Le baptême de Salomé
Dieu qu’elle était belle, la petite Salomé dans sa robe de
baptême qui regorgeait de dentelles et de frou-frous !
Sa mère portait un fourreau de soie sur brodé de sequins d’or
et l’heureux père avait choisi le velours grenat qui faisait ressortir son
teint clair et ses boucles d’or fauve.
Fidèle à sa légende, Bethsabée resplendissait sans que l’on
puisse désigner un détail ou un autre susceptible de capter le soleil. Elle
était la beauté même, voilà tout !
Sœur Myriam et ses moniales étaient vêtues sobrement mais
grâce à leur élégance innée, vouée à leur divin seigneur, elles avaient une
aura si charismatique qu’elles rayonnaient de bonheur christique.
Blanchefleur avait particulièrement soigné sa mise. Des lys
et des roses entrelaçaient ses cheveux et vêtue de turquoise et d’or, elle
apparaissait comme la déesse Flore, rendant grâce au dieu Apollon, dès l’aube.
Le prêtre qui avait célébré le mariage de ses parents
officiait pour le baptême de la petite Salomé, au prénom biblique si évocateur.
Au moment où il élevait l’hostie rappelant le sacrifice
divin, une colombe apparut à la fenêtre et elle déposa un parchemin noué d’un
brin d’olivier sur les souliers de satin pourpre de Blanchefleur.
Brûlant de lire la missive, la belle comtesse se retint et
elle attendit la fin de la cérémonie pour se retirer dans sa chambre afin d’en
découvrir le contenu.
« Mon aimée aux belles joues, au corps d’albâtre et de
brume rosée, je me meurs loin de toi ».
La brièveté de ce message étonna la belle désirée mais tout
s’éclaira lorsque la porte s’ouvrit, laissant le prince en pleine lumière !
Il avait galopé à bride abattue pour arriver à la cérémonie,
pressé à la fois par le désir d’être présent pour la célébration et l’impulsion
de l’amour fou qu’il éprouvait pour sa dame.
Poussé par le désir, le prince ferma la porte à clef et
dénuda sa bien-aimée avec dextérité.
Selon la chanson, « dans le mitan du lit la rivière est
profonde » et nos deux amants explorèrent passionnément cette géographie
de l’alcôve.
Chanson médiévale oblige « tous les chevaux du roi
pourraient y boire ensemble ».
Oserons-nous utiliser cette image pour fouetter l’imaginaire
de nos lecteurs ?
La conteuse préfère tirer les rideaux de soie et s’éclipser
sur la pointe des pieds.
L’aube les trouva enlacés, les fleurs des cheveux de l’aimée
se fanant au mitan du lit, transformant l’alcôve en rivière vagabonde.
Ils eurent à cœur de paraître à leur mieux et pour ce faire,
ils prirent un bain revigorant, enduisirent leur corps d’un onguent parfumé et
soignèrent leur mise pour apparaître dans tout l’éclat de leur beauté au milieu
des invités.
Personne ne fit allusion à leur mise en retrait en forme d’éclipse.
L’astre de la nuit vous a doté, Madame, d’une auréole qui
sublime votre beauté lui dit galamment l’un des douze chevaliers de la tulipe d’or,
fort bel homme à la chevelure bouclée cascadant sur ses larges épaules. Il se
nommait Jehan et toutes les jeunes filles à marier n’avaient d’yeux que pour
lui.
Holà Messire, tout doux lui dit le prince et s’adressant à l’assemblée,
il tint un discours qui clarifiait leur situation : Blanchefleur serait
officiellement son épouse dès leur arrivée au palais de son royaume et d’ici
là, ils vivraient de manière conjugale afin de mettre le temps à l’épreuve.
Un triple hurrah s’échappa de toutes les poitrines
masculines et les dames et demoiselles vinrent féliciter l’épousée.
Après un douloureux veuvage, il était bon, pour elle, d’avoir
un peu de bonheur dans la seconde partie de sa vie.
Les festivités se poursuivirent et l’on rendit hommage à la
petite Salomé qui avait troqué sa robe de baptême pour un vêtement plus
confortable et adapté à son statut de bébé.
Le soir, une fois les enfants couchés, il y eut un bal.
Le prince et Blanchefleur l’ouvrirent et l’on vit à quel
point leurs corps se répondaient l’un à l’autre en un vertigineux plaisir.
De nouveaux couples se découvrirent mais au grand dam de ses
admiratrices le beau Jehan d’ Armagnac resta de marbre à leurs discrètes œillades.
Il semblait envoûté par la beauté de Blanchefleur et aucune
autre femme ne lui semblait capable d’assouvir la passion dévorante qu’il
éprouvait pour elle.
Ceci n’échappa pas au prince qui se promit de lui faire
rendre gorge à la première occasion mais il se maîtrisa dans la mesure où il n’était
pas chez lui et il suggéra à son aimée de regagner le palais qu’il avait fait
construire pour elle, notamment pour lui déclarer sa passion et lui demander sa
main.
Heureuse à la perspective de retrouver leur nid d’amour,
Blanchefleur donna bien volontiers son consentement et les deux amants s’éclipsèrent
à la nuit tombée, fougueux et alanguis, prêts à connaître à nouveau une
interminable nuit, pleine de caresses profondes et de témoignages d’amour.
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