lundi 31 mai 2021

La vallée des pas perdus

 


La vallée des pas perdus

Dans la vallée des pas perdus, j’ai suivi un écureuil.

D’églantier en noisetier, il m’a emmenée auprès d’un miroir d’eau aux mille reflets et en m’y regardant, j’ai retrouvé ma jeunesse perdue, oubliée sous les feuilles des nénuphars, cachée dans les roselières où couvent des sarcelles.

Les oiseaux du bord du lac ont composé un hymne pour ma venue et je me suis endormie sur une couche de feuillages préparée par les elfes du domaine des dieux.

Les amis de mon enfance m’ont rejointe et ils ont formé une ronde, couronnés de lauriers et de roses.

Nous avons joyeusement piqueniqué avec les bons produits de la campagne, à l’état brut ou cuisinés selon les traditions ancestrales, terrines, tartes, crudités ou préparations à l’ancienne des légumes du potager et des plantes de la prairie.

Pâtissons, potimarrons, beignets d’acacia, nems ou samossas, galettes de sarrasin fourrées de jambon, de fromage et d’œufs pochés se succèdent pour nous redonner vigueur et vigilance.

Fidèles au souvenir de Nausicaa jouant à la balle avec ses servantes en bord de mer, nous nous sommes rappelé l’apparition du divin Ulysse masquant sa nudité avec des feuillages pour ne pas effrayer la princesse et ses suivantes.

Le voyageur, on pourrait dire le bourlingueur  de la mer Méditerranée, éprouvé  par dix ans d’errance qui s’ajoutaient aux dix ans passés au siège de la ville de Troie, verse une larme au récit des exploits réalisés par les guerriers grecs sous les murailles de la ville assiégée.

M’éveillant d’un songe du printemps, je suis repartie sur le sentier de l’écureuil à la recherche du bonheur qui court à la vitesse d’une étoile filante, nous ramenant entre ciel et terre dans le quadrilatère de l’éternelle quête de l’harmonie !

dimanche 30 mai 2021

Les fleurs de l'immortalité

 


Les fleurs de l’immortalité

Héritières de l’aubépine et de l’asphodèle, les fleurs de l’immortalité ont formé une couronne impériale pour le tsar du rock, Johnny, le roi de la nuit qui frémit de tous ses voiles.

Gabrielle, Requiem pour un fou, Retiens la nuit s’étirent en vagues mélodieuses tandis que des anges, à la flûte de Pan, à l’harmonica et à l’orgue font retentir les notes d’un opéra où évoluent des danseurs en habits fluorescents pour que renaissent les ondes de l’amour.

Des étoiles filantes zèbrent le ciel et font jaillir, en bouquets, les rêves passionnés des orphelins qui psalmodient les chansons de leur mentor, au rythme d’un batteur domptant le tonnerre.

Rallié à son rival pour cet unique événement, le concert de feu, le diable a consenti à se séparer de sa tenue infernale. Il imprime le rythme au son d’instruments métalliques issus de ses forges au milieu d’éclairs foudroyants.

C’est sa réponse à Johnny qui, seul, eut le courage de vouloir l’affronter pour plaider la cause des révoltés et des laissés pour compte de la vie.

Les fleurs de l’immortalité, asphodèles, jasmins, résédas, aubépines tombent sur la terre et il nous appartient de les capter pour qu’elles s’incrustent dans notre cœur comme autant de reflets qui chantent pour Johnny.  

vendredi 28 mai 2021

La java des hérissons

 


La java des hérissons

Décidés à conquérir le jardin potager d’un domaine accueillant, des hérissons ont fait d’un tas de branches de chênes et de feuilles mortes, leur refuge.

Ils émettent des cris pour dialoguer, s’offrant réciproquement des pistes nourricières qui leur permettront de tenir le siège.

Craignant les prédateurs, ils se gardent bien de se présenter en un ensemble parfait, de danser sous la lune et ils s’efforcent de donner le change, chacun de son côté, observant un tour de rôle pour leur promenade quotidienne.

Veillant à ne pas piétiner la couche d’un hérisson, le prince du domaine qui est encore un enfant, se munit d’un miroir pour observer ses hôtes à la dérobée et il place çà et là des soucoupes garnies de friandises.

Certes, les limaces font leurs délices mais il faut se garder des chats qui rôdent la nuit et aiment planter leurs griffes dans la rondeur de leur chair avant qu’ils ne déploient l’éventail de leurs piquants, leur armure naturelle.

Joie du jardinier, les hérissons reçoivent l’aide du destin qui revêt la forme d’un prince arborant l’étendard de sa protection poétique et concrète.

jeudi 27 mai 2021

Les roses blanches de Johnny

 


Les roses blanches de Johnny

Les roses de la Madeleine se sont unies en une liane d’amour et ont entouré la statue de la Vierge Marie en une supplique pour l’entrée au Paradis du maître du rock, du blues et de l’éternelle chanson française qui court de Ménilmontant à Las Vegas et Los Angeles.

Dans la ville des anges, Johnny a passé des jours merveilleux, se promenant en toute liberté, seul ou en famille ou avec des amis.

Miracle de l’amour passionnel et recueilli le jour des obsèques du magicien chanteur, les roses sont devenues autant de parures endiamantées destinées à la reine des cieux qui mit au monde le divin sauveur.

Uni à la religion par une immense croix qu’il arborait fièrement sur sa poitrine, Johnny a toujours cru en son étoile, celle qui s’est échappée de son berceau renié et vendu par un père indigne.

Cette étoile s’est détachée pour devenir le guide d’une constellation qui n’a cessé de briller au firmament du rocker au cœur de feu.

Roses blanches de la Madeleine, nous ne vous oublierons pas et nous unissons nos pensées à l’évocation d’un moment que nous revivons par le souvenir afin que les feux incandescents de cette dernière commémoration  ne s’éteignent jamais !


mardi 25 mai 2021

T'as pensé à mon ptit cadeau ?

 


T’as pensé à mon ptit cadeau ?

D’une voix conciliante et autoritaire à la fois, Molly rappella à son visiteur que sa prestation était allée au-delà du tarif conclu.

Prestement rhabillée, redressant la couche des exploits, tapotant l’oreiller pour lui redonner son moelleux, elle observait ce partenaire d’une heure, s’assurant qu’il ne dissimulait pas une lame pour parachever sa parade sexuelle, lui donnant ainsi son point d’orgue dominateur.

Mais ce visiteur éphémère n’avait rien de commun avec un éventuel tortionnaire et il sortit de sa poche une liasse de billets qu’il déposa négligemment sur la courtepointe.

Il sortit rapidement, sans un mot, sans un regard, pensant certainement que tout était dit grâce à la monnaie sans laquelle rien n’aurait été possible.

Sa journée terminée, Molly se doucha avec vigueur, liquidant ainsi les humeurs infligées à son intimité comme autant de mousses écumeuses, au rythme des vagues du désir savamment orchestrées, entretenues par les soins incessants de la professionnelle qu’elle était.

Troquant sa robe léopard échancrée et fendue sur le côté ainsi que ses escarpins à talons aiguilles contre une tenue de comptable, lunettes cerclées or et chaussures de marque, Molly retrouva son prénom, celui qu’elle réserve exclusivement à sa famille, appelle son chauffeur, un étudiant en droit qui la conseille pour ses placements et autres démarches délicates, commande des plats préparés chez un grand chef et rentre enfin chez elle  pour passer une soirée calme et reposante.

Après le tumulte de cette journée de travail si singulier qu’il requiert, comme en tauromachie, un passage obligé par la prière et la supplique envers la Vierge Marie, elle ira dans son oratoire personnel, s’agenouillera sur son Prie-Dieu et demandera à la reine des cieux de lui pardonner ses péchés.

Nouvelle Marie-Madeleine, elle lui demandera comme une grâce suprême, de la protéger des assassins qui se dissimulent sous des visages angéliques et des gestes aimables.

Souhaitons à Molly de ne pas finir ses jours, défigurée, vitriolée ou poignardée sauvagement, sans aucune raison si ce n’est le besoin d’assouvir la haine tapie au fond de soi, prête à surgir sous un prétexte fallacieux.

Que la Sainte Mère la protège, elle et ses pareilles, et lui donne la force de vivre jusqu’à la pause imposée par l’âge, à la manière de la belle Ninon de Lenclos, septuagénaire à la fin de sa carrière, à l’époque du Roi Soleil !