mardi 11 septembre 2018

Le baptême de la petite Salomé


Le baptême de Salomé
Dieu qu’elle était belle, la petite Salomé dans sa robe de baptême qui regorgeait de dentelles et de frou-frous !
Sa mère portait un fourreau de soie sur brodé de sequins d’or et l’heureux père avait choisi le velours grenat qui faisait ressortir son teint clair et ses boucles d’or fauve.
Fidèle à sa légende, Bethsabée resplendissait sans que l’on puisse désigner un détail ou un autre susceptible de capter le soleil. Elle était la beauté même, voilà tout !
Sœur Myriam et ses moniales étaient vêtues sobrement mais grâce à leur élégance innée, vouée à leur divin seigneur, elles avaient une aura si charismatique qu’elles rayonnaient de bonheur christique.
Blanchefleur avait particulièrement soigné sa mise. Des lys et des roses entrelaçaient ses cheveux et vêtue de turquoise et d’or, elle apparaissait comme la déesse Flore, rendant grâce au dieu Apollon, dès l’aube.
Le prêtre qui avait célébré le mariage de ses parents officiait pour le baptême de la petite Salomé, au prénom biblique si évocateur.
Au moment où il élevait l’hostie rappelant le sacrifice divin, une colombe apparut à la fenêtre et elle déposa un parchemin noué d’un brin d’olivier sur les souliers de satin pourpre de Blanchefleur.
Brûlant de lire la missive, la belle comtesse se retint et elle attendit la fin de la cérémonie pour se retirer dans sa chambre afin d’en découvrir le contenu.
« Mon aimée aux belles joues, au corps d’albâtre et de brume rosée, je me meurs loin de toi ».
La brièveté de ce message étonna la belle désirée mais tout s’éclaira lorsque la porte s’ouvrit, laissant le prince en pleine lumière !
Il avait galopé à bride abattue pour arriver à la cérémonie, pressé à la fois par le désir d’être présent pour la célébration et l’impulsion de l’amour fou qu’il éprouvait pour sa dame.
Poussé par le désir, le prince ferma la porte à clef et dénuda sa bien-aimée avec dextérité.
Selon la chanson, « dans le mitan du lit la rivière est profonde » et nos deux amants explorèrent passionnément cette géographie de l’alcôve.
Chanson médiévale oblige « tous les chevaux du roi pourraient y boire ensemble ».
Oserons-nous utiliser cette image pour fouetter l’imaginaire de nos lecteurs ?
La conteuse préfère tirer les rideaux de soie et s’éclipser sur la pointe des pieds.
L’aube les trouva enlacés, les fleurs des cheveux de l’aimée se fanant au mitan du lit, transformant l’alcôve en rivière vagabonde.
Ils eurent à cœur de paraître à leur mieux et pour ce faire, ils prirent un bain revigorant, enduisirent leur corps d’un onguent parfumé et soignèrent leur mise pour apparaître dans tout l’éclat de leur beauté au milieu des invités.
Personne ne fit allusion à leur mise en retrait en forme d’éclipse.
L’astre de la nuit vous a doté, Madame, d’une auréole qui sublime votre beauté lui dit galamment l’un des douze chevaliers de la tulipe d’or, fort bel homme à la chevelure bouclée cascadant sur ses larges épaules. Il se nommait Jehan et toutes les jeunes filles à marier n’avaient d’yeux que pour lui.
Holà Messire, tout doux lui dit le prince et s’adressant à l’assemblée, il tint un discours qui clarifiait leur situation : Blanchefleur serait officiellement son épouse dès leur arrivée au palais de son royaume et d’ici là, ils vivraient de manière conjugale afin de mettre le temps à l’épreuve.
Un triple hurrah s’échappa de toutes les poitrines masculines et les dames et demoiselles vinrent féliciter l’épousée.
Après un douloureux veuvage, il était bon, pour elle, d’avoir un peu de bonheur dans la seconde partie de sa vie.
Les festivités se poursuivirent et l’on rendit hommage à la petite Salomé qui avait troqué sa robe de baptême pour un vêtement plus confortable et adapté à son statut de bébé.
Le soir, une fois les enfants couchés, il y eut un bal.
Le prince et Blanchefleur l’ouvrirent et l’on vit à quel point leurs corps se répondaient l’un à l’autre en un vertigineux plaisir.
De nouveaux couples se découvrirent mais au grand dam de ses admiratrices le beau Jehan d’ Armagnac resta de marbre à leurs discrètes œillades.
Il semblait envoûté par la beauté de Blanchefleur et aucune autre femme ne lui semblait capable d’assouvir la passion dévorante qu’il éprouvait pour elle.
Ceci n’échappa pas au prince qui se promit de lui faire rendre gorge à la première occasion mais il se maîtrisa dans la mesure où il n’était pas chez lui et il suggéra à son aimée de regagner le palais qu’il avait fait construire pour elle, notamment pour lui déclarer sa passion et lui demander sa main.
Heureuse à la perspective de retrouver leur nid d’amour, Blanchefleur donna bien volontiers son consentement et les deux amants s’éclipsèrent à la nuit tombée, fougueux et alanguis, prêts à connaître à nouveau une interminable nuit, pleine de caresses profondes et de témoignages d’amour.


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