La ronde des chevaliers de la tulipe d’or
Les vendanges furent exceptionnelles cette année-là.
Lorsque les vendangeurs déversaient le contenu de leur hotte
dans la cuve où les raisins seraient foulés au pied pour en extraire le jus
doré, on ne pouvait que déplorer la métamorphose de ces œuvres d’art, grappes
de petits globes où l’on croyait voir de minuscules soleils, en préparation de moult,
macéré, qui donnerait du vin.
Les Anglais en raffolaient et venaient acheter sur les ports
des barriques d’un vin fort, en provenance de Cahors. On transportait par voie
fluviale, en gabarres, vins ou eau de vie d’Armagnac.
Une grande fête fut donnée lorsque la dernière grappe eut
été cueillie.
On laissa des raisins sur des ceps : on les destinait à
subir ce que l’on appelle une pourriture noble pour que naisse le vin des
vendanges tardives, sucré et d’une exceptionnelle qualité, développant des arômes
subtils et variés qui pouvaient donner lieu à des débats voire à des
controverses.
On dansa, on se délecta de repas à base de denrées
régionales, incluant de fameux desserts, pastis, tourtière ou croustade
gasconne.
Lorsque la mariée apparut, au bras de son époux, le
magnifique Jehan d’Armagnac dont toutes les jeunes filles rêvaient sans vouloir
l’avouer, on comprit le sens de son choix.
Elle était si belle, dans une robe couleur lilas, avec la
croix occitane en grenats, que l’on crut voir une fée des vendanges, disparue à
la suite d’un chagrin d’amour.
Un jeune pâtre avait résisté à ses charmes et la fée s’était
murée dans le silence d’un château perdu et personne ne l’avait revue.
L’enthousiasme fut à son paroxysme lorsque l’on vit, à l’horizon,
les étendards de la tulipe d’or : une centaine de chevaliers venus d’orient
et de tous les fiefs du royaume avaient tenu à être présents à la noce.
Ils formèrent un cercle et entonnèrent des chants de paix et
d’amour universel.
Sous les auspices d’un bonheur parfait, les mariés
participèrent à toutes les festivités données en leur honneur, dirent une
phrase chaleureuse à chaque personne présente et enfin, à la tombée de la nuit,
se réfugièrent dans leur chambre où ils réinventèrent les mille et un gestes de
l’amour.
Les chevaliers ne furent pas en reste et il y eut maintes
idylles qui trouvèrent leur point de départ dans cette ronde magique des fiers
guerriers, décidés à tout mettre en œuvre pour que l’amour fleurisse dans tous
les royaumes.
Ainsi finit l’histoire de la tulipe d’or, jusqu’à ce qu’un
barde ou une conteuse ne prépare une suite destinée à enchanter petits et
grands.
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