dimanche 31 août 2025

La valse d'Emilio




Emilio réservait une surprise inédite à son couple fétiche.

Après qu’ils eurent échangé et goûté des friandises-maison, Raphaël et Sofia virent arriver un violoniste vêtu à la mode autrichienne.

Livio interpréta une csardas venue des cartons de son ami Emilio. Le patron du bar tenait la partition de son grand-père Laszlo parti de Hongrie pour vivre à Florence.

Alors que le violon égrenait ses notes mélodieuses, Lula, compagne de Livio fit une entrée triomphale.

Dans une envolée de jupons, elle dansa avec tant de grâce que le couple tomba sous le charme puis, à la fin du morceau, elle disparut discrètement comme elle était venue sous un tollé d’applaudissements.

Livio enchaîna alors  avec une valse lente et langoureuse.

Raphaël et Sofia ne purent résister à cet appel et ils dansèrent voluptueusement, leurs corps répondant aux moindres modulations de l’archet. Le couple était si fusionnel que leurs étreintes futures devinrent une évidence.

Lorsque l’aurore fut proche, Emilio offrit son dernier cadeau aux amants, une corbeille de roses abritant un palais en biscuits roses de Reims garni de crème et de gelée de groseilles.

«  Je ne veux plus vous voir dans mon établissement. Mariez -vous sans tarder : la vie est si brève ! Vous vous êtes trouvés, soyez heureux ! Vous reviendrez me montrer votre premier enfant. J’en serai le parrain si vous le voulez bien et je serai attentif à son bonheur ».

Ne sachant comment remercier le brave homme pour toutes ses bontés, le couple quitta l’établissement révélateur de leur amour et partit, le cœur léger, vers l’appartement de Sofia.

Cette fois, ils se laissèrent envahir par le désir venu de loin comme le torrent fougueux d’une montagne fière et ils connurent des moments passionnés, garants de leur avenir radieux.

Bilan romanesque

 

 

 


Sofia mit sa journée de repos à profit en terminant des ouvrages, une robe somptueuse notamment avec une superposition de jupons en dentelle. «  Une fabuleuse robe de mariée » pensa-t-elle puis elle se demanda si l’attirance éprouvée pour Raphaël reposait sur des bases solides.

Certes, elle aimait sa présence et appréciait sa manière posée d’appréhender le monde, son charme naturel opérait à la manière d’un élixir mais ce bel amour ne tomberait-il pas comme un château de cartes au moindre coup de vent ?

Malgré sa résolution de ne pas se rendre à La Cave Andalouse, elle mit sa robe de bal et se dirigea vers l’antre du flamenco.

Saisie par le démon de la danse, Sofia se lança dans des improvisations qui émerveillèrent ses cavaliers et suscitèrent les applaudissements du public. Elle vivait littéralement dans un tourbillon dans une sorte de brouillard mythique.

Il lui sembla entendre les sanglots du violon alors qu’elle pirouettait sur ses chaussures à brides et aux talons cloutés.

Lorsque la soirée prit fin, Raphaël l’enveloppa galamment dans son manteau de soie.

Ils marchèrent sans mot dire jusqu’à l’appartement de la jeune fille.

Pour se défaire du sentiment de culpabilité qui l’envahissait, Sofia invita son ami à prendre un rafraîchissement chez elle.

Le jeune homme fut impressionné par la création de son amie :

«  Une robe de mariée exceptionnelle, d’une grande originalité » dit-il et Sofia fut heureuse de répondre qu’elle avait eu la même idée.

Elle prépara un cocktail et servit son ami, espérant que le poison de la jalousie ne l’ait pas envahi.

«  Vous êtes une danseuse née concéda-t-il et si vous n’aviez pas ce talent de tisseuse de soie, vous pourriez vivre de ce noble art. Moi, au violon et vous sur la piste en solo de lumière attirant les danseurs comme la reine des abeilles lors de son vol nuptial, nous formerions un couple original » !

Sofia se contenta de sourire et la soirée se poursuivit jusqu’à l’aube.

Lorsque vint le moment de la séparation, Sofia drapa une magnifique écharpe de soie sur les épaules de Raphaël dont les yeux se mouillèrent de larmes :

«  Quel cadeau somptueux » dit-il dans un souffle et leurs lèvres se joignirent spontanément dans un grand élan de tendresse. Ils se donnèrent rendez-vous le lendemain dans leur refuge, le bar d’ Emilio, leur porte-bonheur.

La profession de Sofia

 

 

 


Sofia s’était beaucoup confiée à Raphaël, son soupirant d’un soir mais elle avait omis de lui parler de son métier, le tissage de la soie. Elle avait apprécié le don du manteau de soie comme un signal du destin.

«  Toujours draps de soie tisserons

Jamais n’en serons mieux vêtues

Toujours serons pauvres et nues

Et toujours faim et soif aurons ».

Certes la complainte des tisseuses de soie de Chrétien de Troyes n’était plus de mise chez le fabricant qui prenait soin de ses ouvrières, la qualité de la main d’œuvre se faisant rare.

Certes Sofia ne roulait pas sur l’or mais elle bénéficiait de quelques avantages notamment l’usage de chutes de rouleaux ; elle avait pu réaliser de jolies robes, se les réservant pour une grande occasion.

Elle avait également confectionné de jolies cravates et des écharpes délicatement colorées.

Profitant d’une semaine de congé due à la réfection de quelques métiers, elle avait occupé sa première soirée de liberté en allant danser. Le hasard, certains diront le destin, avait mis Raphaël sur sa route.

Comme convenu, elle se dirigea le soir vers le café où ils avaient été si bien reçus. Elle avait mis l’une de ses robes en soie et avait enfilé le manteau de soie de son ami. Elle avait aussi préparé une jolie boite où elle avait placé une magnifique cravate en soie, cadeau qu’elle pensait faire en remerciement du manteau. Cette fois, elle était décidée à parler de son métier, sa passion.

Raphaël était déjà là. Il fut enchanté par la cravate, la noua savamment et fut heureux de connaître le métier de son amie.

Quant à lui, le violon et ses prestations n’étaient pas l’essentiel de sa profession ; il opérait quotidiennement en qualité de commercial dans une grande surface.

«  Soyons fiers de notre profession car elle nous garantit la stabilité de l’emploi : les jolies dames de la haute société auront toujours besoin de toilettes élégantes et chacun éprouve la nécessité d’un ravitaillement constant.

Et moi j’ai besoin de vous, clients exceptionnels car vous êtes l’ornement de mon bar de nuit » dit Emilio en apportant le chef d’œuvre promis, un palais de sucre cristallisé dont chaque pièce était garnie de mignardises.

Les amants du soir goûtèrent ces merveilles et burent de la liqueur de sureau et du vin aux cerises. Ils parlèrent peu, s’étant déjà tout dit.

Pour relancer les amours naissantes, Emilio mit un disque des succès de Joséphine Baker sur son électrophone et n’y tenant plus, Raphaël et Sofia se lancèrent dans un charleston endiablé.

Leur complémentarité était si évidente qu’Emilio les applaudit, heureux d’avoir contribué à l’éclosion de leur amour.

En quittant le brave barman, Raphaël déclara qu’il ne serait pas de la fête le lendemain car il était retenu à La Cave Andalouse pour une prestation orchestrale mais qu’il serait bien là le soir suivant.

Sofia dit qu’elle se reposerait et ferait quelques travaux de couture. Elle ne voulait pas aller danser pour accompagner Raphaël car cela signifierait qu’elle aurait un cavalier et elle ne voulait pas infliger cette peine à son doux amant. Raphaël lui pressa la main en signe de remerciement et la raccompagna jusqu’à son domicile.

Il la quitta sur un baiser plus appuyé que la veille, la serra tendrement contre lui et ils se dirent au revoir jusqu’au surlendemain.

samedi 30 août 2025

Coccinelle d'amour

 



En se penchant sur une rose pour en humer les sucs, une coccinelle fut touchée par la baguette magique d’une fée vivant au cœur de la fleur.

Métamorphosée en jeune beauté vêtue d’une robe rouge à pois blancs, la coccinelle prénommée Maëlis fit crisser ses ballerines sur les graviers de l’allée.

Trouvant sur son chemin un jardin d’amour doté d’un pavillon en forme de pagode, elle s’y arrêta.

L’intérieur du pavillon était capitonné de soie rose. Maëllis s’installa sur un sofa et fut à peine surprise de voir un prince s’approcher d’elle et lui baiser la main.

«  Créature du Bon Dieu, je suis heureux de vous trouver en mon jardin. Puissiez-vous y rester pour fixer le bonheur » !

Ainsi parla Loan, le maître des lieux.

Loan et Maëlis virent venir avec plaisir des serveurs en livrée argent porteurs de boissons pétillantes aux fleurs et des parts d’un gâteau fantastique, crémeux à souhait.

Les jeunes gens mangèrent et burent de façon modérée afin de préserver leurs forces vitales.

Un violoniste les surprit en interprétant une valse lente aux accents viennois. Le romantisme profond de ces créations plongea le couple dans une bulle rose au parfum de guimauve.

Loan prit Maëlis dans ses bras et tous deux se livrèrent au bonheur de suivre les accents langoureux du violoniste Stanislas préposé aux fêtes de mariage.

«  M’accordez-vous votre main murmura le jeune danseur.

Beau prince, vous savez bien que je ne suis qu’une coccinelle devenue femme grâce à l’action d’une fée. Demain peut-être le jardinier me pulvérisera sans y prendre garde.

Je saurai si bien vous défendre, ma beauté, que jamais plus vous ne redeviendrez la bête à bon dieu qui veille sur nos jardins. Je vous garde sous cette apparence et j’en appelle à la fée bleue pour qu’elle pérennise votre statut féminin.

Reçu cinq sur cinq » dit la fée bleue et elle stabilisa la métamorphose de la coccinelle d’amour en promesse d’éternel printemps.