La princesse de papier
Jouant le tout pour le tout, Soraya se décida à sortir du
roman dans lequel elle était enfermée depuis si longtemps et quitta cette tour
en peau de chagrin pour s’en aller sur les chemins, à la recherche du monde qu’elle
ne connaissait pas.
Les oiseaux l’escortaient et de mésange en rouge gorge,
Soraya suivit un parcours fléché par les serviteurs de la nature.
Elle arriva à l’orée d’un bois et découvrit tout un univers
qui fit chanceler la représentation du monde qu’elle connaissait par l’intermédiaire
des livres, à commencer par le roman d’inspiration médiévale dont elle était l’héroïne.
Où étaient ces jardins d’amour dans lesquels on l’obligeait
à se promener ?
Rien de tel dans la nature !
C’était juste un concept inventé par des seigneurs jaloux,
soucieux de préserver leur dame, remplaçant ainsi la ceinture de chasteté par
une volière d’amour où la beauté confinée au grand air, respirant le parfum des
roses, un livre ou une broderie à la main, devait nécessairement cultiver un
désir d’amour qui redoublerait les ardeurs passionnées de son époux.
Soraya sentait gronder en elle le vent de la révolte et elle
éprouva un besoin d’aimer en dehors des sentiers battus et des arcanes de l’amour
courtois dont elle désavouait les procédés, destructeurs de la courtoisie et du
véritable amour qui repose avant tout sur la sincérité et la tendresse.
Elle se souvint de la carte du Tendre et rêva à une
actualisation des chemins de l’amour.
C’est alors que survint un orage qui pulvérisa les doux rêves
de la princesse de papier et elle se retrouva propulsée par une force inconnue
dans les pages du livre d’où elle s’était échappée.
L’auteur du livre la caressa et la cajola si bien qu’elle en
oublia sa divine escapade et elle se laissa aimer du bout de la plume turquoise
qui lui insufflait le désir d’aimer.
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