Rose d’amour
Il en va de toutes les guerres comme il en va d’une passion
folle ne reposant sur aucun critère harmonieux, elles finissent par
disparaître, laissant des cicatrices béantes derrière elles pour preuves de
leur existence.
Le baron noir et sa horde de bandits assoiffés de crimes
sanguinaires, de viols et de rapines finirent par être tués grâce à une
coalition de braves.
Louis et ses chevaliers de la tulipe d’or furent de la
partie et par chance, on ne compta aucun mort. Quelques écuyers furent blessés
dans des corps à corps à la hache et ils furent si énergiquement soignés par
les dames du château que quelques mariages furent conclus.
Pour oublier la guerre, les chevaliers écrivirent des poèmes
d’amour et ils chantèrent, ce qui donna à Louis l’idée d’organiser un tournoi
littéraire.
Se tourner vers les Lettres était un excellent moyen de
tourner définitivement le dos à la guerre.
Un chevalier du nom de Bertrand de Malicorne se distingua en
écrivant un texte d’une telle beauté que chacun fut conquis et tenta de suivre
ce chemin enchanteur.
« Belle de mon cœur, pour toi, je donnerais tous les
trésors du roi Salomon et de la reine de Saba si, par chance, ils tombaient
entre mes mains !
Que représenteraient-ils, ces joyaux inestimables si je les
comparais aux pierres précieuses de ton être ?
Qu’il me soit permis de les énumérer : saphirs profonds
de vos beaux yeux limpides qui terniraient la surface du miroir aux fées, rubis
de vos lèvres si attirantes que je préfère, par courtoisie, ne pas m’y attarder,
nacre marmoréenne de votre corps qui attend que des caresses conjugales et
sincères ouvrent les portes paradisiaques, sculptées d’angelots et de fleurs d’oranger
et enfin, le diamant profond et scintillant de mille feux de votre être qui
donnera naissance à de magnifiques enfants, chevaliers et dames de haut rang de
demain !
Je vous supplie à genoux de m’honorer de votre bonté et j’attends
avec humilité que la rose d’amour dont vous êtes le symbole, m’offre un peu de
son inégalable parfum ».
Tout le monde applaudit cette magnifique romance, si bien
accompagnée à la vielle des troubadours et Bertrand de Malicorne eut la joie de
voir couler une larme sur la joue de sa belle, la divine Dora.
Louis ne voulut pas être en reste et il se lança audacieusement
dans la joute épistolaire :
« Ornella, bellissima, tu m’as enchanté en
interprétant la danse des mille voiles avec l’art consommé de Salomé, c’est
pourquoi j’ai insisté pour que l’on accorde à notre première née le nom que je
prononçais avec ferveur, en secret, en évoquant ton corps divin, à la fois
provocant, sensuel et lascif mais avec une telle retenue que personne n’eut l’audace
de s’emparer de tes charmes contre ton gré.
Redevenue princesse, tu étais déjà mon épouse bien-aimée car
j’ai outrepassé les règles de la bienséance en raison de ton extraordinaire
incarnation de l’art d’aimer.
Ornella divine, je suis toujours à tes pieds et je te
demande humblement l’autorisation de te chérir avec toute l’ardeur de ma
passion décuplée par l’épanouissement suprême de ta beauté ».
Ornella essuya furtivement une larme et elle prit
amoureusement la main de son époux pour la couvrir de baisers.
De romances en romances, l’atmosphère du château se couvrit
de roses d’amour et chacun pensa à la prochaine audition avec passion.
On fit venir des maîtres italiens et l’on dansa la volte
avec une infinie tendresse voilée d’acrobatiques positions.
Ornella prouva qu’elle n’avait rien perdu de son talent et
elle devança toutes les dames par la précision et l’élégance de ses pas.
Retrouvant la vigueur de ses jeunes années, Louis eut un
regain de passion qui le poussa à couvrir son épouse d’élans passionnés de
sorte que personne ne fut étonné d’apprendre qu’un nouveau né verrait bientôt
le jour dans le plus beau des châteaux.
Une diseuse de bonne aventure prédit qu’il s’agirait d’un
garçon et chacun proposa un prénom pour le prince de la volte comme on se plut
à le surnommer.
Le comte Henri vit le jour mais on s’aperçut qu’il n’était
pas seul : une adorable Ophélia l’accompagnait dans la conquête d’une
enfance, placée sous de bons auspices.
Il y eut des échanges avec la famille orientale et
Blanchefleur promit de venir aimer ces enfants en leur apportant, outre son
amour, des cadeaux fabuleux.
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