mercredi 31 juillet 2019

La bataille du Fao


La bataille du Fao
Ce fut Harold le sanguinaire qui déclencha les hostilités en décochant des flèches enflammées sur les tentes des chevaliers de Brocéliande.
Wilfried, Mark, Quentin et William, ses âmes damnées, firent de même et le camp entier flamba, risquant de mettre le feu à la forêt voisine.
Le souci premier des chevaliers consista à vouloir épargner la forêt, ce qui les rendit vulnérables.
Tandis qu’ils se précipitaient pour éteindre le feu, les assaillants s’en donnaient à cœur joie, les prenant pour cibles en lançant leurs haches de guerre et leurs javelots, faisant souvent mouche.
Quelques corps gisaient à terre et l’on eut du mal à évacuer les blessés.
De nombreux valets d’épée rendirent l’âme car ils protégeaient leurs seigneurs, faisant un rempart de leurs corps.
La rivière Fao, nommée rivière d’argent devint pourpre, reléguant sa légendaire beauté dans les livres d’histoires.
Le corps à corps finit par s’engager sur ses rives et l’on put admirer les exploits du chevalier de Ponthus, aguerri par sa coutumière défense farouche de la fontaine de Barenton.
Jehan de La Bruyère montra également qu’il méritait son récent adoubement et il en fut quitte pour un coup d’épée qui lui zébra la joue.
Louis de Barenton fit preuve d’ingéniosité. Dissimulé dans des bosquets de roses trémières, il usait d’une sarbacane sur l’ennemi, usant ses forces déployées avec brutalité.
Le comte de Prunelé ne fut pas en reste, haranguant et regroupant les chevaliers éparpillés.
Des cris de guerre fusaient de partout et bientôt ils furent relayés par des hurrahs victorieux car les chevaliers de l’île de Malte lâchèrent prise.
Harold comptait de nombreuses blessures car on l’avait privilégié comme cible, étant donné qu’il était, de loin, le plus belliqueux du groupe.
Sans demander leur reste, ils repartirent vers la côte, déterminés à rejoindre leur île natale avec les richesses qu’ils avaient collectées dans les églises.
Personne ne les regretta et l’on brûla des cierges pour que semblable bataille ne se reproduise de sitôt.
On enterra les défunts avec dévotion et un prêtre promit de veiller à ce que leur sommeil ne soit jamais perturbé.
Le comte de Prunelé ne ménagea pas sa bourse et il promit de faire édifier un monastère où chacun pourrait se recueillir ainsi qu’une école où l’on raconterait la bataille du Fao en magnifiant les exploits des chevaliers de Brocéliande.

mardi 30 juillet 2019

La nef des chevaliers


La nef des chevaliers
Partis de l’île de Man qu’ils jugeaient trop petite pour contenir leurs exploits, des chevaliers avides de gloire mirent le cap sur la Bretagne, terre de légendes.
A bord d’une nef arborant une voile pourpre où leur devise était brodée en lettres d’or «  Droit devant », ces chevaliers qui n’étaient pas toujours sans reproches, arrivèrent sans problème à Roscoff où ils se régalèrent de soupe à l’oignon et de matelote de poissons blancs.
Ils évitèrent Saint-Malo et ses remparts pour jeter l’ancre à Douarnenez.
Puis ils se procurèrent des chevaux pour envahir la belle Brocéliande, berceau des enchantements.
Inquiet de cette progression qui risquait de devenir menaçante, le comte de Prunelé, suzerain siégeant au château de Trecesson et responsable de tous les comtés avoisinants, convoqua son ban et son arrière-ban pour tenir un conseil de guerre.
A l’issue de ce conseil où figuraient le chevalier de Ponthus et le comte Louis de Barenton, il fut décidé que l’on irait à leur rencontre, toutes bannières déployées, pour connaître leurs intentions.
De retour dans leurs domaines respectifs, chacun s’ingénia à mettre en sûreté les biens et les personnes.
D’un commun accord, le chevalier de Ponthus et le comte Louis prirent la sage décision d’envoyer au château de Dame Enora, la Dame Blanche sauvée d’une mort cruelle par l’enchanteur Merlin, ce qu’ils avaient de plus cher, leurs épouses, Blanchefleur et Gwendoline avec leurs enfants, Amour, Aurore et Dorian.
Gwendoline était sur le point de mettre au monde un second enfant et cette retraite en un lieu paisible était tout à fait indiquée pour que cet heureux événement se déroule sous de bons auspices.
Les deux anciens rivaux partirent côte à côte en compagnie de leurs écuyers.
Nouvellement adoubé, Jehan, nommé lors du cérémonial Jehan de La Bruyère, chevauchait fièrement auprès de son parrain.
Tandis que Gwendoline mettait au monde deux beaux petits garçons vigoureux, Fleur et Lilian, leur père était en première ligne d’un groupe de chevaliers face à leurs adversaires supposés de l’île de Man.
L’un d’eux, nommé Harold le Sanguinaire, demanda à rencontrer un émissaire pour trouver un accord ou, à défaut, une déclaration de guerre.
Louis de Barenton fut choisi par ses pairs pour écouter le message adverse.
La rencontre eut lieu dans la vallée du Fao ou rivière d’argent en terre d’ Huelgoat, haut lieu celtique.
Aucune entente ne fut possible tant les exigences du clan de l’île de Man étaient excessives.
Ils voulaient qu’on leur offre un duché, une énorme somme en louis d’or, sans compter des pierreries et de jolies filles qui leur serviraient de compagnes voire de servantes.
Louis de Barenton tenta de raisonner Harold mais ce fut peine perdue.
Ils se quittèrent pour faire part de leur mésentente à leurs amis.
Les chevaliers de l’île de Man se demandèrent un instant s’ils ne feraient pas mieux de repartir dans leur île natale mais des irréductibles furent d’avis de livrer bataille jusqu’à ce qu’on leur donne un duché, des biens et des jolies filles.
Ce petit groupe l’emporta car il était déterminé à obtenir gain de cause et c’est ainsi qu’eut lieu une bataille qui changea le cours des événements.

lundi 29 juillet 2019

Sous le signe de l'amour


Sous le signe de l’amour
Le bonheur régnait enfin au Pas du Houx et le cœur du comte Louis débordait d’amour pour l’épouse parfaite qui était sienne.
Gwendoline cousait et brodait à la lumière du jour car des signes évidents d’enfantement s’étaient déclarés.
Elle suivait les recommandations de son mari en prenant des pauses dans le jardin d’amour où le comte avait fait installer une balancelle.
Lorsque le berceau garni de voilages brodés et la garde-robe du bébé furent achevés, l’enfant naquit.
Il était si beau, avec son teint clair et ses cheveux blonds qu’on le prénomma Dorian.
Nourrices et dames accoutumées aux soins de l’enfance se relayèrent à son chevet, sous la surveillance attentive de Gwendoline, toujours la première à accourir au moindre pleur.
Le petit Dorian grandit ainsi sous le signe de l’amour car son père n’était pas le dernier à participer à l’éducation de ce fils qui faisait sa joie.
Lorsqu’il fit ses premiers pas, le comte organisa une fête à laquelle participèrent les bambins du village, accompagnés par leurs mères.
La vie reprit son cours au Pas du Houx et le comte résolut de s’absenter pour régir ses domaines, quelque peu délaissés depuis un moment.
Du haut de ses deux ans, Dorian resplendissait, la mésange sur l’épaule.
Ce signe fut apprécié à sa juste valeur.
Blanchefleur n’était plus qu’un lointain souvenir et la féerie ne se manifestait plus par cet oiseau magique.
De son côté, la belle dame savourait le bonheur d’aimer, s’attendrissant à la vue des petits Amour et Aurore.
Le chevalier de Ponthus veillait à ce que la fontaine ne connaisse aucun dommage.
Il avait fait de Jehan son valet d’épée.
Des exercices répétés s’ajoutant aux qualités naturelles du jeune homme, il envisageait de procéder à son adoubement et d’en faire un chevalier.
Bref, de chaque côté de la fontaine, l’amour et le bonheur régnaient en maîtres mais pour combien de temps ?
Un nuage noir, porteur de mauvaises nouvelles, flotta au-dessus de Brocéliande, menaçant de délivrer mauvais génies et orages d’enfer.
Chacun voulut croire que ce nuage prendrait une autre direction pour laisser le bonheur perdurer dans les landes enchantées mais nous savons, au plus profond de notre cœur, que le bonheur est fragile et qu’il peut, sans cesse, être remis en question.

dimanche 28 juillet 2019

Le mariage du comte Louis


Le mariage du comte Louis
Résigné à ne plus revoir celle qu’il avait tant aimée, le comte Louis décida de tourner la page Blanchefleur et se laissa aller à une m mélancolie constructive, annonciatrice d’un bonheur nouveau.
Gwendoline avait imprimé sa marque au château par ses broderies subtiles et raffinées.
Roses, camélias, hortensias et pivoines naissaient sous ses doigts habiles, offrant ainsi à la demeure une nouvelle jeunesse.
Elle broda des chemises de lin pour l’usage du comte et orna son ciel de lit d’un voilage où les fleurs et les oiseaux reproduisaient les charmes d’un éternel été.
Un jour, elle entreprit une œuvre singulière : une féerique robe de mariée naquit de ses mains.
Le comte lui demanda à qui elle était destinée et elle répondit sans hésiter :
« à celle qui m’en fera la demande ! N’est-ce pas le rêve de toute jeune fille de porter la toilette de tous ses souhaits ? »
Cette réponse plongea le comte dans la réflexion et il se dit que Gwendoline rêvait de porter cette robe magique et que c’était un message qu’elle lui adressait.
Perplexe et indécis sur la marche à suivre, le comte fit atteler la calèche et partit dans le Val-Sans-Retour.
Il fit une halte dans l’église de Tréhorenteuc où il se recueillit à nouveau.
C’est alors que la révélation s’imposa à lui.
Lorsqu’il avait vu Gwendoline pour la première fois, il avait eu l’impression de la connaître, et pour cause : elle ressemblait, traits pour traits, à la figure centrale du vitrail qui l’avait tant impressionné, le précipitant dans une torpeur stendhalienne, marque de la beauté absolue.
Heureux de connaître la réponse à ses questions, le comte revint au château, commanda à son orfèvre une parure de mariée et attendit le moment propice pour présenter sa demande à Gwendoline.
Cette dernière avait achevé sa robe de mariée et entreprenait de broder de paons une superbe traîne et un voile.
Lorsque la toilette fut terminée, le comte commanda aux cuisines un repas de fête auquel participa Gwendoline revêtue d’une robe princière qu’elle avait conçue et cousue avec art et dextérité.
Au dessert, le comte fit sa demande officielle en mariage. Gwendoline était submergée par l’émotion.
Elle eut quelques mots sur ses origines roturières mais le comte lui baisa les lèvres pour toute réponse.
Il lui offrit un diadème de fiançailles et une parure digne d’une reine.
Les jours suivants furent consacrés aux préparatifs du mariage.
On envoya des invitations à la ronde et nombreux furent ceux qui répondirent présents.
Le chevalier de Ponthus déclina l’offre avec beaucoup de civilité et il accompagna ce refus courtois d’un coffret élégant contenant des objets précieux destinés à la mariée.
Heureux de ce dénouement, le comte Louis ne pensa plus qu’au jour de ses noces et lorsque la nuit vint, il fit preuve de délicatesse et d’amour empreint de tendresse envers celle qui lui donnerait bientôt, espérait-il, l’enfant qui porterait son nom pour le faire briller au firmament.

samedi 27 juillet 2019

Le gobelet d'or


Le gobelet d’or
L’enchanteur Merlin prévint le chevalier de Ponthus des velléités maléfiques de la fée Viviane à l’encontre de sa famille, l’enlèvement du prince Amour notamment, ce qui horrifia ce père attentionné.
Certes la fée avait été mise hors d’état de nuire mais il existait peut-être des personnes décidées à mettre à mal ce bel amour qu’il avait voulu porter à son zénith.
Il avait l’intention de raréfier ses états de présence à la fontaine de Barenton mais un événement rare et inattendu se produisit qui exigea la défense du lieu sacré.
Un audacieux s’était servi du gobelet d’or qui se trouvait sur le perron de la fontaine, renversant de l’eau, ce qui avait automatiquement provoqué des bouillonnements et un orage monstrueux.
Le chevalier revêtit son armure de combat et partit, lance en avant, vers la fontaine pour châtier l’impudent.
C’était un chevalier sans bannière. Son écu ne portait ni blason ni devise.
Néanmoins il combattit avec adresse et vigueur et ce fut un rude combat.
Le chevalier de Ponthus s’apprêtait à trancher la tête du vaincu quand le heaume se fendit en deux et qu’apparut le visage juvénile d’un adolescent blond, une sorte de Perceval sorti tout droit d’un livre d’images.
« Qui êtes-vous » ? demanda le chevalier en rangeant son épée dans son fourreau.
« Je suis le chevalier sans nom répondit le jeune homme, prêt à vous servir si vous le souhaitez.
Une druidesse a conté à ma mère qu’un grand avenir m’attendait à la fontaine de Barenton et elle a précisé que je devais m’y rendre puis de verser de l’eau sur le perron à l’aide d’un gobelet d’or, ce que je fis » .
Le chevalier préféra à cet instant, laisser le jeune homme à ses illusions et il se demanda si la druidesse perfide n’était pas un avatar de la fée Morgane, avide de destructions et d’incroyables tentations.
Il fit jurer au jeune homme prénommé Jehan de ne plus jamais se servir du gobelet d’or, lui révélant que ce simple geste constituait un acte de déclaration de guerre et il le mit en garde contre les druidesses ou autres personnes de ce genre qui pouvaient être animées par de mauvaises intentions.
Tous deux revinrent au château.
Le chevalier lui octroya une aile réservée aux amis, envoya un message à sa mère pour lui annoncer que son fils avait encouru un grand danger du fait des prédictions de la druidesse et lui recommander de s’en tenir éloignée dorénavant.
Un bon repas clôtura cette journée fertile en émotions puis Jehan rejoignit ses appartements, accompagné par un écuyer chargé de l’aider dans ses ablutions. Il devait le surveiller par la même occasion.
Cette nuit-là, des tourterelles firent leur nid dans le flamboyant du  jardin et Blanchefleur rêva de la fontaine où son destin s’était noué.