Sur les rives d’un
étang vivait un roi soliveau.
Appuyé sur son tronc
noué par les ans, un frivole narcisse chantait les louanges de son suzerain.
Survint un jour, venu
de pays lointains, un prince caméléon qui devenait crapaud pour charmer les
grenouilles. Prêtes à se faire gober par les hérons de sa suite qui se
cachaient dans les roseaux, elles sautaient allègrement sur les feuilles des
nénuphars, exhibant au soleil leur ventre rebondi.
Au moment même où
l’armée de hérons se préparait à fondre sur leurs proies, apparut une bergère
qui filait la laine en chantant. Les brebis l’escortaient avec grâce et amour
tandis que quelques béliers bougons clamaient haut et fort leurs mérites de
droit divin.
Le prince suspendit
son geste vengeur.
La bergère était si
belle qu’il en oublia sa métamorphose et apparut au grand jour, vêtu de
fourberie inique et de drap noir.
Les grenouilles
affolées se jetèrent sur le roi soliveau, piétinant le narcisse qui mourut en
criant qu’il était beau et incompris.
Les hérons
s’envolèrent vers une Egypte mythique pour se fondre dans l’or des sarcophages.
La bergère caressa
délicatement les grenouilles et leur promit qu’on ne les mangerait jamais plus.
Quant au roi soliveau,
il flotta, indécis, puis sombra dans l’étang qui renvoya, un instant, l’image
d’un galion échoué sur les rives d’un autre temps.
Le sacre de la bergère
fut royal. Le peuple du royaume s’endormit en rêvant qu’une ère de bonheur
s’ouvrait enfin sur un infini blanc.
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