dimanche 29 juillet 2018

La reine inconnue


 La reine inconnue
Au temps où les loups vivaient d’eau fraîche et d’agneaux innocents, buvant dans le courant d’un ruisseau, on mit en doute la capacité d’un ermite à invoquer la paix pour la faire régner sur terre.
Et il se trouva une femme pour l’appuyer dans sa démarche.
Belle comme la reine de Saba, mystérieuse et envoûtante, nouvelle Esméralda, elle dansa, pieds nus, un cerceau à la taille et les étoiles se mirent à pleuvoir, chassant les loups qui crurent voir des cercles de feu envoyés pour leur nuire.
A dater de ce jour, la jeune fille régna sur les cœurs et les âmes de tous et c’est tout naturellement qu’elle accepta le pouvoir que le peuple voulut lui décerner.
La beauté régna à tous les niveaux, rendant le royaume désirable. On construisit de jolies villas pour tous, en suivant un schéma romain, on ouvrit des écoles où la poésie avait une place de choix et on cultiva plantes et fleurs oubliées qui offrirent un patchwork enchanteur et nourricier.
Dans les royaumes voisins, la jalousie naquit avec une rare violence et les loups revinrent avec la kyrielle de malheurs qui s’attachaient au clan.
Un monstre semblable à la bête du Gévaudan sema le trouble et la terreur et il fallut que la reine enchanteresse revête son armure de guerrière pour chasser les ennemis.
Avec une petite troupe, elle mit à mal les ennemis du royaume et c’est en duel qu’elle extermina le monstre après avoir servi d’appât, cheveux épars et tenue champêtre, à l’imitation des paysannes fraîches dont raffolait la bête.
Cette tâche accomplie, elle rejoignit les appartements lumineux de son palais et c’est dans une liesse générale qu’elle annonça une suite de fêtes et de bals destinés à lui donner une chance de rencontrer son prince charmant.
Que jaillisse la musique de Lulli pour que vienne l’amour digne d’une reine !

mercredi 25 juillet 2018

Le Faucon


Le Faucon
Alors que le pays était plongé dans une liesse totale, une victoire sportive s’étant imposée avec éclat, une affaire diligentée par les ennemis du président, fut proposée à tous les médias de France et de Navarre qui s’en saisirent avec jubilation et frénésie. On vit jaillir de partout des défenseurs des valeurs républicaines et d’aucuns qui se plaignaient de la longueur des débats à la Maison du Peuple, parlant même de burn out, retrouvèrent subitement un regain de vigueur et hantèrent les couloirs de la Maison, prenant part avec passion aux diverses commissions diligentées avec zèle pour approfondir le champ des responsabilités.
Or, de quoi s’agissait-il en fait ? De la volonté de mettre un terme aux agissements violents de personnes venues aux abords d’une manifestation pacifique pour semer le désordre, ce à quoi voulut mettre fin un homme chargé de la sécurité au plus haut niveau de l’état, que nous appellerons Le Faucon pour éviter un télescopage avec la déesse Athéna.
Les hommes du désert affectionnent la chasse au faucon et prennent un soin infini de ces rapaces qui s’emparent d’une proie avec une précision chirurgicale, digne de l’admiration la plus vive.
Une flopée d’images circula sur tous les circuits médiatiques, montrant le Faucon, aux aguets, dans bon nombre de déplacements du président, allant de la promenade à bicyclette aux allées et venues élyséennes pour diverses commémorations et bains de foule.
Il y avait un contraste saisissant entre l’attitude décontractée, souriante ou grave et réfléchie selon les cas du numéro un de l’état et l’extrême attention du Faucon, semblant avoir mille yeux pour mieux voir et appréhender le danger aux fins de le prévenir.
Qui jouera, à présent, le rôle du Faucon alors qu’on vient de l’écarter ? Voilà ce qui devrait nous préoccuper car nous vivons dans un monde dangereux où l’assassinat peut même être envisagé par des ennemis de la république.
Sous couvert de la vertu au sens romain du terme, ces ennemis semblent prêts à toute extrémité, au nom du Peuple qui, en l’occurrence, a bon dos car c’est en l’invoquant que des individus ont commis les pires horreurs.
Souhaitons que ne revienne jamais le temps de la Terreur avec toute sa kyrielle d’atroces assassinats !

mardi 24 juillet 2018

Page d'écriture


Page d’écriture
Des mots turquoise filés or se sont emparés de moi et ils chantent un hymne à la beauté de la nature et à tous les trésors qu’elle recèle, à commencer par les parures du jardin, de la pâquerette à la rose parfumée en passant par les buissons de menthe, de verveine et de laurier.
Un enfant court dans la prairie et se réjouit à la vue des poules qui paradent, picorent ou dorment dans des loges théâtrales qu’elles ont creusées pour échapper au soleil ardent ou aux assauts sauvages du coq, jamais rassasié par la beauté de ses conquêtes qu’il surveille jalousement du coin de l’œil.
Sur la terrasse, la reine des contes compose et écrit inlassablement, incluant souvent le doux nom d’ Eloan, son petit-fils bien aimé.
Eloan est son petit prince, son roi et elle goûte les instants qui ne dureront pas, elle ne le sait que trop bien !
Elle profite du moment, sans égal où reine d’un jour, elle assiste aux ébats du prince de demain, aux jolis yeux en amandes et à la peau lisse et veloutée comme celle d’une pêche aux reflets mordorés !
Les mots turquoise et or s’en sont allés, heureux d’avoir été couchés sur le papier pour une petite éternité !

lundi 23 juillet 2018

Sous les pavés, la mer de la discorde


Sous les pavés, la mer de la discorde
Des insurgés en tout genre mirent à profit l’anniversaire de Mai 68 pour livrer une bataille contre le président et son gouvernement.
Une pléiade de mouvements séditieux où se mêlaient des manifestants classiques à d’autres qui, sous couvert de manifestation festive, menaient des luttes subversives, incluant parfois des simulacres de pendaison. Des effigies à l’apparence présidentielle fleurissaient comme les boutons d’or printanier, portant parfois un impact de balles de façon sinistre et inquiétante.
Des jusqu’auboutistes  en arrivaient à vouloir prendre d’assaut la résidence présidentielle, détruisant, faute de mieux, les magasins qui évoquaient, à leurs yeux, le capitalisme dans toute son horreur. Certains enragés rêvaient même d’un événement subversif total, inscrivant la date 1871 sur les murs, ce que l’on peut traduire par le rêve de la Commune, ce mouvement de révolte qui mit Paris à feu et à sang et qui se traduisit ensuite, après l’échec de la révolte, à une traque des cerveaux instigateurs, si impitoyable que la politique des gouvernements s’en trouva profondément modifiée, instaurant une sorte de censure profonde et une mise en œuvre de services secrets qui obligeaient les partisans de la colère à vivre à l’étranger, témoin le romancier Jules Vallès, réfugié à Londres pour échapper aux représailles.
Quant au petit peuple qui avait eu la naïveté de croire qu’un idéal pouvait battre une riche et puissante bourgeoisie, il souffrit plus qu’avant et des générations entières furent frappées par un ostracisme féroce.
Un bourgeois débonnaire se transforme souvent en loup féroce lorsque ses intérêts sont menacés.
Loin de toute cette agitation de rue, ne s’émouvant pas des buchers ou des pendaisons que l’on réservait à ses effigies, le président allait de l’avant, menant de front des combats pour la modernisation de l’état, la réduction d’une dette publique qui n’avait cessé de filer par le souci de clientélisme des précédents présidents et la reconquête d’une Europe qui ne cessait de se déliter.
Après le Royaume Uni, l’Italie, sans oublier la Grèce qui avait dû passer sous les fourches caudines d’un état dont la puissance reposait sur la richesse de sa monnaie, garant de toute chose.
Hildegarde de la Baltique était sortie affaiblie d’une élection difficile car on ne lui pardonnait pas d’avoir ouvert grandes les portes d’un pays qui éprouvait une méfiance viscérale pour les étrangers mais elle restait suffisamment puissante pour brandir l’excalibur de l’entreprise triomphante, régnant de par le monde, par l’entremise  d’entrepreneurs tout puissants.
Après avoir prononcé fièrement une formule choc : «  France is back » , le président se devait de faire rayonner le prestige du pays en reconstruction de par le monde pour imposer le rayonnement néo-libéral du pays et gagner des marchés.
Aux moments-clés de ces révoltes qui fleurissaient et éclataient comme des grenades, au propre et au figuré, laissant des blessures aux étourdis qui avaient oublié la dangerosité de ces armes défensives policières, le Connétable et Edouard aux mains d’airain montaient au créneau, faisant preuve d’efficacité et de discernement politique.
Rassurer les effarouchés et faire trembler autant que faire se pouvait les insurgés toujours à l’affût d’une meurtrière à prendre d’assaut, semblait être le leitmotiv de ces deux serviteurs de l’état, impliqués dans leur tâche civique avec une ardente obligation de réussite.
Pendant ce temps, les grands argentiers œuvraient en toute tranquillité, menant le redressement financier en toute quiétude.
On s’en prenait rarement à eux à la Maison du Peuple, ce qui n’avait pas été le cas du président lorsqu’on lui avait confié le portefeuille de Bercy lors du précédent quinquennat.
Homme fort du régime, il était aussi le plus exposé et le plus honni !
Désormais placé à la première place de la pyramide, il était enfin libre de ses mouvements et repoussait d’une chiquenaude, les destructeurs de pavés qui, à son sens, ne parviendraient jamais à libérer les forces océanes d’un peuple en totale rébellion.
Il en allait ainsi du peuple, souvent interpellé par une étrange formule : « les gens », ce qui semblait déconsidérer leur intelligence et leur force d’intervention, une réminiscence du mot « piétaille » en quelque sorte car ce peuple, changeant et difficile à cerner, aimait battre le pavé mais n’oubliait pas de mettre de l’argent sur un livret de caisse d’épargne, ce qui était tout de même paradoxal : la révolution ou l’épargne, il faut choisir !
Cette chronique est loin d’être achevée et l’on peut imaginer que l’avenir nous réservera peut-être des surprises auxquelles on ne pouvait s’attendre !
L’aventure n’est pas terminée mais, de grâce, laissons les pavés à leur place car les cantonniers seront une fois de plus mis à contribution pour redonner à la rue sa fonction piétonnière première.
Sous les pavés, le sable et qu’on n’y touche plus, pour le bonheur du pays !


dimanche 22 juillet 2018

Les Apaches


Les Apaches
N’en déplaise aux amoureux du film culte Casque d’or, les Apaches ont régné dans le Paris de la Belle Epoque, imposant une loi cruelle au monde du faubourg. Malheur à la jeune fille qui répondait aux œillades de jeunes gens délurés qui jouaient à merveille le rôle d’amoureux transi ! Après une romance vite écourtée et formatrice, elle se retrouvait sur le « ruban », terme pseudo poétique pour désigner le trottoir !
Des bagarres éclataient à tout propos et chacun de se montrer habile dans le maniement du « surin », couteau qui était l’apanage de ces « mirliflores du crime » comme les nommait déjà Victor Hugo dans les Misérables, grâce à l’incarnation de Montparnasse, héros pervers et impossible à convertir au bien dans cette somme où chacun trouve une voie vers la rédemption.
Habitué à se promener à pied dans les rues de Paris, le poète-romancier avait saisi l’inexorable appartenance au monde du mal par une pègre qui a toujours trouvé sa place dans notre société.
La jeune fille qui, la première, avait dit à Montparnasse : « tu es beau » avait scellé son destin, disait-il en substance.
Pourquoi se fatiguer à travailler lorsqu’on pouvait, en utilisant une naïve jeune fille devenue gagne-pain, recevoir plus d’argent que pour toute tâche honorable ?
Vouloir être le maître du pavé impliquait la dextérité dans l’art du maniement du casse-tête, l’ancêtre du coup de poing américain, dans celui de la canne et du chausson comme le rappelle la chanson «  un mauvais garçon » et naturellement, le must, l’art de se servir du fameux surin.
Casque d’Or a réellement existé, elle a déchaîné les passions dominatrices de deux chefs voulant être seul à régner mais dans l’histoire réelle de cette jeune femme, il n’y avait aucune place pour le romantisme et, du reste, aucun soupirant ne termina sa vie sur l’échafaud pour ses beaux yeux.
Chacun d’eux fut condamné plus prosaïquement à de la prison ou à des travaux forcés et tous deux en moururent tandis que Casque d’Or devenait momentanément une héroïne dans les médias de l’époque pour replonger ensuite dans la grisaille de l’anonymat, le soufflé étant retombé !
Les Apaches ont disparu mais ils ont laissé derrière eux les graines de la révolte et de la haine, haine du bourgeois, du représentant de l’ordre ou de l’administration, haine de celui qui a réussi, surtout s’il a vécu dans les Beaux Quartiers décrits, on pourrait dire dénoncés par Aragon.
Il s’en trouve parfois qui ont vécu dans du beau linge mais ils sont rares. Un bras droit de Jacques Mesrine fut de ceux-là. Son père lui dit un soir : « Je ne peux pas t’empêcher de venir embrasser ta mère mais désormais tu passeras par l’escalier de service » et il tourna les talons pour lui signifier son indignité.
Mesrine connut la gloire populaire et même s’il mourut d’une manière particulièrement atroce, il régna encore dans la mémoire de citoyens, partagés entre l’admiration vouée à un bandit au grand cœur et l’amour de l’ordre qui permet à chacun de vivre en toute tranquillité.
Un professeur de Lettres trouva dans une copie d’élève de troisième la phrase suivante : «  Jacques Mesrine, criblé de balles, gisait, tel un pantin disloqué ». C’était un exercice grammatical, banal, un entraînement au Brevet des Collèges où l’on demandait à l’élève de construire une phrase en introduisant le mot « pantin », un simple exercice de vocabulaire.
Cet élève ne vivait pas dans les tours du périphérique, sa mère était professeur de Lettres et son père conseiller d’éducation ! Il y avait pourtant dans cette phrase, écrite librement, le désir de faire passer un message de soutien au héros !
De héros à martyr, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas car dans cette représentation du pseudo-héros qui s’empare des réserves de la banque ou qui braque un convoi de lingots d’or, il existe un zeste de narcissisme et du désir d’être aimé.
Mesrine passait pour avoir une forme de générosité : après avoir dévalisé une banque, il laissait une liasse de billets pour le personnel ou il sablait le champagne avec le commissaire de police venu l’arrêter à l’aube !
Aujourd’hui, l’un de ces grands bandits, Redoine Faid est en cavale après une évasion audacieuse, magistralement menée par des comparses dont on peut se demander si leur concours n’est pas entièrement désintéressé. Ont-ils besoin du roi du braquage pour une opération délicate ? L’avenir nous  le dira.
Quoi qu’il en soit, une actrice renommée pour sa beauté farouche n’a pu s’empêcher d’envoyer un message admiratif au roi de la cavale. Le romantisme du voyou avait encore frappé !
Et pourtant, en revoyant les images de celui qui fut accueilli à bras ouverts par des journalistes naïfs, on ne peut s’empêcher de trouver dans l’extrême mobilité de son visage, quelque chose d’inquiétant et qui trahissait sa volonté dominatrice alors que, tel le loup de la fable, il jurait qu’on ne l’y prendait plus !
Il avait même convaincu un co-auteur de sa bonne foi pour écrire un livre se voulant le point final de son épopée criminelle.
Marié et père de famille à ce que l’on dit, il démontre que les Vautrin ne sont pas légion !
Cette plongée dans le monde interlope des voyous ne nous permet pas d’en tirer une loi du genre, d’autant plus que les voyous en col blanc, souvent protégés par une hiérarchie désireuse de ne pas faire de vagues selon l’expression consacrée, s’échappent plus facilement des filets vengeurs de la justice.
Dans un monde où la finance est reine, on peut se demander s’il n’existe pas un apache caché dans le fond de notre cœur et s’il attend le moment propice pour éclater au jour, un peu comme ces casseurs, vêtus de manière citadine qui brusquement, dans les cortèges, se muent en dangereux bandits qui s’en prennent aux policiers et détruisent les boutiques élégantes et le mobilier de rue pour se défaire de leur camouflage noir et s’en aller tranquillement dans les avenues et le métro, de manière civile.
Jadis, les choses étaient claires : voyou ou bourgeois, le choix était net ! Aujourd’hui tout est fluctuant et sous le masque du justicier se cache le visage poupin de l’l’homme et de la femme qui n’ont plus d’idéal et nourrissent la haine au fond de leur cœur !