On l’appelait ainsi, l’élégant car il portait toujours un œillet
blanc à sa boutonnière et il maniait sa canne- épée en faisant des moulinets
gracieux avant d’embrocher ses victimes avant de les dépouiller : il
appartenait à ces bandes de voyous qui tenaient le haut du pavé à Montmartre
sous l’appellation d’Apaches tant la cruauté et le rapidité jointes à l’appât
de l’argent étaient leur apanage.
Puis un jour, il tomba sur un bourgeois qui pratiquait l’escrime et ce fut lui qui resta sur le pavé avec une superbe boutonnière qui teinta de rouge sang son bel œillet blanc et ce fut la fin de sa carrière de dandy meurtrier.
Il dégringola dans l’échelle des meneurs et dut accepter de petits rôles subalternes pour manger à sa faim : fini l’élégant, il devint l’auteur de basses besognes, obéissant bien malgré lui à un malfrat qui lui reprit son titre d’élégant et ses œillets blancs !
Cette situation désespérée le conduisit vite à la tombe car un soir, il succomba à de nombreuses blessures infligées par un adversaire plus fort que lui.
Son corps fut jeté à la fosse commune et personne ne le pleura : telle était la dure loi de la rue au dix-neuvième siècle !