La mort d’une conteuse
Dans son hameau fleuri de roses
et de lilas, Manon, la conteuse des longues soirées d’hiver, sentit sa vie
basculer.
Elle ne parvenait plus à dévider
le fil d’or qui la conduisait d’une princesse désespérée à un prince salvateur,
prêt à épouser la jeune fille éplorée.
Il lui arrivait de rêver de la
vallée de son enfance qui serpentait au gré d’une rivière capricieuse où des
ilots de verdure abritaient des nichées d’oiseaux.
Les cygnes qui voguaient d’une
rive à l’autre glissaient sur le ruban argenté de la rivière où roulaient
pépites d’or et pierreries sans lui inspirer le moindre canevas séquencé d’une
histoire dont elle découvrait l’issue avec surprise et ravissement.
Désorientée et déçue de ne plus
trouver les mots d’or qui jaillissaient sous sa plume, elle décida de mettre sa
pèlerine et chausser ses sabots pour partir à la recherche du vallon perdu où
un enchanteur retenait prisonniers les chevaliers de son âme.
Elle marcha longtemps, allant d’un
vallon à un autre, son carnet des grands chemins en bonne place dans le sac
brodé de roses qui lui avait toujours porté chance.
Le soir tombant, elle activa le
heurtoir d’une jolie chaumière éclairée par un bon feu.
Une jeune fille qui lui
ressemblait lui ouvrit et la pria aimablement de partager son repas, après
quelques ablutions et le rafraîchissement de sa tenue vestimentaire.
Elles se régalèrent de
préparations culinaires à base d’œufs, de lait, de fromage et de plantes
aromatiques aux parfums à la fois doux et sauvages.
Du poisson de rivière poêlé et
aromatisé de citron reposait sur un lit de cresson orné d’œufs de cailles
délicatement farcis d’une crème mousseuse.
Quant au dessert, il consistait
en choux fourrés de crème pralinée ou pâtissière et ornés de dragées.
Des carafes de boisson au sirop d’orgeat
et à l’hydromel permettaient le glissement de tous ces plats délicats et
raffinés.
Au terme du dîner, des dames
avenantes desservirent promptement et
des violonistes attaquèrent des airs charmants empreints de romantisme.
Je n’aurais pas pu faire mieux se
dit Manon et elle sourit à son hôtesse qui lui offrait une soirée digne de sa
plume.
C’est alors qu’elle glissa dans
un sommeil profond et elle fut emmenée dans le réceptacle d’un attelage
fantastique guidé par des licornes dans le pays bleu de son enfance.
Solenn, la jeune hôtesse ajouta
un plumier d’or à ses armoiries et devint la nouvelle conteuse attitrée de la
région.
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