lundi 19 mai 2014

Chanson de l'ombre





Mes princes à moi, ils surgissaient de la nuit dans les ruelles obscures et au lieu de m’offrir des fleurs ou de dire des poèmes, ils se contentaient de sourire comme si tout devait leur être accordé.
Bien souvent, ils marchaient à mes côtés, m’exposant leur pauvre vie en s’enorgueillissant de leurs méfaits et comme je n’applaudissais pas, je leur apparaissais alors comme faite d’une autre chair que la leur et ils finissaient par partir sur un dernier éclat, le miroitement de leur lame ou le procès-verbal de leur condamnation. Ignorant la peur, je restais de marbre et continuais mon discours tressé de roses et de lumineuses pensées et j’avais alors l’impression d’être la reine d’un royaume d’ombres.
Seule dans la nuit, j’attendais que revienne le temps de la chevalerie, des princes dotés d’un idéal et je marchais sur les pavés de la ville dans l’attente d’un galop et d’un cavalier solaire, en vain hélas ! Cependant je décidais que les rêves devaient primer sur la sombre réalité et j’habillais ces silhouettes de boulevard de lumière, leur offrant un œillet pour fleurir leur boutonnière, espérant que ce geste les déshabituerait peu à peu de ces déchirures qu’ils infligeaient à leurs ennemis.
Reine d’un royaume d’ombres, je jetais d’abord aux arbres puis aux feuilles velours la caresse des mots qui effacent la cruauté du jour.

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