La fête des vendanges
Blanchefleur crut revivre une troisième fois dans cette
terre aux mille parfums.
Vêtue de percale ou de parures artisanales, chaussée d’espadrilles
et chapeautée de capelines ornée de roses, elle se glissait avec délices dans
les sillons verdoyants des vignes où abondaient les grappes blondes gorgées de
soleil.
Jehan ne craignait plus de la laisser seule et il partait de
plus en plus souvent au château de la tulipe d’or car il en était l’un des
chevaliers.
Il arrivait qu’ils soient obligés de repousser des
assaillants car il se disait, non sans raison, que le château recelait de nombreux
trésors.
Le chevalier commanda à un peintre talentueux un portrait en
pied de sa dame d’amour ainsi qu’une miniature qu’il enfermerait dans un
médaillon porté près de son cœur.
Il profita, entre deux séjours, d’un moment où Blanchefleur
rayonnait de bonheur pour lui révéler le décès de son époux.
Une étreinte tendre et passionnée mit un terme à l’immense
chagrin qui s’empara de sa bien-aimée et il étouffa, un à un, les cris qui s’emparaient
de son être en les neutralisant par des baisers.
Enlacés toute la nuit comme au premier jour, ils dormirent
en paix et au petit matin, les mains caressantes de l’amant épris calmèrent les
soubresauts douloureux de l’aimée.
Ils passèrent la journée entière dans la chambre, se
baignant, se restaurant et se caressant mille et une fois.
Jehan apaisa le chagrin de sa belle en brossant ses longs
cheveux.
Ils parlèrent peu mais ce qui fut dit revêtit une certaine
solennité et constitua une charte d’amour courtois gravée dans l’éternité du
marbre.
Blanchefleur dut vaincre sa timidité naturelle pour donner
des preuves de sa passion à son amant fougueux.
Elle prodigua des gestes innovants et murmura un chant d’amour
à la fois solennel et primesautier qui envoya le chevalier au firmament de l’épanouissement
sublimé et total.
Entre deux étreintes, galvanisé par la participation
insolite et passionnée de Blanchefleur, Jehan fit sa demande en mariage à l’amour
de sa vie.
Honorée et rassurée par ce bel hommage, Blanchefleur donna
son accord sous la forme de baisers qui papillonnèrent sur le corps de son
amant et elle improvisa un chant d’amour :
« J’étais morte et tu m’as rendue à la vie, ô mon aimé !
Dans tes bras vigoureux, je sens mon corps et mon âme fondre
comme un lingot de cet or miraculeux que l’on trouve au fond des rivières qui
chantent sur des galets précieux.
Je suis à la fois ta mère, ton enfant, ton amante passionnée
et je me meurs d’amour lorsque je suis loin de toi, ô mon amour !
J’aime laisser mes doigts errer à l’aveugle sur ton beau
corps sculpté par des anges et je veux te couvrir de baisers pour que, jamais,
tu ne te sentes mal aimé ».
Retrouvant vigueur et énergie grâce à ces paroles
touchantes, le chevalier étreignit à nouveau sa dame d’amour puis il la pria de
se reposer tandis qu’il s’adonnerait activement aux préparatifs de leur mariage
qui viendrait comme un point d’orgue et une divine bénédiction, à la clôture de
la fête des vendanges qui allait bientôt se profiler à l’ombre des vignobles.
Floc, folle blanche seraient les divins nectars de ces noces
qui seraient paysannes, ducales et princières à la fois.
La fée des vendanges baisa le front de la belle endormie,
offrant sa touche majestueuse aux fêtes qui se profilaient dans l’éclat
lumineux des grappes aux raisins d’or.
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