Le cavalier d’argent
C’est en passant sous un halo de lune que le cavalier, en
route vers la forêt de Brocéliande, s’auréola d’argent et à partir de ce
moment, on le nomma le cavalier d’argent.
Il apparaissait, le soir, à la brune et de nombreuses jeunes
filles rêvaient de le rencontrer pour s’en faire aimer.
Pensez donc, un cavalier d’argent, ce n’était pas courant et
c’était aussi la fortune assurée !
En prenant à travers champs pour se rendre au marché vendre
ses produits, des ouvrages en dentelle, la jolie Mylène fit une pause dans un
bosquet d’aulnes et c’est alors qu’elle le vit, celui dont tout le monde rêvait !
Son cheval broutait l’herbe paisiblement tandis que le
cavalier avait pris place sur un tronc d’arbre.
L’argent de son armure n’était guère visible car il s’en
était défait pour se reposer : elle gisait dans l’herbe, soigneusement
déployée pour être enfilée rapidement en cas d’attaque subite.
« Jeune beauté, où allez-vous, de ce pas rapide et
ailé » ? demanda le jeune homme d’une voix chaude et agréable.
Nullement intimidée par ce beau jeune homme à la tournure
parfaite et au charmant sourire, Mylène déballa son baluchon et montra ses
broderies en expliquant qu’elle s’en allait au marché dans le but de les
vendre.
« Je vous les achète toutes » dit le jeune homme
et il montra des louis d’or pour parfaire sa proposition.
Mylène lui demanda s’il en aurait l’usage, ce à quoi il
répondit que ce serait assurément, pour chaque pièce, napperon, chemise d’apparat,
foulard, linge de table, le plus beau des cadeaux pour de futurs hôtes qui l’accueilleraient
ainsi en forêt de Brocéliande où il se rendait afin de rencontrer les
descendants des chevaliers de la Table Ronde.
Il raconta à la jeune villageoise quelques épisodes de la geste
arthurienne et elle en fut si éprise qu’il lui proposa de l’accompagner dans
cette terre bénie des dieux celtes qui n’avaient jamais capitulé face à une
nouvelle religion qui excluait les faits d’armes et le sens de l’honneur.
Ce serait bien volontiers dit Mylène mais je n’ai pas d’équipage
et de plus, ce ne serait guère convenable, pour une jeune fille, de voyager
ainsi en compagnie d’un inconnu.
« Je suis le chevalier Aymeric de Montluc et je peux
vous épouser si vous le souhaitez » répondit le cavalier d’argent et il
ajouta : « je ne suis le cavalier d’argent que pour ceux qui ont
besoin de rêver. Vous me semblez, au vu de vos travaux dignes des fées, être
une jeune fille posée, raisonnable et artistiquement douée. Si vous m’accordez
votre main, j’en serai très honoré ».
Les jeunes gens se rendirent dans un monastère où ils
passèrent plusieurs jours en prières et en recueillement puis le père qui était
à la tête de l’abbaye les unit devant Dieu et leur communauté.
Aymeric de Montluc commanda un équipage digne d’une épousée
et ils partirent vers la forêt de Brocéliande où ils étaient attendus.
Tout en priant, Mylène avait eu le temps de broder un
magnifique chemin de table pour l’autel afin de remercier les bons pères pour
leur généreux accueil et elle reçut, en échange, des produits du monastère,
confitures, miel et salaisons qui pourraient garder leur fraîcheur en chemin.
Elle avait pris la précaution d’avertir son village de son
départ et de son mariage.
« Il nous faudra une brodeuse pour remplacer cette
artiste » dit le maire et il soupira en songeant à la difficulté de la
tâche.
De nombreuses jeunes filles répondirent à l’appel car il se
disait que la belle Mylène avait épousé le cavalier d’argent et c’était là le
meilleur projet d’avenir qui se puisse faire !
Le village devint célèbre pour sa broderie et quelques
artistes trouvèrent un époux, charmé de rivaliser avec le légendaire cavalier d’argent
qui entra dans la mythologie villageoise, digne de figurer dans des livres
enchanteurs !
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