mercredi 29 octobre 2014

Le bal des Roses






Un jour, la reine des Roses décida d’organiser un grand bal. Elle convoqua toutes les roses du royaume, leur demandant d’élire un comité qui aurait la charge de réaliser ce projet ambitieux.
Ensuite la reine dépêcha des émissaires dans des royaumes d’Orient, privilégiant Damas et Ispahan dont la réputation était symbolique tant la splendeur de leurs spécimens royaux n’était plus une légende.
Des colombes furent les émissaires de la reine qui ne manqua pas d’inviter bon nombre d’oiseaux, colibris, pinsons, mésanges, tourterelles et les abeilles ouvrières pour qu’elles fassent leur miel en ce jour de bal.
Des orchestres improvisés se présentèrent et la reine en retint trois, ragtime, valses viennoises et tangos.
Le comité d’organisation fit remonter une question, à savoir le manque d’éléments masculins ce qui contraignit la reine à lancer des invitations aux lys, aux pavots, aux bleuets et aux tulipes royales.
Enfin le grand jour arriva. Une table fut érigée dans une clairière.
Les fées du royaume avaient préparé un banquet somptueux où gâteaux de graines délicates, mousses aux fruits des bois et couronnes de sésame aux amandes et noisettes concassées attendaient les invités.
Les orchestres prirent place et firent un galop d’essai. Les princes firent une entrée triomphale, bannières au vent.
La délégation des tulipes avait à sa tête une magnifique tulipe noire au cœur immaculé.
Les lys avaient un port altier et glissaient sur l’herbe majestueusement. Bleuets, pavots et jasmins avaient choisi une entrée groupée et harmonieuse.
Sollicités de toutes parts par des admiratrices, ils se dirigèrent vers le buffet où ils burent des calices de boissons aromatisées aux amandes.
Enfin ces dames, fardées, chargées de bijoux anciens et de perles en sautoirs firent une entrée remarquée et embaumée.
La valse de l’Empereur retentit et le prince Tulipe Noire baisa le pétale gauche d’une rose d’Alger et ils ouvrirent le bal avec beaucoup d’élégance.
Chacun trouva sa chacune au grand plaisir de la Reine des Roses qui surveillait le maintien des danseurs et la qualité du service au buffet.
La fête aurait été parfaite si un grand aigle n’avait pas plané au-dessus de la clairière, jetant un certain trouble au niveau des danseurs. Heureusement la Reine des Roses avait tout prévu et elle donna l’ordre de déployer un immense parasol lumineux qui aveugla l’oiseau de proie.
Il se retira afin de garder intacte la vue qui lui était nécessaire pour assumer son rôle de roi de la montagne.
Des papillons bleus qui semblaient venus tout droit de Palanque ajoutèrent de la grâce à la féerie de la fête.
Des couples constitués s’échappèrent pour filer le parfait amour et bientôt il ne resta sur la piste que des danseurs amateurs de rag-time.
Estimant que la fête était réussie, la Reine des Roses regagna ses appartements luxueux et après avoir dansé une grande partie de la nuit puis s’être abreuvés et livrés aux délices gastronomiques proposés, les irréductibles mondains partirent en carrosses tractés par des licornes et rejoignirent le paradis des fleurs où elles se trouvent encore avec leur descendance veloutée et nacrée pour constituer un royaume ardent dont l’emblème serait une rose rouge, symbole de tout un pays en mal d’amour et de rêve.

lundi 27 octobre 2014

La croix du Levant





Dans la lande endormie, l’ombre des chevaliers flotte comme un étendard.
Leur âme ne peut se résoudre au repos. Ils ont tant guerroyé qu’ils se sont figés dans un rêve de conquête, sans plus savoir vraiment ce qu’ils étaient venus chercher.
Une dame de haute lignée, Mathilde du Bois Noir prit la décision d’inviter en son château les chevaliers égarés.
À force de soins, elle leur réapprit à vivre et bientôt, au château accueillant où flambaient souvent des feux pleins de gaieté, des bals furent organisés.
Plus d’une belle danse au bras d’un chevalier mais toutes durent se rendre à l’évidence : leur âme était restée en cet Orient où la soie, les broderies et les roses constituaient une tapisserie lumineuse.
Licornes, belles au Hénin, livres sacrés, écureuils et petits animaux de la forêt se cachaient dans les halliers de laine. La malédiction prit fin le jour où un chevalier tomba amoureux de la maîtresse des lieux.
C’est alors que les chevaliers cessèrent d’errer comme des ombres et chacun prit le chemin de son domaine seigneurial, sous la croix du Levant.

Le voile de la mariée






Par-delà les collines, j'ai recueilli des perles de rosée et de fines étoffes couleur d'aurore puis chargé de tous ces trésors, je suis revenu en mon palais pour commander au meilleur tisserand, un objet qui concrétise mon amour fou, ô ma bien aimée, mon adorée, ton voile de mariée
Je sais que tu n'aimes pas le contact d'un tissu, si délicat fût-il, sur ton visage car il te semble qu'ainsi voilée, tu perds ta liberté. Je te comprends parfaitement cependant il s'agit d'une tradition et j'avoue que je serai heureux de t'avoir toute à moi l'espace d'un instant.
 Le moment où tu relèveras ce voile sera fabuleux car c'est au moment même où tu seras déclarée mienne officiellement que ton beau visage illuminera la pièce où l'on nous mariera.
Ce voile si précieux, l'objet de toutes les attentions, ne sera plus qu'un accessoire. Je te serrerai sur mon cœur, mon adorée et ce rêve qui a pris naissance dans les collines se poursuivra au bord de la rivière où je t'aimerai en ma qualité de Roi des Aulnes !

vendredi 24 octobre 2014

Belle de mes nuits





La belle de mes nuits se repose dans une sphère bleutée, taillée dans les nuages. Sa chambre couleur de feuilles mortes, flamboie comme mon cœur qui palpite au vent léger.
Toutes les roses de l’automne se sont réunies pour que vole la robe de bal la plus légère, la plus improbable, assortie aux émeraudes de mes yeux.
Je contemple mon aimée et je brûle à l’idée de me consumer sur le satin de son corps.
Je rêve et je m’étire tant que je me transforme en aigle qui survole son palais.
Je déjoue les archers, me pose sur le rebord de sa fenêtre et j’attends la nuit, mon amie, celle qui donnera une âme à mon rêve et le miracle se produit : la belle ouvre sa fenêtre et je la prends dans mes bras, embrasé par le désir qui fleurit sur mes lèvres et les siennes unies en un anneau vermeil.
La belle de mes nuits devient la belle de mes jours et bientôt une pousse grandit qui devient un bel enfant que nous berçons à tour de rôle dans un petit lit en forme de voilier.
Ma belle repose en mes bras vigoureux et je l’embrasse doucement pour qu’elle s’endorme jusqu’à ce que renaissent les roses de l’amour éternel.