Julian, le chevalier à la rose
Retranché dans sa tour d’ivoire, Julian, le chevalier des
trois fontaines, vit un jour une colombe qui se dirigeait vers lui. Elle déposa
une rose, pure et délicate, à ses pieds.
Julian l’enserra dans un boitier d’argent que l’on réservait
d’habitude aux bijoux et s’endormit en rêvant que la rose devenait une femme
miraculeusement belle et vouée à l’amour.
Au réveil, il fut étonné de se trouver seul tant le rêve
était présent dans sa mémoire.
Il marcha dans le jardin d’agrément que sa mère aimait tant
et fit une halte dans un pavillon qu’elle avait fait construire où elle aimait
se retirer.
Il s’assit sur un sofa et observa minutieusement les objets
qu’elle chérissait, son miroir, un livre d’heures, une broderie qui était restée
inachevée et un petit pot d’onguent à la rose dont elle aimait se servir pour
se protéger.
Il ferma un instant les yeux et lorsqu’il les rouvrit, elle
était là, la créature de rêve, la dame à la rose, vêtue de soie, de satin et de
dentelles.
Elle se servit de l’onguent avec beaucoup de naturel, but du
sirop d’orgeat présenté dans une carafe que les dames de compagnie
renouvelaient chaque jour et prit place sur un divan chamarré à l’invitation du
chevalier.
« Ma mère, dame Aliénor aux lourdes tresses blondes,
aimait se retirer dans cet endroit » dit Julian et quelle ne fut sa
surprise lorsque la belle apparition lui répondit :
« Je le sais, noble chevalier, car c’est elle qui m’a
priée de venir vous rencontrer car dans le palais de nuages roses où elle vit à
présent, elle se languit de vous. Je suis sa dame d’honneur céleste. On me
nomme Angélique du Hainaut et nous aimons parler de vous entre deux concerts
donnés par les anges ».
Après cet échange, Angélique et Julian restèrent muets mais
leurs yeux étaient éloquents et transmettaient des messages qu’il était doux de
recevoir.
Comme le soir tombait, Julian pria la jeune fille de
l’accompagner en son château, ce qu’elle fit de bonne grâce.
Et c’est ainsi qu’une idylle prit forme car Angélique
n’avait pu rester sous la voûte céleste que grâce à son art romanesque de se
projeter dans un univers pluridimensionnel.
Les jeunes gens prirent le temps de bien se connaître avant
de proclamer leurs fiançailles. Angélique mit ce précieux temps à profit pour
coudre et broder son trousseau de mariée.
Le jour de la cérémonie, des tourterelles volèrent dans le
ciel et laissèrent tomber des roses sur le voile de la mariée.
C’était de bon augure et un troubadour composa une chanson
où la rose et la dame ne faisaient plus qu’un, osmose d’amour et de
beauté !
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