Le château de la tulipe d’or
Les festivités reprirent de plus belle au château de Comper
afin de célébrer le retour victorieux de l’enfant du pays : avoir vaincu
la fée Viviane n’était pas donné à tout le monde !
On donna à la fleur blanche qui avait attiré Kylian et la
fée, le nom de Rêve du lac et les jardiniers s’empressèrent d’en recueillir la
semence afin d’en tapisser le jardin d’amour qui serait tracé pour commémorer
les fiançailles de Nour et de Kylian.
Plus unis que jamais , les amis hésitèrent à se rendre
dans le Val-Sans-Retour, craignant qu’une aventure fâcheuse n’arrive à l’un d’eux.
Selon les légendes, la fée Morgane s’emparait d’un beau chevalier et lui ôtait
la mémoire, aidée parfois par la fée Viviane qui semblait posséder cet art
maléfique.
On raconte que Lancelot du Lac s’était ainsi fait surprendre
par la fée Morgane qui l’avait enfermé dans une grotte en lui ôtant tous ses
souvenirs.
Ne sachant plus qui il était et sans aucun souvenir de la
belle Guenièvre qu’il adorait, Lancelot avait peint une fresque sur les parois
de la grotte et son imaginaire lui avait permis de reproduire, au pinceau, les
traits et la silhouette de sa dame d’amour et c’est ainsi que les sortilèges de
Morgane avaient été brisés.
Recouvrant sa liberté, Lancelot avait repris le chemin de
Camelot.
Chacun fut surpris de la similitude qui existait entre l’aventure
de Lancelot et celle de Kylian, ce qui contribua à donner une aura
chevaleresque et légendaire au couple formé par Nour et Kylian.
Confortés par cette donnée merveilleuse, les amants
éprouvèrent le besoin de se ressourcer au château de la tulipe d’or et l’on se
décida à quitter la terre des légendes puisque désormais deux amoureux s’aimaient
suffisamment pour incarner un mythe fameux.
Le voyage du retour se déroula sans incident et la quiétude
du château séduisit le petit groupe qui préférait revenir aux valeurs
traditionnelles du fief, tournées vers le désir de se rendre utile à son
suzerain.
On apprit aussi que des bruits de guerre se faisaient
entendre aux frontières.
Des émissaires vinrent de toutes les régions pour battre le
tambour et chacun oublia le monde des légendes pour se concentrer sur l’action.
Nour et Flor préférèrent rejoindre leur pays natal et Kylian
les accompagna car il ne pouvait plus vivre loin de sa bien-aimée. Il avait
failli la perdre en voulant lui offrir un bouquet et désormais, foi de
chevalier breton, il ne la quitterait plus jamais.
Ils prirent à nouveau la route sous bonne escorte, emportant
de précieux cadeaux.
Flor qui n’avait pas voulu révéler sa rencontre avec la dame
blanche, préféra laisser la copie de la robe de mariée au château afin de ne
pas perturber sa mère, la belle Blanchefleur, si émotive et pleine d’amour.
Point n’était besoin de l’impressionner avec une aventure
aussi tourmentée.
Le château de la tulipe d’or retrouva sa tranquillité et, à tout hasard, on se mit à fourbir les
armes et surtout à préparer des moyens de défense pour isoler les habitants du
domaine de toute possible agression.
Les travaux allèrent bon train et lorsque des remparts
solides eurent ceinturé l’ensemble des espaces habités, Louis le Valeureux se
félicita d’avoir pris la bonne décision car des hordes de chevaliers sans foi
ni loi, conduites par un chef sanguinaire, surnommé Baron Noir, passèrent outre
et allèrent déverser les effets de leur colère dans un fief voisin dont la
protection concevait des failles.
Au château, on éprouva du soulagement et l’on redoubla de
prudence.
L’autarcie serait de mise tant que la tranquillité ne serait
pas de retour sur l’ensemble du territoire.
Les sacs de farine de sarrasin, les andouilles de Guemené et
autres salaisons bretonnes furent appréciés à leur juste valeur et l’on se
remit à préparer des plats qui permettraient de tenir un siège si besoin était.
C’était la période où l’on faisait la cueillette des fruits
secs, amandes, noix, noisettes et où l’on préparait des confitures, mûres,
coings, pommes et tant de fruits savoureux qui offriraient leur saveur
particulière en accompagnement du miel sauvage des prairies.
Des nouvelles d’orient leur parvinrent : les amoureux,
Flor et leur escorte n’avaient connu aucun incident et Blanchefleur, loin d’errer
sur les rives de la rivière qui la mènerait dans l’au-delà, avait retrouvé un
regain de jeunesse qui enchantait son époux, toujours aussi épris de celle qu’il
avait adulée.
Aux aguets mais bénéficiant de la douceur des jours, les
habitants du château de la tulipe d’or se refermèrent sur la douce quiétude de
l’almanach des saisons.
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