Shéhérazade en son jardin d’amour
Un beau matin d’avril, Shéhérazade se rendit à pas comptés
dans son jardin d’amour, enfin libérée de tous ces contes qu’elle avait
inventés pour échapper à la plus cruelle des morts.
Le temps avait passé et le sultan, son époux, avait perdu le
goût des distractions littéraires et désormais, il la laissait vivre à sa guise
en se tournant vers les joies de la chasse au faucon, de la gastronomie
orientale et des affaires politiques.
Shéhérazade, curieusement désœuvrée, s’assit sur la bancelle
du jardin embaumé par le jasmin et les roses de Damas.
Elle se sentait vide et le sens de sa vie lui échappait
totalement.
La vue des oiseaux lui offrait le plus beau ballet du monde
mais elle ne parvenait pas à s’en réjouir.
Le crissement des graviers de l’allée principale la tira de
sa torpeur.
Son fils aîné lui souriait et ce cadeau du ciel lui rappela
à quel point elle avait aimé son époux, en dépit de ses colères et de son
caractère volcanique.
« Mère bien aimée, je vous trouve songeuse et quelque
peu mélancolique. Je vais faire préparer un palanquin pour vous emmener dans le
palais de marbre que j’ai fait construire en pensant à vous.
Il est grand temps que vous quittiez votre époux, le roi mon
père, puisqu’il ne vous honore plus de son amour.
Je vous offre mon amour filial et je vous promets de vous
rendre au centuple l’amour que vous m’avez prodigué depuis mon enfance jusqu’à
ce jour ».
Shéhérazade sourit à cette déclaration, embrassa ce fils
aimant mais déclina son offre car lui dit-elle, il était de son devoir de
demeurer auprès de son époux.
Le bonheur est passé comme les roses et à présent, il me
reste le difficile chemin de la vie qui mène vers d’autres rives et il sera bon
que je sois aux côtés de cet homme que j’ai toujours aimé et aime encore.
La vie s’écoule comme la rivière d’argent qui nous emmène
depuis la source jusqu’à l’îlot qui doit nous abriter en compagnie des cygnes
et des bosquets de roseaux et de fleurs.
Ainsi parla Shéhérazade et elle s’appuya sur le bras vigoureux
de son fils pour rentrer au palais et faire une toilette d’apparat pour
accueillir son époux de retour de la chasse.
Fidèle à son destin, elle remplit un carnet de son écriture
élégante pour raconter l’une de ces belles histoires dont elle avait le secret
afin de les dire plus tard à ses petits-enfants.
Les cygnes se manifestèrent avec bienveillance et lui
offrirent la plus belle escorte princière dont l’on pouvait rêver.
Shéhérazade leur donna des bribes de brioches et elle les
inclut dans l’un de ses plus beaux contes qu’elle intitula L’île aux cygnes,
rêvant d’avoir un destin similaire à celui de son héroïne qui retrouvait
jeunesse , beauté et amour.
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