Les lys de la vallée
Les lys de la vallée ont fleuri sur les rives du souvenir et
les jeunes filles se sont empressées d’en cueillir pour faire des bouquets.
Jadis on les dédiait aux rois et à la reine céleste, Marie
dont le mois s’achève sans qu’il y ait eu de processions ou de messes sacrées
en sa mémoire.
Côté processions, on peut noter que des cinéastes ont filmé
des scènes où l’on exécute un parrain de la mafia au plus fort des alléluias.
Eclaboussés de sang, les lys sont piétinés, formant un tapis
végétal où subsiste encore le pistil solaire dont raffolent les abeilles.
Les lys fraîchement cueillis sont disposés dans des vases et
jettent leur note de lumière.
« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans »
écrivait Charles Baudelaire et sans oser me comparer à cet immense poète, je
peux dire que je fais mien ce vers merveilleux et si parlant.
Dans la commode de mon âme, il y a de multiples tiroirs et j’en
tire parfois un au hasard.
Tantôt c’est un tiroir qui mène à l’ivresse du vin, tantôt c’est
la boite à souvenirs qui nous oblige à faire un retour vers l’enfance ou encore
à l’amour voué à une servante disparue, plus rarement à une rêverie érotique «
La très chère était nue » bref les tiroirs de nos âmes sont innombrables
et en ce qui me concerne, il y en a un, inédit, qui encense l’amour des lys
grâce à un support romantique, Le Lys dans la vallée d’Honoré de Balzac et mes
souvenirs d’enfance liés aux processions somptueuses, organisées pour le mois
de Marie dont il reste une trace dans les chansons populaires et le cœur des
officiants.
Les lys de la vallée ont fleuri sur les rives du souvenir et
ont embaumé mon cœur, m’entraînant dans une valse qui me conduit au Cantique
des cantiques, les tableaux de Greuze, Poussin ou Vermeer de Delft, à l’image
de La jeune fille à la perle à qui un amoureux me compara jadis, allant jusqu’à
orner le manteau de cheminée d’une reproduction, placée en guise d’ex- voto.
C’est seulement à présent que je mesure la qualité de ce
geste car si j’ai toujours aimé les tableaux de Vermeer de Delft, notamment La
Dame au chapeau Rouge dont un fac-similé patiné orne mon salon, jeune fille, je
détestais toute allusion à ma supposée beauté, refusant que l’on fasse des
femmes des objets de désir.
Aujourd’hui, je me promène dans les jardins du souvenir et
je respire le parfum enivrant des lys, dernier rempart de la virginale douceur…
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