L’homme aux mille visages
Dans un pays bleu gouverné par des licornes, vivait un homme
aux mille visages.
Un jour prince, le lendemain palefrenier, tantôt forgeron ou
pêcheur, tour à tour explorateur, historien, jardinier, chasseur, il surprenait
toujours son entourage par une métamorphose à laquelle on ne s’attendait pas.
Tout le monde s’accordait cependant à le nommer le prince
Rodolphe, lui offrant ainsi la primeur du titre de noblesse que lui avaient
légué ses ancêtres.
De plus, il vivait dans un palais et même s’il s’en échappait
parfois sous l’apparence d’un homme ordinaire, travaillant la terre ou
cultivant la roseraie, il bénéficiait néanmoins de la noblesse innée dont on ne
se sépare jamais.
Il lui arrivait d’installer son chevalet au bord de la
rivière remontée par des saumons qui offraient au ruban argenté l’explosion d’une
vivacité appréciée par des artistes, des pêcheurs et des gourmets.
Un jour, il crut voir nager une sirène dont les cheveux s’ornaient
d’un diadème royal.
Soucieux de ne pas être son prince maudit, il se contenta de
dessiner sa silhouette afin d’intégrer son portrait dans une toile qui était
une véritable ode à la rivière et à ses sources vagabondes.
Ses pas le portèrent jusqu’à une grotte où, sans surprise,
il découvrit la sirène, occupée à se nourrir de laitances et à boire une eau
pétillante dont elle se délectait avec gourmandise.
Elle lui offrit une place à ses côtés et comme il la
remerciait de son hospitalité, elle lui répondit en chantant que le dieu de la
rivière était naturellement le bienvenu.
Je me connaissais bien des avatars et beaucoup de visages
dit le prince mais j’ignorais cet incroyable don divin. Est-ce vraiment
possible ?
Je t’invite à me suivre dans le courant de la rivière,
répondit la sirène.
Ils nagèrent de concert et le prince dut se rendre à l’évidence :
il était bel et bien le génie de la rivière !
C’est à ce titre qu’il enlaça amoureusement la sirène lorsqu’ils
regagnèrent la grotte, transformée en nid d’amour pour la circonstance.
De cette union naquirent de jolis princes et des petites
princesses avec, naturellement une sirène destinée à accompagner ses parents
dans les remous de la rivière qui était l’élément naturel crucial du royaume
bleu que l’on peine à localiser sur une carte d’état-major puisqu’il appartient
au domaine féerique, ancrage idyllique de notre vie !
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