Venise sous les eaux
Durant le trajet qui séparait la Flandre rayonnante et
Venise la Belle, Célio racontait des histoires merveilleuses relatives à sa
ville natale à sa compagne bien-aimée.
Cependant aux abords de la cité des doges, des personnes
hagardes et munies de vêtements de rechange et de quelques souvenirs précieux s’offrirent
à leurs yeux étonnés.
« L’eau monte » fut la seule explication de cette
fuite soudaine, donnée en courant par les victimes éplorées.
De fait, Venise apparut aux voyageurs baignant dans des eaux
tumultueuses qui donnait une apparence fantasmagorique aux palais de la ville
tant réputée pour sa beauté éternelle.
Par chance, le palais de Célio bâti sur une colline n’avait
subi aucun dommage mais il fut accueilli par sa famille à bras ouverts car,
outre le fait que tous étaient heureux de le revoir, les cadeaux qu’il
apportait étaient d’autant plus précieux que l’approvisionnement de la ville ne
se faisait plus.
Des victuailles choisies par les parents de Maheut pour
magnifier les beautés de la Flandre servirent la journée de leur venue et les
suivantes de denrées de survie.
Sacs de blé, poulardes confites, conserves et confitures
diverses, gaufrettes fourrées, assortiments de fruits déguisés et de gelées
diverses servirent à l’élaboration de recettes ancestrales, notamment des
raviolis qui ravirent Maheut par leur nouveauté.
Pâtes succulentes furent au menu de tous les repas, ce qui
remit les habitants du palais en bonne forme.
Il n’était plus question de participer au carnaval, une
grande première tant les malheurs se succédaient dans cette ville magnifique
conçue pour le plaisir des yeux et le cri d’amour envers la beauté unique en ce
monde.
Lorsque les eaux baissèrent, on put constater l’étendue des
dégâts.
Des palais, parfois délabrés s’étaient écroulés, entraînant
dans leur chute la mort de personnes âgées et d’enfants.
Célio participa aux fouilles funéraires et il en fut si
affecté qu’il pleura dans les bras de Maheut, la suppliant de l’épouser au plus
vite afin de concevoir leur premier enfant dans un bain de lumière et d’espoir.
Les noces furent célébrées sans plus attendre et leurs
premières nuits d’amour furent empreintes de passion et de délicatesse car la
mort planait sur la ville éternelle et il fallait absolument redire au monde
que la noble cité ne mourrait pas.
La naissance de leur premier enfant fut un grand événement.
On le prénomma Victor en signe de défi au destin.
D’autres enfants naquirent ensuite dont des jumeaux qui
portèrent des prénoms lumineux pour célébrer la grandeur de la famille,
Aurélien et Julien, prénoms impériaux par ailleurs ;
Une ravissante Alba naquit enfin, apportant le sourire de l’aurore.
Les parents attendirent que les eaux soient définitivement à
leur plus bas niveau pour envoyer des cadeaux en Flandre et en Bretagne.
Célio envoya un courrier à Dame Hortensia pour lui faire
part d’un projet qui lui tenait à cœur : l’édification d’une table ronde
vénitienne pour que la ville ne meure pas sous les coups de butoir de la mer si
proche, à la fois source de richesse et de malheurs périodiques ;
De même que vous veillez sur la légendaire forêt de
Brocéliande, je dois veiller, avec de fiers chevaliers, à ce que notre ville
éternelle le demeure.
Dame Hortensia accueillit ce projet avec enthousiasme et elle promit son aide en cas de besoin.
Pour remplacer Célio, elle choisit un chevalier venu de
Flandre afin de souligner son attachement à Venise par sa parenté avec celle de
Maheut de Flandre.
Robert de Valenciennes fit son entrée au bras de sa
suzeraine et il offrit à tous son serment de fidélité.
Des cadeaux rituels firent leur entrée à Tréhorenteuc,
dentelles célèbres en cette belle ville du val des cygnes, langues de Lucullus,
confiseries venues de la ville proche de Cambrai avec un assortiment de
gaufrettes du jour de l’an et de coquilles savoureuses, offertes aux enfants
lors des fêtes de fin d’année.
Chacun fut bien aise de voir tous ces cadeaux et l’on se
promit de prendre régulièrement des nouvelles de la table ronde vénitienne pour
connaître la progression des travaux de sécurisation et d’embellissement prévus
par leur cher Célio, premier chevalier à essaimer pour le bonheur de l’Europe
des temps nouveaux.
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