Terre d’Armagnac
Tels Tristan et Yseult dévorant leur passion dans une forêt
profonde, Jehan et Blanchefleur ne se lassaient pas de se découvrir l’un à l’autre,
allant du palais au patio en faisant une étape sur le banc, parmi les oiseaux
et près de la fontaine.
De temps à autre, Jehan se rendait au château de la tulipe d’or,
prétextant une grande fatigue pour la dame des lieux afin de justifier son
absence.
Enfin, un jour, une nouvelle émana du palais d’orient :
le prince avait fait une mauvaise chute de cheval lors d’une chasse au faucon
et il avait fini par succomber malgré les soins intensifs dont il avait été l’objet.
Ne sachant comment annoncer cette triste nouvelle et
craignant que Blanchefleur n’éprouve un sentiment de culpabilité, Jehan lui tut
le décès de son époux et invoqua une difficulté à celer plus longtemps leur
secret pour proposer à son aimée un voyage en terre d’Armagnac, le pays de ses aïeux.
Il possédait un château perdu au milieu des vignes et le
secret de leur amour y serait bien
gardé.
Blanchefleur accepta cette proposition avec d’autant plus de
soulagement qu’elle redoutait toujours d’être surprise dans les bras de son
amant.
De plus, cette passion, vécue dans un endroit paradisiaque,
choisi pour servir d’écrin à l’amour du prince pour sa bien-aimée avait quelque
chose d’indécent.
Le moindre vol de colombe la faisait tressaillir mais depuis
un message enflammé et sa réponse, il n’y avait plus eu de parchemin
merveilleux, contenant des déclarations délicates et un joyau.
Ils se mirent donc en route après avoir informé le château
que Blanchefleur allait prendre les eaux en terre d’ Armagnac pour retrouver un
peu d’allant.
Personne ne douta de la véracité de cette maladie de
langueur et l’on sut gré à Jehan d’avoir tu le décès de l’époux vénéré.
En arrivant en terre d’ Armagnac, Blanchefleur se sentit
renaître.
Cet amour hors du commun était finalement devenu une sorte
de mentir-vrai, en l’occurrence une véritable maladie d’amour.
La vision des vignobles à perte de vue produisit sur sa
personne un coup de fouet : elle eut l’impression de boire un élixir
destiné à donner à leur amour, un ancrage doré.
Quoi de plus beau qu’une grappe de raisin dit-elle en
soulevant délicatement de beaux échantillons de ces remarquables trésors.
Ma chérie, tu adoreras les récoltes de cette terre généreuse
lui dit Jehan en l’enlaçant pour l’aider à monter les marches du perron.
Une flambée de ceps de vignes crépitait dans l’âtre où
mijotait une soupe dans une grande marmite suspendue à la crémaillère.
C’est de la garbure lui dit Jehan et tu verras, tu n’es pas
au bout de tes surprises car ici la règle d’or consiste à bien manger.
Omelettes aux cèpes ou aux truffes, foie gras d’oie poêlé
aux figues, volailles sous toutes les formes et pâtisseries originales qui
rappellent celles que l’on savoure en orient, tu auras l’occasion de goûter
chaque jour une nouveauté.
Aujourd’hui, en
raison de la fatigue du voyage, nous nous contenterons de la garbure, d’une
omelette aux truffes et de grappes de raisin.
Je te ferai boire un peu de ce vin que l’on fait ici, à base
d’armagnac blanc et que l’on nomme Floc, ce qui signifie bouquet en langue
gasconne que l’on aime parler en ce terroir.
Ainsi fut fait puis Jehan emmena sa belle d’amour dans leur
chambre où brillait un bon feu de bois.
Bain parfumé, onguents caressant le corps et chemises
brodées, après ces préliminaires d’amour, Jehan souleva celle qu’il adorait, la
porta dans ses bras puissants comme s’il se fût agi d’une enfant et il l’embrassa
tant et tant que sa poupée d’amour aux longs cheveux flottants, sembla se
fondre en lui comme dans un brasier ardent.
Le temps des caresses reprit et nos deux amants vécurent des
jours et des nuits enchanteurs où l’amour semblait ne jamais avoir de fin.
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