vendredi 23 octobre 2020

Le chevalier noir



Tandis que Fleur des Genêts vivait un rêve éveillé en songeant à la magnifique Aude de Barenton, le meurtrier de l’époux de sa dame de cœur, René le Mauvais, retranché dans sa tour hérissée de piques, donnait des fêtes sataniques, se repaissant de turpitudes et de violentes étreintes.

La haine était ancrée en lui, suintant par tous ses pores.

Sa réputation était telle que les jeunes filles tremblaient au simple appel de son nom.

Crimes, viols et actes de barbarie étaient son quotidien, créant un climat de psychose dans les landes sombres qui entouraient sa tour maléfique.

Sœur Marie- des-Anges, chargée de recruter des novices, était débordée tant les vocations se multipliaient.

Effrayées par l’appétit sexuel et féroce du seigneur, les jeunes filles préféraient s’en remettre à Dieu, espérant par ailleurs que les murs épais  du couvent faciliteraient la quiétude de toutes les âmes en proie à la frayeur, empêchant une entrée par effraction de René le Mauvais.

Mère Félicité voulut rassurer  toutes ces âmes innocentes et elle fit appel à un seigneur voisin, Philibert le Sage pour qu’il lui prête main-forte si besoin était.

Philibert ordonna des rondes et choisit pour cette tâche délicate et périlleuse les plus courageux de ses combattants car la renommée pernicieuse de René le Mauvais faisait flotter le drapeau pourpre de sa légendaire cruauté.

Entouré par sa garde personnelle, Philibert le Sage participa également à l’une de ces rondes.

Bien lui en prit car René le Mauvais, dépité de voir  tant de jeunes vierges lui échapper, avait décidé de conduire une attaque au bélier afin de détruire un pan du mur d’enceinte du couvent et y pénétrer en force.

Ses sbires étaient déjà à l’œuvre, propulsant un tronc d’arbre enchâssé dans un coffrage en acier contre une partie du mur qui avait été mis à mal par un orage récent.

Philibert le Sage se trouva brusquement face à face avec René le Mauvais et ce dernier esquiva le combat car Philibert était réputé pour être un fier combattant, capable de conduire un corps à corps avec courage et ténacité.

La fourberie et la ruse étant les armes favorites de René le Mauvais, cet homme, dénué de sens moral et dépourvu des notions chevaleresques inscrites dans le code d’honneur du noble authentique, rampa dans les buissons pour repartir vers sa tour maléfique en prenant des enfants comme boucliers.

En voyant que leur chef les avait abandonnés, ses hommes d’armes laissèrent sur place le bélier et s’évanouirent dans la nature, non sans avoir livré des combats inévitables contre les hommes de Philibert.

Des morts furent à déplorer du côté des assaillants tandis que l’entourage de Philibert ne comptait que quelques blessés.

Conscient de la gravité de la situation et redoutant que René le Mauvais ne revienne à la charge, Philibert ordonna que l’on ramène le bélier en son château.

Par ailleurs, il prit des dispositions pour que le mur du couvent soit fortifié et il fit construire une enceinte supplémentaire à la base de son château.

Philibert le Sage, seigneur des Tournelles, envoya un message à Jehan des Roselières dont la réputation arthurienne lui était parvenue.

Il le priait ainsi de lui apporter son aide en cette triste affaire.

René le Mauvais, son voisin, dont la renommée était détestable puisqu’on lui imputait le meurtre de d’un noble chevalier, Gilles le Téméraire, gardien de la fontaine de Barenton, légendaire et mythique, investi par Merlin pour sauvegarder le patrimoine millénaire de Brocéliande, devait être mis hors d’état de nuire.

Gilles le Téméraire, le bien nommé, n’avait jamais failli au combat et il avait nécessairement fallu qu’on utilise une ruse sournoise pour le défaire et l’occire.

Après avoir pris connaissance de l’appel à l’aide de Philibert le Sage, Jehan des Roselières réunit un conseil d’urgence à la Table Ronde, nommant dans la foulée  de nouveaux chevaliers qui étaient sur une liste d’attente, du fait du départ en mission de Perceval d’Audierne, Christian de Ploermel et Bertrand des Lices.

C’est ainsi que Clément de Trécesson, Arnaud du Miroir aux Fées, Clovis le Ténébreux et Bernard de Saint-Thual firent leur entrée à la Table Ronde avec l’émotion et la fierté que l’on imagine.

Un vote à main levée conclut la demande de Jehan d’une participation guerrière pour défaire René le Mauvais.

Les nouveaux venus se montrèrent enthousiastes, pressés de prouver que l’on n’avait pas fait appel à leur vaillance à la légère, Bernard de Saint-Thual se montrant le plus enflammé.

Tous votèrent la levée armée de combattants, espérant en faire partie, à l’exception de Fleur des Genêts qui adressa une supplique à son frère.

Lorsqu’ils furent seuls, Fleur des Genêts lui révéla son amour pour Aude de Barenton et son intention de la demander en mariage.

Il pensait qu’en ces circonstances, sa place était aux côtés de sa dame, si elle le souhaitait, bien entendu.

Il demanda donc à son frère et suzerain l’autorisation de partir pour l’épauler dans cette épreuve.

On pouvait s’attendre à toutes les turpitudes de la part de René le Mauvais, y compris le désir de mettre à mal l’honneur et l’intégrité physique d’une dame dont il avait tué le mari.

Jehan des Roselières donna son accord et sa bénédiction et après une accolade fraternelle, il assura son frère jumeau de son soutien en lui octroyant une escorte combattante afin de veiller à ce que le fief de sa dame de cœur et sa personne soient préservés.

Jehan embrassa son frère, lui enjoignit de ne pas tarder et lui renouvela son soutien clair et ferme.

N’attends pas le dernier moment pour sonner de l’olifant lui dit-il enfin, j’accourrai à ton secours avec ma garde personnelle car je tiens à ce que ta vie soit préservée ainsi que celle de ta dame de cœur.

Prêt, Fleur des Genêts, embrassa chaleureusement son frère à son tour et partit, le cœur léger, pour le castelet de sa dame, escorté par une troupe d’hommes aguerris au combat.

 

 

 

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