lundi 19 novembre 2018

La belle Mathilde


La belle Mathilde
Penchée sur son ouvrage où couraient des fils d’or, la belle Mathilde fut soudain éblouie par des reflets lumineux. Elle ferma les yeux et lorsqu’elle les rouvrit, ce fut pour découvrir une fée malicieuse qui jouait à la marelle sur le dessus de lit qu’elle brodait de pivoines, de roses, d’églantines et de mésanges.
« Bonjour lui dit la fée, on me nomme Mutine et j’adore les facéties. Ne crains rien, je ne te veux aucun mal, bien au contraire ! Je souhaite t’aider. Avec mes amies, nous aurons tôt fait de terminer ton ouvrage. Va à la ville et cherche toi des amis car il n’est pas bon, pour une jeune fille, de vivre dans l’isolement ».
Mathilde mit un fichu de laine sur ses épaules et s’en fut, d’un pas dansant, au bourg où elle rencontra des amis de son âge :ils s’assirent sur un muret qui bordait la rivière et lorsque le prince Edouard fit son entrée, à cheval, dans la ville qui lui était dédiée, il n’eut d’yeux que pour la belle Mathilde.
Il descendit de sa monture et s’avança vers elle, un sourire enchanteur aux lèvres, l’emmena au bord de la rivière où ils se dirent mille riens, comme tous les jeunes gens de leur âge.
Ce fut le début d’une belle idylle et à dater de ce jour, la fée Mutine arbora les ciseaux d’or de la reine des brodeuses et elle conduisit l’escadron de jeunes fées pour constituer le plus beau des trousseaux, destiné à la belle Mathilde et au prince Edouard, pour des noces somptueuses.

samedi 17 novembre 2018

Invincible beauté du lagerstroemia


Invincible beauté du lagerstroemia
Dans le jardin d’amour de la reine, situé au sud, si bien chanté par Nino Ferrer, il y a des lagerstroemias, des arbres magiques, venus de Chine, implantés en Inde et au Japon et enfin transmis en Europe par des amoureux des arbres en majesté.
« Ayez un arbre en référence » disait récemment un ministre de l’enseignement à des enfants éveillés, lors de la célèbre émission «  Au tableau ».
J’ai eu un arbre de référence, c’était celui que je voyais, le soir, dans ma chambre d’internat, sa vue me consolait de bien des tracas.
Aujourd’hui, j’en ai un autre, c’est le lagerstroemia, multiplié par trois, que je découvre avec ravissement par la fenêtre de ma cuisine, en été, en automne puis en hiver, avec ses troncs inimitables, veinés d’argent.
La beauté nous incite à vivre en ce monde qui devient chaque jour, de plus en plus périlleux.
Que chacun ait un arbre de référence et qu’il oublie la colère, mauvaise conseillère, dénoncée par tous les sages du monde !
Le prince Siddhartha se recueillit, une main posée sur la terre et un arbre poussa, abritant le sage qui porta le nom de Bouddha.
Inspirée par ces préceptes de quiétude et de volonté d’aimer, la reine se reposa en son jardin d’amour.
Un crayon à la main, elle note les trilles des oiseaux des champs et les transforme en hymne dédié à la déesse Cérès, aux tresses blondes et à la ceinture soulignée par des grappes de muscat doré.
C’est un opéra fabuleux qui naîtra de sa rencontre avec l’amour, multiplié par les fleurs du Paradis.

jeudi 15 novembre 2018

La valse des amants


La valse des amants
Dans la clairière des amants, des couples se forment et valsent au son d’immortelles chansons qui plébiscitent l’amour, les roses et les falbalas.
« Adieu la vie, adieu l’amour, adieu toutes les femmes…c’est nous les sacrifiés » chantaient des soldats de la Grande Guerre, las d’être guettés par la faucheuse, inexorablement, apparemment pour rien ou pour que vivent les nantis, faisant ripaille à l’arrière.
Des slogans ironiques fusaient : «  L’arrière tiendra ».
Et pendant ce temps, les pioupious mouraient ou perdaient une jambe, un bras ou pire encore leur visage.
Dans la clairière des amours évanouies, les couples retrouvent la vigueur de leur vingt ans et ils valsent, éperdument, au son de l’accordéon, de la cornemuse ou de la vielle, instrument cher aux paysans dont le sang inonda des champs perdus pour la culture, minés et truffés de cratères hérissés d’acier, ce métal qui était à l’origine d’une guerre qui fut si meurtrière que l’on crut naïvement qu’elle était la dernière, « la der des ders ».
Hélas, la folie des hommes est si vivace que l’on remit le couvert.
Des poètes ont chanté « Douce France » avec conviction et l’on se laisse bercer par cette mélodie qui s’apparente à la légende.
Que cette France renaisse de ses cendres pour apporter aux couples de l’ombre la certitude qu’ils ne sont pas morts pour rien !

mercredi 14 novembre 2018

Lettre à mon aimée


Lettre à mon aimée
Douce aimée, pour tes vingt ans, je t’ai offert une broche en argent. C’est un cœur orné de rubis et depuis j’espère que tu le portes, tout près du tien.
Je pense à ces fêtes fabuleuses que j’ai organisées pour toi.
Ici, dans les tranchées, je parle avec les rats et je retiens mon souffle pour ne pas alerter ceux qui nous guettent, en face et qui sont si près de nous que parfois, en période de relâche, des dialogues se nouent.
Pourquoi,  diable, sommes-nous ici, à la merci d’une balle ou d’un éclat d’obus ou pire encore d’un coup de baïonnette ?
Mais rien ne sert de penser au pire.
Alors, entre deux assauts, je sculpte ton visage dans un morceau de métal destiné à la guerre et je façonne un sourire d’ange et des lèvres pleines de retenue et de désir.
Ma douce-aimée, je ne te demande pas de m’attendre, juste de penser un peu à moi et de broder sur du linge de table des bleuets et des coquelicots, les fleurs qui poussent spontanément sur les champs de bataille pour nous rappeler le bonheur d’aimer.
Douce-aimée, ce n’est pas la victoire que je te rapporterai mais un pauvre corps couturé et douloureux dont tu ne voudras peut-être pas et je ne t’en voudrai pas, vois-tu, car ici les corbeaux planent et emportent nos rêves fous comme autant de rêves perdus.
Douce aimée, j’espère qu’une colombe emportera ma lettre et qu’elle te trouvera, rieuse et pleine d’allant pour vivre nos deux vies qui n’en font plus qu’une, au cœur de ta broche d’argent.  

dimanche 11 novembre 2018

Souvenir d'enfance


Souvenir d’enfance
J’avais dix ans et j’étais interne au lycée de jeunes filles de Douai.
Dans le cadre de la chorale, j’ai appris à chanter le difficile Chant des enfants qui n’ont plus de maison de Claude Debussy, auteur des paroles et de la musique.
C’est un chant que je n’ai jamais oublié
« Ils ont brulé l’école et notre maître aussi
Ils ont brûlé l’église et Monsieur Jésus Christ
Et le vieux pauvre qui n’a pas pu s’en aller ».
Ces terribles paroles empreintes d’une enfance simulée avec art sont très prenantes et que dire de la mélodie qui est si belle dans son crescendo tragique ?
En ce 11 Novembre 2018, cent ans après l’armistice, souhaitons que ces jours tragiques ne reviennent jamais et n’oublions pas que si la guerre a déserté notre Europe, elle est hélas présente ailleurs et secoue des populations innocentes et avides de paix !