Le retour de Blanchefleur
Après avoir tendrement embrassé son époux qui lui fit
promettre de veiller à sa sécurité, Blanchefleur prit la route, sous bonne
escorte, ralliant les caravaniers de la route de la soie.
Ainsi protégés, ils auraient juste à surveiller leur
chargement : or, pierres précieuses, ouvrages brodés, ballots de soie, de
mousseline et de satin constituaient l’essentiel des bagages.
Le prince n’avait pas pu accompagner sa douce et tendre
épouse qu’il chérissait plus que jamais et qui lui avait donné deux magnifiques
enfants, Nour et Flor : une chasse au faucon, en compagnie des notables du
royaume était prévue depuis longtemps et ne pouvait être décommandée.
Protégée par les chevaliers de la tulipe d’or, Blanchefleur
laissait vagabonder ses rêves et ses pensées.
Au fil des étapes, elle
avait l’impression de remonter le temps et de retrouver la vitalité de ses
jeunes années. Ce n’était sans doute pas une illusion car elle voyait briller l’œil
de ses chevaliers à sa vue et ils durent à maintes reprises, repousser les
assauts d’amoureux qui déclaraient leur flamme en toute bonne foi.
Dès son arrivée au château, l’illusion perdura lorsque Louis
se précipita pour l’embrasser.
Elle crut voir Eudes, son premier époux, tant la
ressemblance était frappante.
Mettant ces phénomènes hypnotiques sur le compte de la
fatigue du voyage, Blanchefleur retrouva avec plaisir la quiétude de sa chambre
que l’on avait gardée intacte pour un éventuel retour. Elle était fleurie et
dotée de rideaux brodés à la mode bretonne.
Les roses d’amour ornaient les vases en abondance et c’est
avec bonheur qu’elle découvrit les fleurs dont on lui avait tant parlé et qui
étaient à l’origine de la légende merveilleuse qui entourait désormais Nour et
Kylian, les amants extraordinaires, aussi célèbres, à présent, que Tristan et
Yseult ou Lancelot et Guenièvre.
Une jeune servante, fraîche comme la rosée du matin, lui
apporta un plateau où des mets singuliers étaient disposés, galettes de
sarrasin fourrées à l’œuf et à l’andouille de Guémené, crêpes à la confiture d’abricots,
pastillas à la rose et boissons fraîches, cidre, cervoise ou sirops.
Blanchefleur goûta ces mets appétissants et les trouva
délicieux.
Après un bon bain parfumé à la lavande et au romarin, elle
se glissa sous les draps et dormit de longues heures, peuplées de rêves et de
chants d’oiseaux.
Le lendemain, vêtue de brocart et d’or, Blanchefleur procéda
à la distribution des cadeaux, ce qui enchanta tout le monde : une telle
magnificence était si rare !
Ophélia et Henri eurent, entre autres cadeaux somptueux, un
burnous fait au crochet, ce qui ramena la comtesse à des années lointaines.
Tout naturellement, après le repas composé de vol-au vent à
la volaille et à la crème, de laitues et de fromages frais, Blanchefleur prit
la décision de regagner le petit palais d’amour que son prince lui avait
destiné jadis, à l’écart du château.
Jehan d’ Armagnac se proposa pour l’y conduire et tous deux
allèrent au pas de leur palefroi.
Des servantes du château les avaient devancés pour
rafraîchir les pièces principales.
Jehan et Blanchefleur prirent place près d’une fontaine,
dans un patio lumineux.
Jadis, ma Dame, lui confia Jehan, j’ai éprouvé une folle
passion pour vous et j’ai failli tuer votre prince et me livrer sur vous à
mille et un outrages, ce dont j’ai honte à présent.
Un ange s’est interposé pour que je renonce à ces violences
et je suis reparti à l’aube, décidé à mener une vie chevaleresque, à la hauteur
des serments que j’avais prêtés.
Nous avons tous nos moments de faiblesse, lui dit
Blanchefleur en lui prenant la main. Soyons amis, voulez-vous ?
Un grand soupir s’échappa de la poitrine du chevalier et il
proposa de dormir au palais, dans une chambre d’ami, pour veiller à la sécurité
de sa dame, ce qu’elle accepta avec gratitude tant les aléas de la vie
pouvaient receler d’épines noires, transperçant le tissu translucide du
bonheur.
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