut un jour se rendre à la fontaine de Barenton où,
disait-on, l’enchanteur Merlin et la fée Viviane s’étaient rencontrés.
Lorsqu’il parvint à la fontaine après s’être perdu plus d’une
fois tant le chemin se voulait secret, il eut la surprise de constater que
quelqu’un l’avait devancé et cette personne, une jeune femme d’une rare beauté
chantait une mélopée qui semblait venue d’orient :
« Dans le berceau de tes bras, j’ai respiré les parfums
de l’oranger et du jasmin. J’ai franchi la mer à bord d’un voilier blanc pour
te rejoindre, mon doux aimé et pour ne plus jamais te quitter ».
Célio sentait une irrationnelle pointe de jalousie s’emparer
de son cœur. Qui était ce rival potentiel que la belle rêvait de retrouver ?
Il prit la liberté de s’asseoir à ses côtés et attendit qu’elle
consente à lui adresser la parole.
Les yeux mi-clos, il attendait que le miracle ait lieu mais
ce fut en pure perte alors, dans un mouvement désespéré, il se mit à chanter et
les paroles improvisées devenaient ruisseau courant sur les galets parfois
semés de paillettes d’or :
« Belle de mes jours, je voudrais que tu t’attaches à
moi pour jamais. Les nuits deviendront autant de rêves d’amour et je te promets
de te servir et de t’aimer comme la princesse que tu es déjà dans mon cœur.
Viens mon aimée, viens me rejoindre car je me meurs d’amour
et je sens que ma vie s’échappe de mes lèvres. Toi seule peux me retenir en ce
monde et j’attends que tu acceptes mon baiser ».
La jeune femme parla enfin et révéla son nom en premier
lieu. Elle était originaire de la lointaine Flandre et se nommait Maheut d’Artois.
La chanson qu’elle avait interprétée lui venait de sa nourrice, originaire d’Alger et elle avait été bercée, toute enfant
par les parfums du jasmin et de l’oranger.
« je n’accepterai d’embrasser un jeune homme, fût-il
charmant, que lorsqu’il me demandera en mariage de manière formelle, après de
longues fiançailles au cours desquelles, il devra faire preuve de gentillesse
et de constance, pour m’assurer de sa fidélité.
Je vous propose, gentil chevalier de venir voir mes parents
en mon château de Brise d’Automne, pour me demander en mariage ».
Célio lui parla de la Table Ronde auprès de laquelle il s’était
engagé comme chevalier, par serment et il proposa à la belle Maheut de
rencontrer Dame Hortensia qui régentait sa vie.
Ils arrivèrent à Tréhorenteuc, firent une halte à l’église
où régnait une paix hors du commun et exposèrent une demande de libération
momentanée du chevalier Célio pour preuve d’amour.
Dame Hortensia se déclara charmée de l’aventure romanesque
du chevalier vénitien qui était son bras droit et elle l’autorisa à se rendre
dans la Flandre prospère dont on vantait les louanges et où disait-on, avait
vécu le grand Chrétien de Troyes qui avait tant chanté les exploits des
chevaliers de la Table Ronde, racontant notamment les amours de la belle
Guenièvre et de Lancelot du Lac puis la conquête toujours remise sur le métier
du Graal sacré, notamment par l’entremise de Perceval le Gallois.
« J’aurai enfin l’occasion de donner une place d’honneur
à l’un des chevaliers que j’ai gardés auprès de moi » ajouta-t-elle et
chacun émit un avis pour sélectionner l’un de ces preux chevaliers.
Aldebert de Roumanie fut enfin désigné à la majorité des
voix et il vint baiser la main de sa suzeraine en lui promettant d’être son
plus fidèle et reconnaissant vassal.
Après de jolies fêtes destinées à recevoir Maheut de Flandre
dans la congrégation de chevaliers de l’ordre nouveau, le couple partit vers ce
pays que l’on disait couronné de blés ondoyant au vent et de belles terres
riches où paissaient des animaux destinés à fournir des produits délicieux, au
nombre desquels figurait un fromage renommé que l’on savourait de mille et une
manières, offrant aux enfants une belle croissance et des joues roses.
On attendit des nouvelles du couple et elles arrivèrent
enfin, porteuses d’espoir et de félicité.
Célio avait été accepté à condition que la réciproque se
fasse à Venise et les deux amants partirent de ce chef dans la lointaine lagune
où miroitaient des trésors fabuleux.
Ce répit enchanta Aldebert de Roumanie qui prit goût à sa
participation active auprès de Dame Hortensia, dans cette Table Ronde qui
réservait tant de surprises à ceux qui croyaient en elle.
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