samedi 20 février 2016

La cravache d'or




 


En Hollandie, la routine était de mise. Chacun attendant que l'ennemi tire le premier, toute formation en ayant dans ses propres rangs, il était devenu habituel de disserter sur des sujets aussi incongrus que la question du sexe des anges à une époque où le mot laïcité n'existait pas.
On se battait à coup de chiffres qui dépassaient l'entendement des Tulipots dont les objectifs pouvaient être résumés par une formule latine Panem et Circenses, autrement dit : Du pain et des Jeux tandis qu'arrivaient de toutes parts des malheureux chassés de leur pays par la faim ou la guerre, parfois même les deux calamités à la fois...

De longues colonnes de migrants fuyant les anciens royaumes de Perse, des Hittites et de terroirs morcelés en mosaïques, s'écoulaient sur les routes qui menaient vers des pays réputés pour leur richesse.
Cependant, faute de vigilance, ces pays au nombre desquels on comptait notre Hollandie s'étaient peu à peu appauvris et croulaient sous les dettes.
Ces emprunts étaient au-dessus de nos têtes comme une véritable épée de Damoclès mais cela, les familles fuyant les horreurs de la guerre préféraient ne pas y penser.
La plupart des adultes s'exprimait dans la langue de Shakespeare mais ne comptant guère sur la générosité britannique appelaient au secours " Maman Hildegarde de la Baltique", prouvant ainsi que leur sens politique était aiguisé.
Ne voulant plus passer pour la méchante harpie qui présentait de mauvais bulletins de notes aux dirigeants des pays de l’Europe Unie, Hildegarde de la Baltique avait voulu surfer sur une vague de générosité en accueillant ces déshérités du monde, mettant ainsi un terme à la méchanceté fondamentale qu'on imputait à son pays en raison de la dernière guerre mondiale.
Tout le monde avait en tête "l'or des nazis" et Mute, alias Hildegarde de la Baltique voulait effacer ce souvenir et imposer au monde une notion de générosité.
Le monde reçut de plein fouet l'atrocité de ces errances car on diffusa la photographie d'un bel enfant échoué sur un rivage grec, la porte de l’Europe, Aylan Kurdi qui devint le symbole de toute cette douleur que nul ne pouvait plus supporter.
Les âmes sensibles versèrent des torrents de larmes, certains écrivirent des poèmes qu'ils enfermèrent dans une bouteille pour les jeter à la mer, cette cruelle qui avait pris la vie d'un petit innocent.
Puis ils passèrent à autre chose, le propre de la Hollandie consistant en une perpétuelle effervescence de bon ou de mauvais aloi. Du mouvement ! C'était le credo à la mode et de même qu'à l'époque des Lumières on écrivait : "Comment peut-on être Persan" ? Il se murmura sous le manteau tant cela paraissait immonde: "Comment peut-on être Syrien" ?
Heureusement l'âme du petit Aylan s'en était allée vers des cieux plus cléments, dans un univers céleste où le dédain, le mépris, l'indifférence et pire encore la cruauté n'étaient pas de mise !

Vogue, ma belle





 


Vogue, ma belle, l'amant qui te ressemble voyage pour te rejoindre et te serrer dans ses bras.
Il apparaîtra au détour de la rivière dans une roselière et tous deux vous marcherez sur les berges où poussent perce-neige, violettes et fleurs sauvages qui n'ont pas encore été nommées.
Vous vous retirerez dans une chaumière nichée au cœur d'une forêt et là, vous connaîtrez les plus belles heures de votre vie.
Les menus seront des plus simples, œufs et pousses sauvages parfumées.
Puis chacun reprendra sa route car le destin vous réserve encore des surprises.
Au commencement était une rivière et la suivre, au fil de l'eau, représente la carte de Tendre des amants éternels.

vendredi 19 février 2016

Les princes de l'ombre





 


Ils surgissent avec la vivacité du poète qui hume le vent et décrit les nuages or ce n'est pas un livre ou un carnet qu'ils ont dans leur poche mais un couteau à cran d'arrêt luisant sous la lune, les princes de l'ombre !
Malheur à celles qu'ils croisent sur leur chemin car avec un compliment de quatre sous, ils les feront crier de joie, de plaisir puis de douleur si aisément qu'elles se demanderont ensuite si elles n'ont pas vécu dans l'illusion de ce drame au quotidien.
Mises sur le pavé avec une tape sur les fesses qui se veut la marque du maître, ahuries, hébétées, elles tâcheront d'aguicher un homme, n'importe lequel, vieux, jeune, voire infirme pourvu qu'il lui donne de l'argent.
Sans ces billets, elles seront punies, battues, flétries, caressées à la pointe du couteau pour leur apprendre à vivre et à mieux se comporter pour se faire aimer.
Afin d'échapper à la punition suprême, l'abattage, elles rivaliseront de coquetterie, apprendront des postures obscènes, se régaleront de champagne et de chocolat pour repartir vaillamment au combat.
Pendant ce temps, les princes de l'ombre rentreront chez eux mais avant de franchir le seuil de leur belle demeure cossue où les attend une femme aimante et douce, ils se changeront dans l'un de ces appartements destinés aux joutes d'amours barbares et en ressortiront, vêtus avec élégance, un camélia à la boutonnière;
Plus de bottes qui glissent sur les pavés à la façon de serpents mais des chaussures de mondain embourgeoisé.
Ils passeront une excellente soirée, dormiront comme des princes, vivront une belle journée apaisée tandis que les créatures de la rue dormiront quelques heures dans un bouge puis compteront l'argent gagné avec angoisse.
Méfiez-vous, jeunes filles, des princes de la nuit car leur sourire est trompeur et leur beauté cache d'obscurs dragons prêts à cracher le feu.