Une demande inattendue
Les jours qui suivirent le mariage fabuleux furent fertiles
en événements festifs et rebondissements.
Dorian subit les épreuves destinées à tester le courage, l’endurance
et l’habileté à manier les armes du chevalier puis il fut adoubé, après une
nuit de méditation dans le cloître, en grand apparat, par Louis le Valeureux.
Il put alors songer à la mise en œuvre de son mariage et sa
future épousée, Manon des Tournelles repartit dans ses terres afin de
solliciter de ses parents leur autorisation. Le parti était si net, si
florissant, si beau qu’elle ne doutait pas de leur réponse mais pour qu’un
mariage soit heureux, il est bon de franchir toutes les étapes préliminaires
avec civilité, courtoisie, respect parental et villageois pour que le grand
jour soit sans tache et voué au bonheur d’une vie.
Sœur Myriam annonça qu’elle s’apprêtait à rentrer chez elle,
en orient mais elle ajouta mystérieusement qu’elle avait une tâche à accomplir
avant de partir et Blanchefleur, malgré sa diplomatie et ses interrogations
voilées ne put lui en faire dire davantage.
Ses moniales et elle avaient repris la broderie et elles
constituaient un ouvrage quasi féerique, un véritable trousseau.
A qui était-il destiné ? Mystère ! Cependant la
fleur de lys abondait parmi les symboles apparents. Or c’était le code floral
de la comtesse.
Ai-je une fille cachée pensait-elle, non sans humour.
Puis elle cessa de se poser des questions car une évidence s’imposait
à elle : depuis le mariage et la venue de Bethsabée, aussi discrète qu’elle
puisse être, il y avait de moins en moins de place pour elle dans son château.
Semblant la fuir, le prince, ses chevaliers et une solide
escorte partaient à l’aube pour ne revenir qu’au couchant et il leur arrivait d’être
absents plusieurs jours d’affilée.
Le prince prétendit que tout s’éclairerait lorsque le jour
serait venu.
Voilà bien un mystère à l’orientale se dit Blanchefleur et
afin de tromper son ennui, elle entreprit en cachette, dans ses appartements,
un trousseau pour la venue d’un bébé car il lui semblait que le ventre de la
belle Ornella s’arrondissait.
Elle semblait porter les fruits de cet amour fougueux que
lui vouait son époux.
De fil en aiguille, elle constitua deux trousseaux, l’un,
destiné à un garçon et l’autre à une fille.
Elle venait juste de mettre le point final à un burnous
brodé de roses destiné à unefille qu’une petite Salomé, aux joues roses et au
petit corps vigoureux, vit le jour.
Ma douce et tendre amie, si sage et si bonne lui dit
Bethsabée avec beaucoup d’à propos, nous voici encore à l’aube d’un événement
festif. Je vous réserve une surprise, ma chère car cette naissance, c’est à
vous que nous la devons !
Puis elle s’éclipsa en emportant le burnous qui était une
véritable œuvre d’art.
Blanchefleur prit un peu de repos et pour ce faire, elle se
retira dans son jardin d’amour.
C’est là que le prince la rejoignit alors qu’elle ne s’y
attendait pas le moins du monde.
Il avait une jonchée de roses et de lys dans les mains qu’il
lui remit avec solennité.
Ninon, la jeune beauté qui avait été mise à sa disposition
dès son arrivée au château, disposa des bouquets dans tous les recoins du patio
puis elle frappa dans ses belles mains blanches pour qu’apparaissent des
serviteurs, porteurs de coffrets divers et de tajines de mets savoureux qui
avaient mijoté dans les cuisines du château.
Ces préparatifs terminés, chacun s’éclipsa discrètement,
laissant le prince en tête à tête avec son hôtesse.
Il lui prit délicatement la main et la porta à ses lèvres
puis il s’empara d’un luth et chanta avec une telle ferveur que les larmes
coulèrent sur les joues de sa dame car il s’agissait, bel et bien, d’une
déclaration d’amour.
« Mon ange, ma beauté, je te voudrais nuit et jour à
mes côtés. C’est pourquoi je te supplie de me laisser développer la fleur d’amour
qui gît en mon cœur depuis des années et qui est venue à maturité pour que nos
âmes et nos corps se mêlent jusqu’à la fin des temps. »
Le prince se tut, des anges passèrent puis pleins de
langueur, ils décrétèrent de faire honneur au repas merveilleux qu’on leur
avait préparé.
Le repas terminé, le prince embrassa amoureusement les
lèvres de sa bien-aimée et lui donna un mystérieux rendez-vous dans un endroit
qu’il avait aménagé, à la hauteur de sa beauté et du désir fou qu’il éprouvait
pour elle, dans les semaines à venir, après que le baptême de la petite Salomé
ait été célébré.
Demeurée seule, Blanchefleur se demanda si elle n’avait pas
rêvé et brisée par les émotions, elle s’endormit profondément, attendant les
colombes de l’avenir avec espoir.
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