vendredi 30 octobre 2020

Fol Espoir

 



Des guetteurs étaient postés dans toutes les zones stratégiques menant à Fol Espoir, le château de Jehan des Roselières et de sa dame, Pervenche au grand cœur.

Prévenues, les dames ordonnèrent le branle-bas des casseroles et des chaudrons de cuivre, des tournebroches et firent garnir les fours de fagots de bois sec qui faciliteraient la cuisson des fameux tourments d’amour et des tourtes garnies de volaille en dés et de poêlées forestières.

Dame Pervenche et Doria décorèrent la table seigneuriale d’argenterie et de fleurs, demandèrent aux dames d’honneur d’utiliser des tréteaux pouvant supporter soupières, plats de viande et de poisson, couronnes briochées pour satisfaire l’appétit des guerriers dans la salle d’armes.

Plusieurs guetteurs ayant aperçu la célèbre Excalibur, la fête fut complète.

Chacun se félicita de l’issue heureuse de l’expédition au royaume d’Avallon.

Agapes princières, retrouvailles émues du suzerain et de sa dame se succédèrent allègrement.

Jehan des Roselières avait hâte de serrer dans ses bras son épouse et de retrouver dans le secret de son corps le frisson du désir sans cesse renouvelé mais il fit preuve de patience, répondant aux questions qui lui étaient posées, sans hâte et avec la précision nécessaire.

Concernant Excalibur, il dut avouer  qu’un mystère entourait sa prise de possession et qu’il avait dû faire le serment de protéger son secret.

Chacun convint qu’il avait raison de ne pas transgresser les interdits et prit congé à une heure raisonnable.

« Enfin seuls, mon amour ! dit Jehan à sa compagne et il accepta qu’elle lui donne un bain, ses douces mains caressantes offrant déjà les prémices de l’amour sensuel dont il ne pouvait plus se passer désormais.

La fusion de leurs corps fut totale dans l’alcôve dont les rideaux étaient soigneusement  tirés pour préserver leur intimité.

Jehan ne se lassait pas d’explorer l’intimité de sa dame, ce que Pervenche semblait apprécier puisqu’elle s’offrait comme une fleur épanouie et tentait de renouveler le désir ardent de son époux par des caresses subtiles et parfois osées.

En poursuivant ses étreintes passionnées, Jehan fit une découverte insolite : une rose de chair cerclait la source  de vie de sa dame.

Il en caressa les contours et se promit d’en faire une reproduction sur un parchemin qui serait leur secret.

Le lendemain même, il s’enferma dans une pièce qui contenait ses documents les plus précieux et dessina, de mémoire, les contours de la rose d’amour.

Lorsque la fleur apparut, des frissons de désir s’emparèrent de lui et sous le prétexte fallacieux de maux de tête inopinés, il demanda à sa dame de le rejoindre dans  leur chambre.

Il la dénuda avec délicatesse et la caressa voluptueusement, désireux de s’abreuver à la source mystérieuse protégée par une rose royale.

Et c’est en effeuillant cette fleur secrète qu’il eut la révélation du mystère qui entourait sa dame de cœur : Pervenche était de lignée royale et féerique.

L’empreinte d’un roi dont on avait perdu la trace dans la genèse arthurienne avait formé la fleur des origines au plus profond de son être.

Jehan repartit dans son cabinet secret après avoir donné des baisers doux et ardents à sa reine et il établit, grâce aux documents de la Table Ronde, l’arbre généalogique de son épouse.

Fol Espoir méritait son nom à plus d’un titre car s’il avait cru épouser une simple paysanne par amour, il s’était uni en réalité à une personne dont la noblesse était similaire à celle de Guenièvre, sa mère, d’essence royale et quasi divine, venue des hautes terres du Nord pour se joindre à un peuple celtique désireux de conquérir le monde grâce au Saint Graal.

Jehan fit venir son joailler, Célestin Rubis et lui commanda une rose en métal précieux similaire à celle qu’il lui présenta, sous forme d’esquisse.

Ce dessin et sa reproduction devaient être inédits et ne jamais être dupliqués sous peine de félonie lui dit-il gravement.

Lorsque le bijou fut prêt et présenté dans un écrin précieux, Jehan ordonna des préparatifs pour sa remise solennelle à sa dame qu’il décida de rebaptiser Rose du Buisson Ardent.

Il demanda ainsi qu’un menu festif soit concocté et servi dans le boudoir attenant à leur chambre nuptiale. En voici le détail :

Vin de Champagne servi en coupe de Baccarat

Blinis au foie gras d’oie ou à la gelée de roses

Cotriade du Pêcheur à la mode de Douarnenez

Salmis de palombes

Brie ou chèvre frais à la compotée de rhubarbe ou de groseilles

Tourments d’amour

Palets de dames

Couronne Paris-Brest

Vin de Jurançon ou de Romane Conti

 

Des roses de Damas parsemèrent la table du repas et le lit qui deviendrait ainsi un sanctuaire d’amour.

Ce repas pris en tête à tête fut un moment grandiose.

Avant de sacraliser leur rituel passionné, il y eut un moment solennel au cours duquel Dame Pervenche apprit l’extraordinaire histoire de sa lignée.

S’apparenter à la reine Guenièvre, de manière lointaine et royale, relevait du prodige.

Jehan lui offrit le bijou merveilleux, expression précieuse de la rose d’amour qui reposait à la source vive de son corps ardent, s’ouvrant sous les baisers passionnés de son époux.

Il lui fit également cadeau du parchemin qui contenait l’esquisse de la rose incroyable que l’on effeuillait sans jamais l’endommager et que l’on souhaitait la défolier encore et toujours pour la voir renaître, plus belle que jamais.

« Rose du Buisson Ardent, ma mie, ainsi vous nommera-t-on désormais, je vous invite à prendre place dans notre lit afin que je vous fasse défaillir et renaitre sous l’ardeur de mes baisers et de mes étreintes profondes, exquises et royales, sans cesse retrouvant l’aurore des premiers instants, avec les frissons renouvelés du désir ».

Après cette nuit qui marqua leur vie d’une rose immatérielle et immortelle, Jehan des Roselières demanda aux cuisinières de préparer un menu festif à l’identique de celui qu’ils avaient pris en tête à tête et d’y convier les chevaliers de la Table Ronde.

Il avait, annonça-t-il, un grand événement à célébrer.

Le jour de la célébration, il apprit à tous que Dame Pervenche se nommerait dorénavant Rose du Buisson Ardent et sans révéler les détails intimes de sa beauté profonde et royale, il offrit à chacun, sur parchemin, l’arbre généalogique de son aimée, ce qui arracha un cri d’admiration dans l’assistance, puis il couronna sa reine d’un diadème qui portait en son cœur la rose ardente de son nom.

« Pervenche est morte, vive Rose du Buisson Ardent » dit-il en élevant son hanap d’hydromel vers le ciel. Je porterai les couleurs de ma reine jusqu’au firmament assura-t-il et grâce à sa lignée royale, nous trouverons le Graal, foi de Jehan des Roselières et offrirons le bonheur à tous les habitants de notre royaume » !

La fête fut somptueuse mais Jehan, une fois de plus, trouva le plus grand des bonheurs en cueillant à sa source la rose d’amour de sa reine, immortelle et captive sous l’ardeur de ses étreintes et de ses baisers.

 

 

 

 

 

 

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