samedi 31 octobre 2020

Partition Divine

 



Une page enluminée et parsemée de notes musicales, composée par un ange, s’est envolée et a caressé la guitare endormie d’un chanteur et le miracle s’est produit.

Comme dans le voyage de Coco au royaume des morts et de la musique, Johnny est apparu, dans toute sa splendeur, changeant de costume de scène en un rythme endiablé, superbe.

Gentleman, rocker fou ou amant passionné, il se détache sur la dentelle des nuages et nous offre une chanson inédite, divine broderie des anges.

Cependant il rompt avec la quiétude céleste, rencontre des amis et ils décident de braver les interdits des angelots.

La sirène du Mississippi retentit et les fixe sur les rives du fleuve sacré.

Enfourchant leur bike à la manière des cow-boys bravant la fureur de vivre des Sioux, ils s’échappent sur la route 66, leur dernière conquête, leur road movie d’éternelle amitié et ils rient et pleurent à la fois, heureux d’être encore et toujours des amis réunis par une divine partition, arrivée à point pour célébrer la fête de tous les saints.

Ils sèment sur leur passage des chrysanthèmes et des fleurs du Paradis.

Tout à coup dit un pote en se passant la main sur ses yeux rougis, alors que nous étions en train de rire et de pousser des hurrahs comme les cosaques, il a disparu dans un tourbillon de lumière et nous nous sommes retrouvés seuls, sur les rives du Mississippi, à regarder passer les bateaux jusqu’à ce qu’on le voie, agitant son bandana en guise d’au-revoir !

Il nous a laissé la partition et depuis nous chantons l’hymne divin de notre amitié qui durera jusqu’à la fin de nos jours !

Le Saint Graal

 



Alors que Rose du Buisson Ardent régnait en maîtresse absolue sur le cœur de son époux Jehan des Roselières, acquérant une dimension altière qui n’était pas sans rappeler la magnificence de Dame Guenièvre, les chevaliers Jocelyn de Rohan, Perceval d’Audierne et Benoît des Forges s’approchaient de Fol Espoir en déployant leur bannière où apparaissaient nettement les contours du ciboire sacré, le Saint Graal.

En découvrant le symbole de la pérennité du royaume, les guetteurs furent si émus que certains en perdirent l’usage de la parole et c’est sous forme de message illustré que Jehan apprit la nouvelle.

Il ordonna immédiatement que l’on prépare des festivités hors du commun et que l’on décore l’oratoire de la chapelle qui attenait au château.

Fleurs, lys et roses notamment, amour en cage et pensées au cœur d’or, perles, rubis et diamants furent parsemés sur l’autel et les bancs seigneuriaux ou chevaleresques.

Les dames ne furent pas oubliées : des coussins brodés, dignes de la grande époque des cathédrales adoucirent la rugosité des chaises hautes et des bancs qui leur étaient réservés.

Follement épris de Rose du Buisson Ardent, Jehan des Roselières exigea un double capitonnage pour la chaise royale de son épouse car il ne voulait en aucune manière qu’un élément extérieur vienne ternir la rose intime et secrète de son corps, celle qui lui était exclusivement réservée.

Or, Rose du Buisson Ardent lui avait appris, dans un souffle, que dorénavant ils seraient deux et tandis que l’humeur jalouse du seigneur atteignait son paroxysme, elle ajouta bien vite qu’un fils habitait son corps et s’emparait d’une moitié de son cœur.

Se maudissant d’avoir pu douter de sa dame, Jehan célébra cette nouvelle en honorant la fleur de ses sources vives avec une infinie tendresse et une douceur exquise.

Il interdit à sa dame d’entrer dans les cuisines, sauf pour y choisir un aliment ou réclamer un plat dont elle pourrait avoir envie et il souhaita que la couture, la broderie et la tapisserie soient ses uniques occupations, comme il seyait aux dames de son rang.

« Finis les tourments d’amour à pâtisser, mon ange car vous êtes mon unique tourment et je me meurs d’amour lorsque je suis en vous !

Nous chercherons un nom qui soit le plus adapté à la beauté de ce fils que vous me donnerez, ô ma Dame d’amour et s’il s’agissait d’une fille, j’en serais tout autant enchanté et ému et nous lui offrirons le plus beau des prénoms ».

Après cet intermède tendre, passionné et ardent, Jehan des Roselières se prépara à recevoir les chevaliers du Saint Graal tandis que son épouse, doublement chérie, brodait les premiers points de la rose d’amour qu’elle destinait à leur premier enfant.

Jehan fit préparer la Table Ronde et convoqua les chevaliers présents au château pour entendre le récit des aventures se référant au Saint Graal.

Lorsque la petite troupe arriva au château, un voile de brume s’abattit sur les tours, dispersant des étoles de soie tandis qu’une musique céleste se faisait entendre.

Les hommes d’armes furent accueillis dans la salle qui leur était réservée et on les débarrassa de leurs cuirasses.

De jeunes pages les aidèrent à redevenir des hommes de cour en épargnant leurs corps meurtris et en leur apportant des vêtements agréables à porter et flatteurs pour  leur silhouette virile.

Une collation leur fut ensuite servie.

Pendant ce temps, les chevaliers prenaient un bain et revêtaient une tenue d’apparat.

Boissons et toasts leur permirent de trouver l’allant nécessaire à un exposé de leurs aventures.

En pénétrant dans la salle du conseil, ils déposèrent délicatement le ciboire sacré qui était enveloppé dans une mousseline brodée d’anges et de cœurs sacrés de Jésus.

Chacun eut l’impression de voir voler des chérubins ailés et l’on entendit à nouveau la musique céleste qui semblait provenir d’une harpe.

Jocelyn de Rohan félicita leur seigneur d’avoir eu l’idée de se faire passer pour des chevaliers proposant une thèse qui serait présentée à la Sorbonne, éliminant ainsi la méfiance inéluctable éprouvée par les dames notamment  à l’encontre des chevaliers.

Benoît des Forges qui avait dû faire réparer les fers de sa monture, était resté quelque temps dans un hameau et il y avait fait la connaissance d’une charmante jeune fille, Eglantine du Reposoir, ainsi nommée parce qu’on l’avait trouvée, bébé, enveloppée dans un lange de laine au cœur d’un buisson d’aubépines qui fleurissaient les murs d’un reposoir dédié à la Vierge Marie.

Eglantine du Reposoir avait une beauté céleste qui provoqua des ondes amoureuses dans le cœur du chevalier.

Il n’eut aucune peine à solliciter sa compagnie, prenant le prétexte de l’étude de Chrétien de Troyes pour s’attarder auprès d’elle.

Afin de la rassurer, il prenait des notes.

La jeune fille avait une solide éducation littéraire car elle avait été recueillie par le prêtre de la paroisse qui l’avait élevée avec l’aide de sa gouvernante.

Il s’était chargé de l’instruire et comme elle avait l’esprit vif, malléable et qu’elle aimait les études, il avait fait d’elle une véritable érudite.

Qu’est devenu votre mentor ? osa lui demander Benoît des Forges.

Hélas, mon pauvre ami, ce saint homme nous a quittés l’hiver dernier. Il avait tenu à donner son manteau à un pauvre et si ce brave nécessiteux survécut, ce ne fut pas le cas de mon bienfaiteur.

Benoît respecta le chagrin de la jeune fille et remit à plus tard les questions qui lui brulaient les lèvres.

Pendant ce temps, Perceval d’Audierne s’attarda dans un joli bourg cossu car le bourgmestre fit appel à ses services en sa qualité de lettré.

Ils avaient reçu un document en latin et personne n’avait pu le traduire.

Perceval se mit au travail et traduisit une page ont le contenu lui fit battre le cœur. Il y était question d’un ciboire sacré, tant recherché par le roi Arthur et ses chevaliers, que des moines avaient préservé en le plaçant dans leur abbaye, sous la protection de Saint Alexis.

Perceval exultait mais il n’en fit rien voir.

Le bourgmestre tint à lui offrir l’hospitalité pour le remercier.

On lui servit un excellent repas, des écrevisses en sauce, un filet mignon en pâte feuilletée garnie de champignons, de châtaignes cuites sous la cendre et épluchées finement, le tout parfumé à l’huile de noix et de piments doux, une purée de topinambours et de panets adoucissant le goût puissant de la viande.

Des ris de veau joliment accommodés finalisèrent la douceur de ce repas qui se termina par un panel de fromages et des pâtisseries dont la jeune fille de la maison, baptisée Violaine, était la spécialiste.

Elle vint présenter son chef d’œuvre, un gâteau dont les couches fines de pâte étirée en forme de voile de mariée, passées au pinceau d’un amalgame de beurre fondu, de sucre et de liqueur à la fleur d’oranger puis cuites délicatement et saupoudrées de perles d’amandes, offraient un rêve croustillant à la mode gasconne.

Perceval savoura cette délicieuse pâtisserie mais il ne put s’empêcher de s’attacher à la silhouette et au beau sourire de la charmante Violaine.

Rêvant d’en faire sa dame si elle l’acceptait pour époux, il s’endormit dans un lit bassiné à la lavande et le lendemain, après un petit déjeuner copieux et bon, servi par la belle Violaine, il prit congé de ses hôtes.

Il réussit à glisser un mot doux dans la main de Violaine et promit à tous de revenir promptement présenter ses respects et tenir la famille au courant de l’avancée de sa thèse.

«  Cher Perceval, votre mensonge vous sera pardonné lorsque la belle Violaine et sa famille découvriront que vous êtes l’un des chevaliers de la Table Ronde, dit Jehan. Mais venons-en au fait, voulez-vous » ?

Alors Jocelyn de Rohan raconta en peu de phrases la fin de leur expédition.

Le hasard ou le destin m’ont conduit à l’abbaye de Saint Alexis où des moines, épris des mystères du Saint Graal et admirateurs des exploits des chevaliers de la Table Ronde m’ont conduit jusqu’à la crypte où l’on gardait précieusement l’objet sacré.

Le père fondateur de l’abbaye promit de me remettre le Saint Graal car, me dit-il, nous vivons des temps si tourmentés que ce serait un péché de ne pas utiliser les dons sacrés du calice pour sauver le royaume.

Heureux de ce dénouement inattendu et inespéré, j’ai envoyé un message à mes deux compagnons et c’est ainsi que nous avons pris la route du retour, contents d’avoir mené si rondement la mission dont nous étions chargés.

La main de Dieu était sur vous, dit pensivement Jehan des Roselières mais cela ne diminue en rien vos mérites et chacun de vous a agi astucieusement.

J’enverrai une invitation à la jolie Violaine et à sa famille.

Quant à Eglantine du Reposoir, je la doterai et en ferai, si elle le souhaite, la dame de compagnie de ma reine, Rose du Buisson Ardent.

Elles nous donneront tout le bonheur que nous pouvons attendre d’elles, par leur seule présence, leur beauté et leur talent.

Chacun partit alors le cœur léger.

Jehan des Roselières rejoignit sa belle épouse, lui fit part de la décision qu’il avait prise, concernant la belle Eglantine du Reposoir.

Cette idée est excellente mon ami et nous ne serons pas trop de deux pour élever le petit seigneur qui repose en mon sein.

Je la traiterai comme une sœur, une égale et elle me fera part de ses lectures durant mes travaux de couture et de broderie.

Jehan des Roselières, au comble du bonheur d’avoir une épouse si belle et si sage, brossa ses beaux cheveux, l’aida à dégrafer sa robe d’apparat et ajusta sa chemise de nuit tout en caressant son beau corps, doublement sacré désormais.

 

 

vendredi 30 octobre 2020

Fol Espoir

 



Des guetteurs étaient postés dans toutes les zones stratégiques menant à Fol Espoir, le château de Jehan des Roselières et de sa dame, Pervenche au grand cœur.

Prévenues, les dames ordonnèrent le branle-bas des casseroles et des chaudrons de cuivre, des tournebroches et firent garnir les fours de fagots de bois sec qui faciliteraient la cuisson des fameux tourments d’amour et des tourtes garnies de volaille en dés et de poêlées forestières.

Dame Pervenche et Doria décorèrent la table seigneuriale d’argenterie et de fleurs, demandèrent aux dames d’honneur d’utiliser des tréteaux pouvant supporter soupières, plats de viande et de poisson, couronnes briochées pour satisfaire l’appétit des guerriers dans la salle d’armes.

Plusieurs guetteurs ayant aperçu la célèbre Excalibur, la fête fut complète.

Chacun se félicita de l’issue heureuse de l’expédition au royaume d’Avallon.

Agapes princières, retrouvailles émues du suzerain et de sa dame se succédèrent allègrement.

Jehan des Roselières avait hâte de serrer dans ses bras son épouse et de retrouver dans le secret de son corps le frisson du désir sans cesse renouvelé mais il fit preuve de patience, répondant aux questions qui lui étaient posées, sans hâte et avec la précision nécessaire.

Concernant Excalibur, il dut avouer  qu’un mystère entourait sa prise de possession et qu’il avait dû faire le serment de protéger son secret.

Chacun convint qu’il avait raison de ne pas transgresser les interdits et prit congé à une heure raisonnable.

« Enfin seuls, mon amour ! dit Jehan à sa compagne et il accepta qu’elle lui donne un bain, ses douces mains caressantes offrant déjà les prémices de l’amour sensuel dont il ne pouvait plus se passer désormais.

La fusion de leurs corps fut totale dans l’alcôve dont les rideaux étaient soigneusement  tirés pour préserver leur intimité.

Jehan ne se lassait pas d’explorer l’intimité de sa dame, ce que Pervenche semblait apprécier puisqu’elle s’offrait comme une fleur épanouie et tentait de renouveler le désir ardent de son époux par des caresses subtiles et parfois osées.

En poursuivant ses étreintes passionnées, Jehan fit une découverte insolite : une rose de chair cerclait la source  de vie de sa dame.

Il en caressa les contours et se promit d’en faire une reproduction sur un parchemin qui serait leur secret.

Le lendemain même, il s’enferma dans une pièce qui contenait ses documents les plus précieux et dessina, de mémoire, les contours de la rose d’amour.

Lorsque la fleur apparut, des frissons de désir s’emparèrent de lui et sous le prétexte fallacieux de maux de tête inopinés, il demanda à sa dame de le rejoindre dans  leur chambre.

Il la dénuda avec délicatesse et la caressa voluptueusement, désireux de s’abreuver à la source mystérieuse protégée par une rose royale.

Et c’est en effeuillant cette fleur secrète qu’il eut la révélation du mystère qui entourait sa dame de cœur : Pervenche était de lignée royale et féerique.

L’empreinte d’un roi dont on avait perdu la trace dans la genèse arthurienne avait formé la fleur des origines au plus profond de son être.

Jehan repartit dans son cabinet secret après avoir donné des baisers doux et ardents à sa reine et il établit, grâce aux documents de la Table Ronde, l’arbre généalogique de son épouse.

Fol Espoir méritait son nom à plus d’un titre car s’il avait cru épouser une simple paysanne par amour, il s’était uni en réalité à une personne dont la noblesse était similaire à celle de Guenièvre, sa mère, d’essence royale et quasi divine, venue des hautes terres du Nord pour se joindre à un peuple celtique désireux de conquérir le monde grâce au Saint Graal.

Jehan fit venir son joailler, Célestin Rubis et lui commanda une rose en métal précieux similaire à celle qu’il lui présenta, sous forme d’esquisse.

Ce dessin et sa reproduction devaient être inédits et ne jamais être dupliqués sous peine de félonie lui dit-il gravement.

Lorsque le bijou fut prêt et présenté dans un écrin précieux, Jehan ordonna des préparatifs pour sa remise solennelle à sa dame qu’il décida de rebaptiser Rose du Buisson Ardent.

Il demanda ainsi qu’un menu festif soit concocté et servi dans le boudoir attenant à leur chambre nuptiale. En voici le détail :

Vin de Champagne servi en coupe de Baccarat

Blinis au foie gras d’oie ou à la gelée de roses

Cotriade du Pêcheur à la mode de Douarnenez

Salmis de palombes

Brie ou chèvre frais à la compotée de rhubarbe ou de groseilles

Tourments d’amour

Palets de dames

Couronne Paris-Brest

Vin de Jurançon ou de Romane Conti

 

Des roses de Damas parsemèrent la table du repas et le lit qui deviendrait ainsi un sanctuaire d’amour.

Ce repas pris en tête à tête fut un moment grandiose.

Avant de sacraliser leur rituel passionné, il y eut un moment solennel au cours duquel Dame Pervenche apprit l’extraordinaire histoire de sa lignée.

S’apparenter à la reine Guenièvre, de manière lointaine et royale, relevait du prodige.

Jehan lui offrit le bijou merveilleux, expression précieuse de la rose d’amour qui reposait à la source vive de son corps ardent, s’ouvrant sous les baisers passionnés de son époux.

Il lui fit également cadeau du parchemin qui contenait l’esquisse de la rose incroyable que l’on effeuillait sans jamais l’endommager et que l’on souhaitait la défolier encore et toujours pour la voir renaître, plus belle que jamais.

« Rose du Buisson Ardent, ma mie, ainsi vous nommera-t-on désormais, je vous invite à prendre place dans notre lit afin que je vous fasse défaillir et renaitre sous l’ardeur de mes baisers et de mes étreintes profondes, exquises et royales, sans cesse retrouvant l’aurore des premiers instants, avec les frissons renouvelés du désir ».

Après cette nuit qui marqua leur vie d’une rose immatérielle et immortelle, Jehan des Roselières demanda aux cuisinières de préparer un menu festif à l’identique de celui qu’ils avaient pris en tête à tête et d’y convier les chevaliers de la Table Ronde.

Il avait, annonça-t-il, un grand événement à célébrer.

Le jour de la célébration, il apprit à tous que Dame Pervenche se nommerait dorénavant Rose du Buisson Ardent et sans révéler les détails intimes de sa beauté profonde et royale, il offrit à chacun, sur parchemin, l’arbre généalogique de son aimée, ce qui arracha un cri d’admiration dans l’assistance, puis il couronna sa reine d’un diadème qui portait en son cœur la rose ardente de son nom.

« Pervenche est morte, vive Rose du Buisson Ardent » dit-il en élevant son hanap d’hydromel vers le ciel. Je porterai les couleurs de ma reine jusqu’au firmament assura-t-il et grâce à sa lignée royale, nous trouverons le Graal, foi de Jehan des Roselières et offrirons le bonheur à tous les habitants de notre royaume » !

La fête fut somptueuse mais Jehan, une fois de plus, trouva le plus grand des bonheurs en cueillant à sa source la rose d’amour de sa reine, immortelle et captive sous l’ardeur de ses étreintes et de ses baisers.

 

 

 

 

 

 

jeudi 29 octobre 2020

L'île d'Avallon

 



Quittant à regret sa dame d’amour mais décidé à mener l’aventure jusqu’à son terme pour en rapporter la belle Excalibur, Jehan des Roselières, son écuyer à ses côtés, pressa son bel étalon Etoile du Nord vers les brumes d’Avallon.

Son escorte comprenait les guerriers les plus redoutables du château.

Sur les créneaux de Fol Espoir, Dame Pervenche, son épouse, l’avait longtemps suivi du regard puis elle s’était arrachée à sa contemplation et avait rejoint ses compagnes, Capucine, Doria, Alexandra de Jésus et Josépha du Gosier pour établir des menus et les commandes qui s’y rattachaient.

Toutes furent d’accord pour éviter les tourments d’amour.

Ces pâtisseries faisaient voyager les chevaliers, provoquant de véritables séismes dans leur cœur avide de passion.

Préparons du pot au feu à base de jarret de veau, de paleron, de bœuf, de légumes du potager, d’os à moelle et de bouquets garnis avec un bel oignon piqué de clous de girofle.

Cette préparation nous aidera à présenter plusieurs repas, viandes et légumes en un premier temps, bouillon au tapioca ensuite et enfin hachis préparé à partir des restes de viande et passé au four avec une sauce blanche et de la moutarde, suggéra Capucine.

Adjugé ! dit Pervenche. Pour les desserts, nous leur servirons du pudding, des charlottes, du pain d’épices, des cakes et des tartes aux pommes.

Satisfaites d’avoir élaboré des menus susceptibles de satisfaire les chevaliers sans fouetter leur imaginaire compulsif, les dames se mirent en devoir d’envoyer les marmitons à la recherche des ingrédients nécessaires à la fabrication des plats et elles commencèrent à pétrit la pâte qui serait la base de différents gâteaux cuisinés.

Dame Pervenche pensa à ce cœur en pâte feuilletée, fourré de crème pralinée  qu’elle avait enveloppé dans un linge parfumé à l’essence de rose puis placé dans les fontes d’ Etoile du Nord, destiné à son époux.

Il pourrait le savourer lors de la première halte puisqu’elle avait mis l’écuyer dans le secret.

Albin de Watreloo, l’écuyer, apporta le cœur ardent et sucré à Jehan des Roselières et ce dernier caressa ce message feuilleté avant de le déguster.

Chaque bouchée lui offrait une parcelle du corps si désirable de sa Pervenche bien aimée et lorsque le cœur feuilleté se fondit en lui, il éprouva une sensation voisine de la déchirure et du plaisir assouvi.

Il mit un terme à la halte qui lui avait permis de retrouver la fleur charnelle de sa dame.

Il repartit, galvanisé par le désir de tirer Excalibur de son fourreau d’écume.

Parvenu avec son escorte sur les rives de la mer qui bordait l’île d’Avallon, il avisa un passeur qui se montra disposé à emmener les chevaliers et leurs gens par petits groupes jusqu’aux abords du dernier refuge du Roi Arthur.

Un tiers des hommes resta à terre pour garder les chevaux et servir d’appoint, le cas échéant.

Quentin de Trégastel, chargé du commandement des guerriers appréciés pour leur sagesse et leur sens stratégique, fit construire des abris pour les hommes et leurs montures.

Des soldats cuisiniers firent un feu au-dessus duquel on suspendit une crémaillère où mijotèrent viandes, légumes et plantes tubéreuses qui apportèrent l’onctuosité nécessaire à l’ingestion des plats revigorants.

Des jeunes filles d’un village voisin leur apportèrent des pains cuits au feu de bois, des pichets de vin et des brioches dorées qui rappelèrent à tous les délices dégustés au château.

Ces jeunes paysannes promirent de revenir le lendemain et de leur apporter à nouveau du pain, du vin et des douceurs.

Pendant ce temps, Jehan des Roselières et ses compagnons d’armes progressaient dans la conquête du château de brume.

Ils eurent la chance d’apercevoir un véritable village de tentes et de constater qu’on les y attendait.

Un repas festif à base de poissons, servis grillés, pochés ou en cotriades, changea les convives habitués à des nourritures carnées.

Des galettes de sarrasin garnies d’œufs et de cubes de viande ou de fromage, accompagnées de cidre, de cervoise et de vin chaud enchantèrent les hommes peu habitués à ce genre de nourriture.

Des crêpes aux saveurs orangées ou citronnées, des palets de dame et des beignets aux pommes caramélisées clôturèrent ce repas qui sortait de l’ordinaire.

Jehan voulut féliciter les cuisiniers et les organisateurs du repas.

C’est alors que l’on vit arriver une ronde de petites fées et de korrigans.

Rien d’étonnant, se dit Jehan, nous sommes en pleine féerie et je crois que cette île d’Avallon nous réserve bien des surprises.

Pour leur faciliter le sommeil, les lutins et les fées leur servirent des tisanes parfumées à la mélisse, au tilleul ou à la camomille ainsi que de petits gâteaux joliment nommés langues de chats et des tartelettes à la praline rose.

Des tentes préparées pour la nuit étaient pourvues de duvets qui plongèrent les hommes, repus et reposés dans un sommeil réparateur.

Le lendemain, après une collation de pain chaud, de lait au miel et de suppléments à base d’œufs à la coque et de crème aux amandes, les hommes de Jehan se déployèrent en colonnes, Albin de Watreloo brandissant l’oriflamme de Fol Espoir où l’on avait brodé une pervenche festonnée d’or.

Jehan des Roselières, son écu à la main, progressait méthodiquement en observant prudemment les alentours.

Un château qui semblait sculpté dans les nuages apparut au détour d’un chemin.

Des hérons, des aigrettes et des flamants roses apparurent sur les créneaux des tourelles, soulignant l’aspect mystérieux du château.

Le pont levis s’abattit, invitant les guerriers à pénétrer dans le fort légendaire de l’île.

Une jolie fée les accueillit et les invita à entrer dans le salon d’apparat.

Une fois installés par la maîtresse de maison, ils savourèrent une noria de pains aux noix, fourrés d’une farce de champignons poêlés et de fromage frais.

C’est la surprise de Merlin dit une voix forte.

Un chevalier de haute taille, aux longs cheveux argentés cascadant sur ses épaules, était apparu dans la pièce, ce qui arracha un cri aux hôtes : Arthur !

Arthur, car c’était bien lui, décidément immortel et peu enclin à se séparer d’Excalibur, son épée magique, prit place aux côtés de Jehan des Roselières et les deux chefs se parlèrent longtemps, savourant au passage les délices que l’on servait à la Table Ronde de Kaamelot.

Alors que l’on servait une couronne briochée décorée de fruits confits, un personnage légendaire fit une entrée spectaculaire, arborant fièrement une épée qui ressemblait étrangement à Excalibur.

C’était Merlin, bien entendu, et il offrit l’épée magique à Jehan des Roselières en lui disant que puisqu’il avait un frère jumeau, Fleur des Genêts, il pouvait également avoir une épée jumelle d’Excalibur.

Arthur lui enjoignit de garder le secret.

Personne ne doit savoir qu’il existe deux épées similaires.

Tâche, Jehan, de conduire des expéditions victorieuses, ton épée Excalibur à la main !

Tu entreras ainsi dans la légende, réussissant là où j’ai échoué !

Un banquet exceptionnel, à la mode d’antan, fut offert à tous et après une nuit paisible, Jehan des Roselières prit congé de ses hôtes avec ses compagnons.

Korrigans et autres personnes féeriques avaient mis des barques à leur disposition et des bateliers les emmenèrent de l’autre côté de la mer.

Albin de Watreloo fit sonner de la trompe et les deux corps d’armée se ressoudèrent, heureux de revenir à Fol Espoir avec l’épée prodigieuse du Roi Arthur.

C’est dans ce climat de bonheur et de confiance que chevaliers et guerriers prirent la route du retour, l’oriflamme Pervenche flottant fièrement au vent !