Le chevalier de Timadeuc
Soignés activement au château de Beauregard, les chevaliers
prisonniers de la fée Morgane retrouvaient peu à peu la mémoire et le goût de
vivre.
Parmi eux, le chevalier Mériadec qui avait été à l’origine
du revirement de Dame Yveline en peignant avec précision son beau château avant
sa destruction, trouva les mots pour exprimer son singulier parcours.
« Les moines de Timadeuc m’ont trouvé, bébé enveloppé
de langes et de dentelles, dans un beau burnous blanc, sur les marches de l’abbaye.
Un message était épinglé sur mon bavoir stipulant que je me prénommais Mériadec
et que les souhaits parentaux consistaient enune destinée chevaleresque après
une éducation soignée. L’auteur du billet rédigé avec élégance déplorait de
devoir se séparer d’un enfant très aimé et ajoutait que des événements
dramatiques justifiaient cet abandon qui n’en était pas un ».
Le prieur prit la décision de respecter les souhaits de ces
parents manifestement dans la peine et l’éducation de Mériadec fut parfaite en
tous points.
Lors de son adolescence, il fut envoyé au château de
Bellerive et l’éducation d’un futur chevalier se déroula avec précision et
efficacité.
Mériadec était manifestement doué pour le métier des armes,
même si son éducation cistercienne faisait de lui un artiste accompli : il
peignait et écrivait à merveille, chantait avec la grâce du rossignol et
composait des poèmes si émouvants que pour séduire une dame, des chevaliers s’adressaient
à lui pour emporter l’adhésion de l’être aimé à une romance menant parfois à
une union souhaitée de part et d’autre.
Lorsque le château fut encerclé par des ennemis jaloux de
son abondance et de ses richesses, Mériadec fut l’épée flamboyante qui retenait
toujours les assauts décisifs.
C’est alors que la fée Morgane, à l’origine de cette
rébellion, prit la décision de soustraire ce beau et noble chevalier au
massacre inévitable qui allait suivre la chute du château et elle l’emmena dans
le val-sans-retour dont elle était la souveraine absolue.
Le reste est connu car si les sortilèges de la fée étaient
puissants, elle ne pouvait guère lutter contre la volonté farouche de ne pas
oublier un élément essentiel de sa vie.
Lancelot du Lac lui-même avait connu une expérience
similaire ; devenu le jouet et l’esclave de la fée Morgane dont il était
devenu le malheureux prisonnier, il avait peint une fresque où l’on
reconnaissait distinctement la belle Guenièvre dont il était follement épris.
Chacun s’extasia devant ce fabuleux récit et l’on n’eut de
cesse de se rendre à l’abbaye de Timadeuc pour rassurer les moines du devenir
de leur filleul.
Les moines cédèrent à l’émotion la plus vive en retrouvant
ce fils adoptif qui figurait au nombre des morts de Bellerive.
Une messe solennelle fut décrétée et l’escorte de Mériadec
promit de revenir pour l’événement.
On repartit à Beauregard, les bras chargés de provisions
artisanales réalisées par les bons pères, du fromage savoureux et odorant et
des pâtes de fruits réalisées à partir des merveilles du verger.
Un excellent repas, mettant à l’honneur ces produits venus
de l’enfance du chevalier fut programmé et Mériadec promit de retrouver sa
plume pour célébrer, par une ode bien sentie, la beauté des âmes simples et
croyantes.
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