Regain chevaleresque
Après l’épisode vivifiant de la halte à l’abbaye de
Timadeuc, les habitants du château de Beauregard eurent à cœur de préparer un
banquet destiné à célébrer la délivrance des chevaliers incarcérés par la fée
Morgane dans le val-sans-retour, enfin rendu à la sérénité et à la magie
féerique des lieux.
Pour magnifier les fromages et les pâtes de fruits offerts
par les moines cisterciens, on fit venir d’habiles cuisinières des villages
placés sous la protection du château afin de trouver des recettes inventives et
gustatives.
On se mit d’accord pour sélectionner un grand classique qui
régnait dans les campagnes, le fromage à la compotée de rhubarbe qui alliait la
douceur crémeuse du fromage à l’acidité de la reine du potager, cette rhubarbe
que l’on accommodait de mille et une façons.
Quant aux pâtes de fruits, on pourrait les servir telles
quelles en qualité de mignardises ou d’accompagnement de desserts à base de
laitages tels que les œufs à la neige encore appelés îles flottantes.
Ces détails réglés, on se demanda ce qu’il faudrait servir
en hors d’œuvre et en plat principal et pour ce faire on consulta les
chevaliers qui relevaient de convalescence et qui avaient peut-être un souhait
particulier puisqu’ils avaient été abreuvés de potions lénifiantes pour leur
ôter souvenirs et velléités de libération lorsqu’ils étaient prisonniers de la
néfaste fée Morgane, tournée vers la magie noire pour assouvir ses penchants
venimeux.
Le chevalier Léonidas qui avait été capturé lors d’une
visite de courtoisie à un homologue breton, souhaita retrouver les parfums de
son enfance sous la forme d’un plat qui ressemblerait à la moussaka que lui
servait sa nourrice dans sa jeunesse.
Le chevalier Mériadec émit le souhait de retrouver un plat
qui magnifierait les légumes du potager savamment entretenu par les moines de l’abbaye
et l’on retint cette proposition qui soulignerait une fois encore la dette que
l’on avait vis-à-vis de ces moines qui aimaient servir Dieu et les pauvres.
Aubépin voulut mettre à l’honneur les fleurs qu’il aimait
tant et proposa ses confitures aux pétales de roses pour que l’on s’en serve de
condiment, ce que les cuisinières acceptèrent avec enthousiasme.
Une cuisinière émit l’idée que cette confiture soit employée
pour farcir un saumon de rivière, ce qui lui donnerait une douceur particulière.
Une autre proposa que l’on garnisse de petites crêpes fines de ces gourmandises
venues des jardins de Beauregard.
Ces détails réglés, on en vint aux pièces de viande dont
chacun attendait beaucoup.
Laura se souvint d’un plat qu’affectionnait Gabriel d’Occitanie dont elle gardait un souvenir ému,
impérissable : il s’agissait de pigeons farcis aux amandes que l’on
servirait avec une poêlée de champignons des bois et une écrasée de
topinambours et autres racines savoureuses, additionnées de crème épaisse.
Cette option fut retenue avec enthousiasme et chacun se
délecta à l’avance de toutes ces merveilles que l’on offrirait à des hôtes qui
avaient besoin de se ressourcer dans un banquet légendaire destiné à leur faire
oublier les sévices moraux subis du fait de la terrible Morgane.
Un regain chevaleresque redonna à tous l’envie de se
ressouder autour de valeurs basées sur un idéal qui rendrait à tous l’honneur d’appartenir
à une même famille, celle des chevaliers gardiens des veuves et des orphelins,
mis à mal par les forces maléfiques d’une sorcière qui voulait détruire l’ordre
établi depuis des siècles.
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