La valse lente des amants
Ils se sont élancés sur le parquet ciré, pour une dernière
valse, les amants éternels, pour se donner réciproquement le frisson harmonieux
du bonheur.
L’orchestre et la salle de bal ont soudain disparu pour
rendre les danseurs à la nature qui est un hymne à l’amour.
Les oiseaux ont pris la relève pour donner le tempo et c’est
avec un vif plaisir que les valseurs ont esquissé leurs pas dans une clairière,
près d’une fontaine dont les eaux chantent de manière cristalline.
Pierrot, Colombine et Arlequin ont rejoint la clairière
enchantée et Merlin s’est extrait de sa prison de verre pour enlacer la fée
Viviane, sa bien-aimée.
Lancelot et Guenièvre ont offert le spectacle de leur
passion et il s’en est fallu de peu que les danseurs ne s’arrêtent pour les admirer.
Tristan et Yseult, parés de leurs couronnes de feuillages,
se sont joints à la valse, rendant à cette prestation toute sa singulière
beauté.
Un professeur de Lettres, en université, consacra un premier
mois d’études à la pratique de la valse.
C’était, à ses yeux, l’unique moyen de faire comprendre à
tous ses étudiants les mystères de l’amour.
La vibration des corps enlacés et dansant à l’unisson selon
un code musical établi permettait à tous de pénétrer dans les arcanes des
passions sublimées par la raison, rendant possible la compréhension d’une œuvre
aussi complexe que La Princesse de Clèves, écrite pourtant à une époque où la
valse n’existait pas encore.
Néanmoins c’est au cours d’un bal donné à la cour qu’une
évidence éclata : le duc de Nemours et la princesse de Clèves qui n’avaient
jamais été présentés l’un à l’autre, étaient manifestement faits pour former le
plus beau couple qui soit.
Cet amour contrarié du fait que la princesse de Clèves était
mariée, obéissant au souhait de sa mère qui lui présentait le mariage de raison
comme la meilleure chose du monde, nous envoûte littéralement car il y a dans
ce livre du dix-septième siècle la matrice de toutes les histoires d’amour les
plus singulières et les plus dignes d’être analysées.
Mais laissons là la carte du Tendre et revenons à nos
couples qui valsent sans se poser de question existentielle.
Que revienne le temps des cerises, de l’amour et des rêves d’éternité !
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