samedi 31 mars 2012

Dans le bleu de la Nuit



Dans le bleu de la Nuit, les lucioles éclairent la route du poète qui suit une étoile, la sienne, celle en laquelle il croit depuis toujours.
 Il est seul et il rêve. Fier de sa solitude, il ne voit pas ceux qui l’ont précédé et ceux qui le suivent.
Mais soudain un accord de harpe suspend sa pensée. Dans un buisson ardent où nichent des mésanges, il voit fleurir une rose qui se développe et devient une femme, sa Muse, son Elsa aux yeux bleus.
Il voudrait l’embrasser mais la belle ne se laisse pas séduire aussi facilement, elle court d’un pas aérien et l’entraîne sur des chemins fleuris.
Enfin le rythme ralentit et le poète peut se reposer, la tête pleine de mots qu’il lui faut enchâsser sous peine de les perdre. Son Elsa lui tend un parchemin où il note à la volée les pensées vagabondes auréolées de boutons d’or et de pâquerettes. Une marguerite des champs essaie de le distraire mais en vain ! Le poète écrit et se sent pousser des ailes.
À peine a-t-il terminé son Ode à l’Amour qu’il pense à sa Muse mais elle s’est enfuie, laissant des pierres de lune sur son passage.
Alors, seul, il repart chez lui, conscient d’appartenir à une grande famille, celle qui sème des mots aux quatre vents pour que vivent les hommes sous l’arc-en-ciel des royaumes bleus.

vendredi 30 mars 2012

Les Anges de la Nuit



Les Anges de la Nuit survolent les territoires oubliés à la recherche des enfants perdus. Il y en a tant qui errent dans les marigots et les cités délabrées où règnent la misère, la terreur et l’argent roi des trafics souterrains.
Les Anges sont heureux lorsqu’ils parviennent à sauver l’un de ces enfants.
Personne ne les aime, ils n’ont plus de parents, ils n’ont pas d’amis, la haine les aide à avancer sur les chemins pierreux. Ils se terrent dans les fondrières, heureux de sentir la pluie sur leurs corps amaigris, couverts de vilaines cicatrices. Le maniement des armes n’a pas de secrets pour eux. Ils sont les parias de la société, soit ! ils rendront au centuple les coups qu’ils ont reçus. Mais un ange passe, éblouissant, plein de lumière. Il sourit à l’enfant-loup et caresse ses cheveux. La créature étrange redevient un enfant et se laisse emmener dans un royaume sûr où vivent ceux qui ont grandi dans l’errance et la solitude.
Bien conduit, nourri, instruit, l’enfant devient un jeune homme accompli et trouve une place dans un milieu urbain qui l’avait jadis rejeté.
Les Anges de la Nuit reprennent leur ronde, prêts à sauver des âmes égarées.

jeudi 29 mars 2012

Le char du Dieu Amour


Les roues ensevelies sous un tapis de violettes, de roses et de tulipes, le char du Dieu Amour progresse sur la route de l’espérance sous la conduite d’un jeune homme vêtu d’une tunique blanche et chaussé de sandales turquoise.
Les six chevaux qui forment l’attelage avancent en cadence. Un joueur de flûte accompagne le Dieu et une danseuse fait onduler ses hanches sous un pagne marqué par le coton du Nil et les fleurs de lotus.
En longeant le fleuve sacré, le Dieu sourit aux hippopotames qui baillent dans leur bain. Les crocodiles sont à la recherche d’une proie et une barque de pêcheurs esquive les animaux pour lancer ensuite les filets qu’ils ramènent pleins de poissons.
En croisant des jeunes filles timides, légèrement voilées, le Dieu Amour leur offre des fleurs et des bijoux avec force sourires et laisse une empreinte indélébile sur le paysage sentimental de toutes ces beautés diverses qui n’oublieront jamais ce jour mémorable où elles ont été distinguées.
Le sourire du Dieu est irrésistible et incite à l’amour.
Une vieille femme qui passait par là tenta de mettre les jeunes filles en garde contre les ravages des passions.
Elle leur offre une carte étrange nommée « Carte du Tendre » où apparaissent lacs d’indifférence, mers des passions et autres pièges des amants qui ne respectent pas les codes d’un amour pensé et réfléchi.
Une étourdie jeta la carte et courut s’offrir à un bel homme confondant beauté et sincérité, une autre, craignant lacs profonds et mers dangereuses se retira dans un village perdu dans les collines, souhaitant ne plus faire de rencontre.
Une troisième étudia la carte de près et vit qu’il y avait une multitude de hameaux dont il fallait tenir compte pour éviter les récifs du cœur. Il y avait là billets doux, billets galants, rencontres en société, petites attentions, manifestations amicales puis affectueuses. Elle décida de s’inspirer du précieux parchemin, analysa le comportement des jeunes gens de son entourage et en choisit un qui se conformait aux pratiques de l’amant idéal. Elle l’épousa et offrit au Dieu Amour un énorme bouquet de lilas, pensant que la vieille dame porteuse de la carte était l’émanation féminine de cette formidable puissance de l’Amour.
Et pendant ce temps, le Dieu continuait sa progression sur le monde, précipitant finalement le char solaire dans le lac de la Tendresse.

mercredi 28 mars 2012

La princesse endormie



Il était une fois une princesse endormie dans un livre de contes. Une pluie d’étoiles la réveilla et la belle Marie-Aurore quitta son état d’encre turquoise et de parchemin en feuilles de riz pour s’élancer à la recherche du bonheur.
Elle était vêtue d’un ensemble ancien, chanvre et lin brodé de roses et de pivoines et cette composition, riz, chanvre et lin surbrodé de fleurs qui rappelaient son teint, l’encre turquoise s’étant fixée dans ses beaux yeux, faisait de la princesse la plus belle femme du royaume.
Les hommes qui la croisaient en perdaient presque la raison. Heureux d’avoir pu contempler une telle splendeur, ils rentraient chez eux, trouvaient un prétexte pour s’isoler afin de revoir en pensée, encore et encore les détails de celle qu’ils n’oseraient aimer tant sa beauté la rendait inaccessible.
Tandis que le soir s’apprêtait à tomber, Marie-Aurore aperçut au loin une maison de paille ornée de bouquets de bleuets et de coquelicots.
Il flottait un parfum de blé et de crème légère. La princesse entra dans cette résidence peu commune mais y trouva un décor charmant et un confort inattendu.
Pour s’étendre, il y avait un hamac tissé de roseaux entrelacés. Elle s’y étendit et respira cette odeur qui lui était étrangère, celle d’une demeure qui fleurait bon les fruits de la terre.
Elle s’endormit d’un sommeil léger, ouvrant parfois les yeux à la manière d’un chat car elle craignait de revivre l’hypnose qui l’avait précipitée dans un livre contre son gré.
Bien lui en prit car un filet à papillon s’abattit sur sa frêle personne. D’un mouvement rapide, elle échappa au piège et s’enfuit en se fiant aux lueurs de la lune, des lucioles et aux étoiles qui s’accrochaient dans les feuillages donnant aux arbres l’apparence de flambées lumineuses.
Un carrosse d’or se porta à sa hauteur, la porte s’ouvrit et elle n’eut qu’à se hisser dans l’habitacle parfumé.
Un jeune homme aimable lui tendit une cape de satin rose assorti à son teint. Elle s’y blottit amoureusement et tous deux se laissèrent bercer par ce beau carrosse qui filait comme le vent avec l’aide de licornes dont la crinière tressée reflétait l’opale lunaire, la pierre des amants et ils allèrent au bord d’une mer turquoise où ils vécurent enfin un amour infini auréolé d’écume blonde et d’éclats de soleil.

mardi 27 mars 2012

Le retour des Amants


 
Gondoles et felouques ont effectué un périple aquatique pour nous rendre les amants célèbres, et ils sont pléthore ! Blondes chevelures ou casque d’or, boucles bleutées des reines de la nuit et casques rutilants de leurs chevaliers pour atténuer la douceur de leurs traits, poètes et philosophes, ils nous ont enchantés avec le drame sensationnel de leurs amours tourmentées, rendant nos soucis quotidiens bien légers !
Ces amants extraordinaires nous servent de modèles, de repoussoirs ou nous enchantent l’espace d’un livre, d’une nouvelle ou d’un conte.
Les beautés d’antan ne sont plus celles d’aujourd’hui et parfois en découvrant un visage ou une silhouette on peut se demander pourquoi cette fashion égérie a pu déchaîner tant de passions. Quant aux hommes, princes, serviteurs ou poètes, ils paraissent s’adapter à toutes les modes. Ils sont généralement indulgents envers celle qu’ils ont mise un jour sur un piédestal. Ils ont peut-être peur de reconnaître qu’ils se sont trompés c’est pourquoi ils sourient au lieu de tourner les talons.
J’ai rencontré bien des pseudos princes et des pseudos poètes et j’ai préféré, quant à moi, opter pour l’unique solution, l’esquive.
J’ai éprouvé de la compassion pour ces hommes qui voulaient jouer de leur physique ou de leur art d’agencer les mots pour les faire rimer.
Je ressemble à cette reine que j’ai créée, Diamant la bien nommée, préférant mourir abandonnée dans son palais désert plutôt que d’entrer dans la ronde des amants.
Évidemment ceux qui me connaissent savent que je pratique le « Mentir Vrai », formule aimée par le poète Louis Aragon qui lutta toute sa vie contre les amours mensongères. Sa bien aimée Elsa Triolet n’était qu’une amante de cristal et il multiplia les déclarations contradictoires, une fois il parlait d’amour éternel, une autre fois de l’aspect éphémère des sentiments et il était sincère dans chaque cas !
J’ai encore la Une d’un journal où il apparaissait terriblement âgé et séduisant. La patine de son visage était celle des tableaux hollandais.
Si je devais choisir l’amant parfait, ce serait donc le poète Louis Aragon puisqu’il a traversé les différentes étapes de sa vie en suivant une unique étoile, celle de la Poésie !

lundi 26 mars 2012

Sur un chemin de ronde



Sur le chemin de ronde d’un château médiéval, un guetteur veillait. Réduit à l’état de fantôme, il était cependant vigilant, espérant qu’une étoile lui rendrait son apparence humaine. Un nuage poudreux venu de la plaine lui apprit qu’un groupe de cavaliers s’approchait du château. Donner l’alarme, certes, mais à qui ? il était désespérément seul ! « Mais moi, je suis là ! » dit une petite voix. Il finit par trouver l’émetteur : il s’agissait d’une mésange bleue. « Embrasse-moi ! » lui dit l’oiseau. Alors le guetteur déposa l’ombre d’un baiser sur la jolie tête porte-bonheur.
L’oiseau s’étira et grandit, se métamorphosant en princesse de conte. Le doute n’était pas permis puisqu’elle portait une couronne d’or sur la tête. Elle embrassa le guetteur qui reprit figure humaine et entra dans les hautes sphères de la hiérarchie, grâce à une tenue d’apparat comprenant le fameux collier de la Toison d’Or. Le pourpoint de velours lui allait très bien. L’épée avait pris la  place de la hallebarde et son apparence s’était singulièrement anoblie.
Cependant les cavaliers s’approchaient du château. Ils étaient vêtus comme les Sarrasins mais brandissaient des oriflammes où le nom de Malforza était brodé en lettres d’or.
« Qui est ce Malforza ? demanda le prince.
-        C’est un tyran légendaire qui erre dans les livres de contes.
Il a sans doute profité d’une faille du temps pour opérer sa réapparition.
-        Que faire, ma mie ? Je suis seul !
Pardon, vous êtes à mes côtés mais je redoute d’exposer votre beauté à la cruauté de ces soudards.
-        Ne craignez rien, mon Aimé, nous avons une arme secrète ».
Et ce disant, la princesse, aidée par des servantes qui apportaient des roses par brassées, jeta les fleurs bien loin, en direction des cavaliers.
 Les roses se transformèrent en serpents qui désarçonnèrent les cavaliers puis les étouffèrent et en tuèrent une grande partie grâce à leur venin mortel. Ce fut un jeu d’enfant pour le prince d’affronter les survivants un à un, à la manière d’Horace. Il fit prisonnier le chef, se réservant le droit de l’interroger sur les intentions belliqueuses du groupe. D’autres ennemis viendraient peut-être venger les assaillants et reprendre le combat interrompu.
Le prince rejoignit la belle du château dans la salle d’apparat et ils firent honneur à un repas qui leur fut servi par de nombreux serviteurs.
Des gâteaux moka et des cygnes en pâte à choux fourrés de crème pralinée clôturèrent le festin constitué essentiellement de volailles diverses et de légumes oubliés.
Heureux de ce dénouement si bien fêté, le couple se retira dans ses appartements mais en cette première nuit étoilée d’amour et prometteuse d’avenir, le prince préféra reprendre le poste de guetteur sur le chemin de ronde par reconnaissance et fidélité au château millénaire.  

dimanche 25 mars 2012

Les Fées de la fontaine



Elles sont venues se baigner ce matin, les fées de la fontaine pour la grande joie des oiseaux. Il y avait là la fée d’Orient, celle du pays des brumes et vêtue de voiles bleus, la fée préférée des enfants, celle qui sauve les âmes perdues.
L’eau de la fontaine provient de sources lointaines cascadant sur les galets ronds en ramenant de rares pépites et des iris d’Alger, les plus beaux, les plus bleus.
Moi qui passais par-là, je ramassai une ou deux pépites et les fichai au cœur d’un bouquet d’iris que je portai à ma belle pour gage de mon amour.
Les fées de la fontaine, certes, avaient tenté de m’entraîner dans leurs ébats joyeux mais je me détournai de leur beauté en gardant le souvenir de nos dernières rencontres.
J’avais hâte de retrouver notre banc, presque aussi mythique que celui où le prince Mychkine et la belle Aglaé échangèrent des paroles immortelles. Plein d’espoir et irradié d’amour, je m’approchai de mon aimée alors qu’elle me tournait le dos et l’enlaçai doucement en lui offrant le bouquet bleu. Elle se retourna et je vis alors que je m’étais trompé ! Funeste erreur ! La belle avait la même sveltesse que ma déesse, la même douceur dans le regard, la même façon de s’habiller en Liberty !
Que faire ? Elle s’approchait de moi, souhaitant que je l’embrasse. Alors que j’étais prêt à m’exécuter, j’entendis un grand éclat de rire et l’une des trois fées, celle qui était vêtue de voiles bleus m’apparut dans un halo lumineux.
« Crois-tu vraiment que l’on puisse refuser les avances des fées de la fontaine ? » dit-elle avec sévérité puis elle me laissa, penaud et pensif et je me jurai alors de me retirer dans un monastère pour me retrouver, loin de toutes ces tentations absurdes. Un grand vent chaud m’enveloppa comme la pelisse des princes nordiques et je partis sur les chemins en espérant ne plus jamais rencontrer les fées de la fontaine !