dimanche 30 avril 2023

L'île des poètes


Dans un archipel habité par des créatures marines et légendaires, sirènes, dauphins, poulpes et anémones de mer, une île se distinguait des autres. On la nommait l’île des poètes.

Des bungalows accueillants étaient réservés aux créateurs qui viendraient dans le but d’écrire un roman, un recueil de poésies ou une pièce de théâtre voire un drame historique.

Honorine, créatrice aux mille talents, choisit une paillotte en bord de mer afin de bénéficier du rythme des vagues.

Le soir, elle admirait le coucher du soleil et laissait sa plume courir sur le parchemin.

« Poséidon, viens à mon aide et envoie-moi un noble naufragé aussi beau que le divin Ulysse ou le téméraire Agamemnon. Je supplie Circé de ne pas intervenir dans une romance qui me serait consacrée.

Que la déesse Séléné me protège et m’aide à écrire le roman lacustre que chacun attend » !

Tandis qu’Honorine écrivait en suivant le rythme des vagues, Alexis, venu de Leningrad pour rédiger une œuvre digne de Tolstoï ou de Dostoïevski s’ingéniait à créer une héroïne qui puisse envoûter des lecteurs : une reine, à tout le moins ou une brodeuse de talent capable de séduire tout prince venu du bout du monde pour échapper à l’ennui.

Au lendemain d’une nuit où les étoiles filantes avaient livré un véritable ballet, une jeune femme vêtue d’une longue robe de soie pourpre erra sur la plage, ses longs cheveux épars la couvrant d’un manteau soyeux.

Un diadème serti de diamants ornait son beau front et lui donnait une prestance royale.

Elle avait à la main une baguette dorée surmontée d’une étoile.

«  Malgré les apparences, je ne suis pas une fée dit-elle à Alexis venu l’accueillir, je suis une humble mortelle. Mon nom est Theresa et j’aime l’écriture. Je suis venue dans cette île car on la dit habitée par les poètes ».

Alexis s’inclina respectueusement devant elle et la conduisit dans une charmante maison qui semblait conçue pour activer les rêves poétiques.

La reine de l’île, Alexandra fit savoir aux habitants qu’elle leur offrirait un repas de fête et qu’un grand bal serait organisé pour faciliter les rencontres : des poètes venus des archipels voisins ne manqueraient pas de se faire connaître.

On attendit donc ce grand moment avec ferveur et chacun y alla de sa plume pour remercier la reine de l’île.

samedi 29 avril 2023

La pierre de lune


Dans une pierre de lune Colombe se mirait. Elle rêvait de celui qui viendrait l’arracher à sa vie terne et solitaire. Qui serait-il ? Berger, prince, artisan ? Elle appelait de ses vœux un artisan qui saurait tirer parti de ces merveilleuses pierres de lune qui abondaient dans son île et dont on pouvait sertir les plus beaux bijoux.

Mais ce fut un poète qui se présenta à elle. Il composa une strophe dédiée à sa beauté se mirant dans la pierre miraculeuse.

«  Vous êtes si belle, divine apparition, que vous surpassez l’éclat de cette pierre si chère aux anciens. On lui prêtait mille vertus, y compris celle qui consiste à guérir des maladies rares, inconnues des médecins. Pour ma part, je préfère, si vous m’y autorisez, baiser le bout de vos doigts. Il me semble que des mots bleus, des mots enchanteurs viendront sur ma plume et s’auréoleront d’or et de lumière ».

Colombe sourit à cette jolie déclaration et autorisa Edouard le poète à lui embrasser la main. Son acte d’allégeance achevé, Edouard s’éloigna, choisit un rocher face à la mer et écrivit une ode d’amour à sa bien-aimée.

Pendant ce temps, Colombe fixait la pierre de lune, attendant qu’un acte magique se produise.

Effectivement, au terme de quelques minutes, la pierre explosa.

Des bijoux jonchèrent le sable ce qui eut pour effet d’attirer des pirates qui voguaient au large, à bord d’un voilier arborant le fameux drapeau noir à tête de mort.

Pour échapper au danger, Colombe courut vers le rocher dédié à la poésie et engagea Edouard à poser la plume pour la suivre afin de se mettre à l’abri.

Ils s’enfoncèrent dans une forêt dense peuplée d’oiseaux et de papillons.

Au cœur de la forêt, il y avait un ermitage abandonné depuis longtemps.

Ils s’y réfugièrent et attendirent que le danger soit écarté pour retrouver la lumière du soleil.

Des cliquetis d’armes, des bruits de mousquets et de gros rires avinés se firent entendre puis le calme revint.

Main dans la main, Colombe et Edouard progressèrent prudemment pour découvrir le départ du voilier maudit.

Les pirates avaient emporté les pierres de lune, fait un grand feu sur la plage pour y rôtir oiseaux et gibier.

Le rhum avait dû couler à flots car ils avaient également laissé quelques cadavres.

Edouard se chargea de leur donner une sépulture.

Tous deux nettoyèrent la plage, effaçant jusqu’au moindre témoignage du passage de ces pirates maudits.

La lune flamba de nouveau et envoya sur la grève de belles pierres de lune qu’ils admirèrent en échangeant des serments d’amour.

Le lendemain les trouva enlacés et unis, des reflets lunaires dans les cheveux.

«  Je construirai une digue pour protéger notre amour » promit Edouard à Colombe et ils préparèrent une cérémonie de mariage qu’ils voulurent grandiose, à l’image de leur île miraculeuse.

Noces de mes parents


Voici un aperçu des noces de mes parents : à noter que toutes les toilettes féminines et celles des enfants ont été réalisées par ma mère, y compris sa robe de mariée ! Seule l’épouse de Parrain Victor, à l’extrême droite de la photo en haut, située près de mon oncle Paul à l’autre extrémité, « parisienne » était venue avec une toilette venant de la capitale !

jeudi 27 avril 2023

Le prince de Marrakech


Près des jardins de la Ménara, à Marrakech, vivait un prince qui sortait peu de son palais. La rumeur voulait qu’il soit désespérément amoureux d’une femme qui se refusait à lui ; De ce fait, le prince Farid mangeait peu, attendait la tombée du soir pour se promener dans son pavillon d’amour construit à la mode persane afin d’y recevoir dignement l’élue de son cœur si elle daignait répondre à ses invitations.

De son côté, la princesse Roxane menait une vie paisible, lisant et écrivant la plupart du temps. Elle se livrait également de travaux de broderie qui lui permettaient de vivre avec une certaine aisance : sa famille était ruinée du fait que le jeu s’était emparé de nombreuses personnes. Cette addiction avait eu pour conséquence une perte d’argent si colossale qu’il avait fallu vendre de nombreux biens pour réduire les dettes de jeu qui s’étaient accumulées au fil du temps.

Roxane avait un sens aigu de l’honneur c’est pourquoi elle repoussait poliment mais fermement les avances du prince Farid qui se mourait d’amour pour elle.

Elle ne voulait pas lui apporter en dot le reliquat des dettes familiales qui s’avérait fort élevé. Ce ne sont pas mes travaux d’aiguille qui vont effacer cette ardoise honteuse pensait-elle. Du moins avait-elle trouvé le moyen de vivre confortablement dans le petit Riad hypothéqué que son père avait pu sauver du désastre.

Le soir, Roxane aimait respirer le parfum des citronniers et des orangers qui ornaient le patio où murmurait une fontaine.

Un soir, alors qu’elle fermait les yeux et composait une strophe dédiée à la nymphe des eaux, une petite voix se fit entendre.

«  Roxane, ma douce, je connais un moyen pour que la fortune te soit rendue. Demain, au coucher du soleil, rends-toi dans la palmeraie. En chemin, tu trouveras un plan et une pelle. Creuse à l’endroit indiqué et un coffre d’or et de pierreries s’offrira à toi. L’honneur de ta famille sera enfin lavé ».

La journée parut longue à la jeune fille qui se piqua plusieurs fois le doigt en brodant tant ses nerfs étaient à vif.

Elle revêtit un caftan de soie incrusté de perles, s’enveloppa dans une djellaba noire et se mit en chemin, babouches souples aux pieds, pour la palmeraie.

Elle trouva le plan au pied d’un arbre cerclé de pierres rondes, fit trente pas vers le nord et creusa à l’aide de la pelle posée sur un palmier dattier.

Comme prévu, un coffre apparut mais au moment où elle s’efforçait de l’ouvrir, un bruit de calèche se fit entendre.

Roxane se cacha derrière l’arbre et découvrit avec surprise que l’occupant de la calèche n’était autre que le prince Farid.

Le prince descendit  de calèche, contourna l’arbre et s’agenouilla respectueusement près de sa dame d’amour.

«  Roxane, ma bien aimée, ne tremblez pas car je ne vous veux aucun mal. Devenez ma femme et je vous chérirai toute ma vie. Un esprit s’est adressé à moi hier soir alors que je respirais le parfum d’une rose que mon jardinier a créée pour vous, Rose d’amour, la bien nommée. Cet être féerique m’a conseillé de venir dans la palmeraie ajoutant qu’il y allait de mon bonheur ».

Frappée par la concordance de ces messages surnaturels, Roxane abandonna toute résistance et conta à son tour la révélation de la soirée précédente.

D’un commun accord, ils ouvrirent le coffre et furent éblouis par son contenu : louis d’or, rubis, émeraudes, diamants et perles y figuraient en abondance.

Il y avait de quoi éponger la fameuse dette et acheter de belles propriétés.

«  Plus rien ne s’opposera à notre union dit le prince Farid avec infiniment de tendresse. Je vous aurais épousée démunie de toute fortune mais je sais qu’il vous en coûtait de venir à moi couverte de dettes. L’honneur perdu était pour vous une tache indélébile. Vous voici plus riche que moi à présent : me ferez-vous la grâce d’accepter ma demande en mariage, ma mie » ?

Pour toute réponse, Roxane ôta sa djellaba noire et apparut, sous la lune, resplendissante de beauté dans sa belle robe de soie brodée de perles, son caftan d’amour.

Elle s’abandonna dans les bras du prince Farid qu’elle chérissait depuis toujours en dépit de ses refus et tous deux prirent le chemin de la Ménara pour rêver à leur futur bonheur.

Le piano du rêve


Un violent orage a zébré le ciel, le coupant en deux et faisant apparaître le gigantesque clavier d’un piano d’où s’échappent des notes enchanteresses.

De chaque côté du clavier, Johnny dans tout l’éclat de sa jeunesse et Johnny le septuagénaire de notre deuxième versant de la vie se font face, nous rappelant les grands moments de nos amours.

De Retiens la nuit à Quelque chose de Tennessee, les chansons de Johnny nous ramènent sur les sentiers magiques des vallons oubliés par les fées.

Un double récital surgit du ciel apaisé et dans une atmosphère d’aurore boréale, nous endormons, l’image de Johnny flottant sur nos paupières dorées.