vendredi 23 mai 2014

La révolte des poupées





C’est Bella qui en eut l’idée ! Elle était la plus jolie avec ses anglaises et ses falbalas ! Sa robe d’un joli rose glacé jetait une note fleurie dans le magasin où les élégantes se pressaient pour acheter du tissu, des dentées rares et une belle poupée pour l’enfant chérie de la maison !
« Trouvez-vous normal dit Bella lorsque la porte du magasin fut close, que les petites filles pauvres n’aient jamais de jolie poupée ? Moi on m’a retenue et je crois savoir qu’il en est de même pour Linda et Flora ! Bientôt nous serons toutes vendues et nous irons agrandir la collection d’une petite fille riche dans une belle maison où les parfums vous feront frissonner de plaisir !
Mais les petites filles pauvres, elles,  ne pourront pas nous dorloter car leur maman n’aura pas suffisamment d’argent pour nous acheter !
Tu parles d’or dit la belle Sandra en agitant ses nattes brunes mais veux-tu vraiment que nous végétions dans une misérable maison où tout le monde meurt de faim ? Quelle aide apporterons-nous  à une enfant en haillons ?
Nous lui apporterons le rêve dit Oriane aux chaussures satinées et vois-tu, sans le rêve, ces petites filles ne pourront pas grandir et sentir en leur cœur poindre une étoile » !
Petit à petit, les poupées une à une se rallièrent à l’idée qu’il fallait que les petites filles pauvres aient leur part de rêve. C’est alors que la fée des désirs surgit dans la boutique avec une brigade d’elfes qui emballèrent chaque poupée dans un joli carton orné de roses. Un sac de denrées, riz parfumé, viande séchée, fruits secs accompagna chaque cadeau et le ballet féerique se mit à l’œuvre.
Chaque maison pauvre fut dotée d’une poupée, d’un ballon pour un garçon et du précieux sac de denrées.
Puis, pour que la propriétaire du magasin ne soit pas spoliée, la fée se servit de sa baguette magique pour garnir l’étagère des précieuses poupées, celles qui étaient déjà retenues, à l’identique et pour les autres, la fée voulut offrir une réflexion à la dame des lieux en créant de nombreux modèles, certains à son effigie.
Ainsi la commerçante aurait l’idée d’établir des prix compétitifs pour que les mamans pauvres puissent aussi parfois acheter une poupée pour leur petite fille ou une paire de patins pour un petit garçon.
Enfin la fée déposa quelques pièces d’or en compensation des denrées subtilisées et elle y joignit quelques pierres précieuses destinées à des travaux d’embellissement du magasin.
La rangée de poupées porta dorénavant le nom de Bella et une conteuse qui passait par là en fit un récit qu’elle intitula La révolte des poupées !  

lundi 19 mai 2014

Chanson de l'ombre





Mes princes à moi, ils surgissaient de la nuit dans les ruelles obscures et au lieu de m’offrir des fleurs ou de dire des poèmes, ils se contentaient de sourire comme si tout devait leur être accordé.
Bien souvent, ils marchaient à mes côtés, m’exposant leur pauvre vie en s’enorgueillissant de leurs méfaits et comme je n’applaudissais pas, je leur apparaissais alors comme faite d’une autre chair que la leur et ils finissaient par partir sur un dernier éclat, le miroitement de leur lame ou le procès-verbal de leur condamnation. Ignorant la peur, je restais de marbre et continuais mon discours tressé de roses et de lumineuses pensées et j’avais alors l’impression d’être la reine d’un royaume d’ombres.
Seule dans la nuit, j’attendais que revienne le temps de la chevalerie, des princes dotés d’un idéal et je marchais sur les pavés de la ville dans l’attente d’un galop et d’un cavalier solaire, en vain hélas ! Cependant je décidais que les rêves devaient primer sur la sombre réalité et j’habillais ces silhouettes de boulevard de lumière, leur offrant un œillet pour fleurir leur boutonnière, espérant que ce geste les déshabituerait peu à peu de ces déchirures qu’ils infligeaient à leurs ennemis.
Reine d’un royaume d’ombres, je jetais d’abord aux arbres puis aux feuilles velours la caresse des mots qui effacent la cruauté du jour.

vendredi 16 mai 2014

Une étrange rencontre





Un soir, entre chien et loup, je vis s’asseoir en face de moi, à ma table, un étrange personnage.
Comment était-il venu là ? Avait-il pris mon sourire à la ronde pour une invitation personnelle ? Toujours est-il qu’il me parla avec volubilité, me racontant quelques péripéties de sa vie qui étaient à l’opposé de mes conceptions idéales : emphase, étalage de rubriques diverses où alternaient larcins et même utilisation de la violence ! Il fit une pause en découvrant une facette enfantine de son être.
J’étais fascinée par cet étrange personnage. Je notais sans le vouloir son chapeau de type Borsalino, sa peau brune, son sourire mafieux. Il portait une magnifique chemise à jabot de dentelle et tandis qu’il me confessait ses crimes, je restais accrochée à ces dentelles qui étaient le seul point commun de nos deux êtres. Il accompagnait ses paroles de gestes qui mettaient en valeur sa chevalière ou sa chaîne de montre en or.
Je parlai à mon tour, lui exposant surtout mon amour de la poésie. Tandis que je me demandais quelle issue allait avoir cette rencontre, il se leva brusquement, me dit « je ne suis pas un homme pour vous » et disparut dans la nuit en me laissant interdite et rêveuse.

mercredi 7 mai 2014

Au son de la Lyre





Dans le kaléidoscope de mon âme, des images se croisent, complémentaires et contradictoires.
Tantôt princesse orientale, reine noire ou dame blanche errant dans les landes de Brocéliande, je surgis à mon insu, différente mais toujours un manuscrit ou un livre à la main comme le fil musical d’Orphée.
Au son de la lyre, je vais, je viens, je hante les rêves des chevaliers endormis et les oblige à chevaucher pour aller à la rencontre d’une princesse enfermée dans une haute tour sous la garde d’un dragon !
Je suis une et multiple à la fois ! Turquoises et rubis roulent sous le pas de mon palefroi car j’ai cette particularité de ne jamais participer à la guerre, haïssable quel qu’en soit le motif !
Enfin délivrée de tous ces doubles, je me promène dans mon jardin pour y respirer les doux parfums des roses !

dimanche 4 mai 2014

Le miroir de l'Amour





Dans un miroir oublié par le dieu Apollon, un jeune homme admirait le reflet de sa jeunesse.
Ce bel homme en costume trois pièces, le visage ombré d’une barbe naissante, c’était donc lui !
Mais tandis qu’il observait la mouvance de ses traits et de ses yeux couleur de mer, il se produisit une métamorphose graduellement pour qu’un prince vêtu richement, les cheveux ceints d’une couronne se substitue au jeune homme à l’élégance européenne du départ.
Un cheval blanc l’attendait qu’il enfourcha derechef. Il flatta l’encolure de son destrier et lui murmura à l’oreille la formule des contes : « Va où tu dois m’emmener, va, va, va ! »
Le cheval partit au trot puis il prit le galop dans la vallée des souvenirs oubliés de la chevalerie rayonnante.
Ses cheveux ondulaient sous le vent et il guettait la princesse qui ne manquerait pas d’apparaître, aux prises avec un dragon ou un chevalier félon mais il ne vit que la lande où fleurissaient la bruyère et les genêts.
Il sut alors qu’il était parvenu en terre celtique et que tous les sortilèges risquaient de se déployer.
Son cheval souhaita faire une pause et le prince y consentit volontiers. Des roches granitiques s’élevaient dans la lande. Le prince en choisit une pour s’y reposer. La vue était sauvage et splendide.
Il s’endormit et à son réveil une aubade de cornemuses fit retentir une musique venue du fond des âges.
Une jeune fille en costume et coiffe de Fouesnant lui présenta avec un petit déjeuner savoureux de crêpes et de bolées de lait baraté, un beau miroir d’argent.
Le prince s’y mira et ce qu’il vit dans le reflet d’onde pure était une ravissante personne qu’il découvrit au milieu de la ronde. Il lui déclina sa promesse d’amour et tous deux s’éclipsèrent, abandonnant les danses et la musique pour  se diriger vers une chapelle où ils échangèrent des serments !