dimanche 30 décembre 2012

Attente



L’homme que j'aime a mis ses bottes rouges et m’attend sous les cerisiers en fleurs.
Les feuilles bruissent au vent et j'aimerais prendre ses mains dans les miennes, tout simplement mais une force obscure m'entraîne à Montségur où j’erre avec les fantômes du passé dans les clameurs des bûchers....
L'homme que j'aime a mis ses bottes rouges et m'attend sous les cerisiers en fleurs. Les fleurs tombent, une à une, sur ses cheveux qui deviennent blancs et moi, je pleure en l'attendant dans cette errance folle, à la démesure de mon cœur.

jeudi 27 décembre 2012

Le Chevalier des Songes



Une rose sur le poing, le Chevalier des Songes avance fièrement dressé sur sa monture aux couleurs de feu ; il entre dans une forêt épaisse tapissée de fougères et chemine en cadence dans une ronde d’oiseaux qui appellent le jour. Les ténèbres sont denses et le chevalier passe en revue les souvenirs de guerre qu’il laisse derrière lui comme un immense tombeau. Ce sera le tumulus énigmatique pour le futur. Qu’importait le motif invoqué ?
Il était fallacieux au regard du prix de la vie et du sang versé en pure perte puisque ces carnages sombreraient dans l’oubli. Les ténèbres se dissipent pour laisser place à une clairière inondée de soleil. Les fées y dansent et prient le chevalier de les rejoindre. Mais la rose se cramponne sur son poing et devient princesse aux voiles couleur safran. Elle saute délicatement dans la clairière et exécute une danse orientale qui pulvérise l’art désuet et charmant des jolies fées de la forêt.
Un palais miniature surgit sous ses arabesques et permet au chevalier de se reposer enfin, après toutes ces chevauchées imposées par l’ange du destin au son des tambours.
Benjouin, son noble destrier est pansé dans une écurie royale et il repose, à son tour, ses muscles tendus.
Les bienfaits de la nuit s’étendent sur la forêt des songes et le chevalier entre dans la légende en confiant ses secrets aux pages magiques d’un livre, seul et unique reposoir de l’âme des chevaliers errants.

mardi 25 décembre 2012

Pluie d'étoiles





Je suis marchand de rêve, je suis marchand d'amour.
Donnez-moi votre vie, j'en ferai de l'or.
Une pluie d'étoiles transcendera notre terre qui se défait
Comme un arc-en-ciel.
Mais l'enfant aux yeux d'aurore voyait luire une étoile.
« Je n'ai pas besoin des marchands de sable » cria-t-il
Sous les volutes du ciel. « J'ai des mains, des pieds,
Un corps, je suis homme. Le berceau de mes pères
Est inscrit dans le sable du temps ; toutes ses voiles
Carguées l'entrainent vers la mer; je navigue à l'estime
et trouverai le port.
Ô marchand, tu n'es qu'un mirage. Dans le buisson
Ardent flamboient les vieux mensonges aussi légers que
les colibris... »

A Delphes




RENCONTRES ARTISTIQUES  ET LITTERAIRES
                                       A DELPHES 
             
Ulla avait la fâcheuse habitude de croire que les hommes pourraient la révéler à elle-même. Elle plantait hardiment son regard dans leurs yeux bleus verts ou noirs, elle rêvait devant les vitrines en admirant des cravates en soie, mais elle restait toujours aussi seule. Elle avait d'elle l'image d'un beau navire à la coque émaillée d’incertitude et le malheur voulait que les hommes eussent précisément d’elle cette même vision. Faire de ce beau navire nonchalant un magnifique trois-mâts toutes voiles déployées partant pour les îles lointaines, quelle tentation! Ulla les laissait rêver, car elle avait pitié de leur dénuement. Les terres d'Orient brûlaient en son cœur comme des bâtons d'encens et les poètes étaient les spectateurs de sa vie languissante.
Vint un jour cependant celui qui n’était pas comme les autres-. C'est étrange qu'il vienne toujours précisément cet être irréel par excellence... On espère qu'il sera beau, jeune, on le voit avec des yeux farouches, des cheveux fous, une haute taille, des colombes et des aigles perchés sur son épaule large... Un chevalier au dos étroit, allons donc !... Il vint, des pivoines à la main, de magnifiques pivoines au rose délicat de blancheur mêlées d’iris d'un bleu de mer si intense qu'elle éprouva le besoin de partir, elle qui menait une existence végétative d'une innocente volupté. Il suffisait qu'il l’appelât par son prénom pour qu'elle se sentît ivre de ces terres lointaines qui étaient jadis son fier apanage. Elle était la reine dépossédée, la reine heureuse, la reine sans nom, la reine au regard vide de sens, celle-là même qu'aucun chevalier du monde ne prendrait plus pour sa dame. Elle regardait la mer, se faisant une gloire de rester au port. Le seul navire dont elle rêvât à présent était un berceau rose et blanc, aux voiles irisées où voguerait l'enfant qui lui naîtrait. Quant aux bâtons d’encens qui brûlaient en son cœur, ils s'étaient transformés en cierges dont la lente consomption s’élevait vers le ciel en volutes de prières. Elle se souvint qu'une dame au tailleur myosotis lui avait souri en lui demandant le secret d'un joli geste qui se voulait simple esquisse et elle réalisa à ce moment précis - comment peut-on être précis dans une histoire aussi floue, tout le mystère est là - que toute sa vie n'avait été qu'une erreur... Elle n'avait cru qu’en elle sans imaginer le moins du monde avoir servi de prête-image à la plus belle des créatures qui existât sous les cieux. Terres lointaines, bâtons d'encens, cierges blancs n'étaient que les approches du personnage fantastique, unique objet de sa vie en forme de quête. D'excellente humeur, elle acheta un panier de cerises violettes avec le seul désir de les contempler, attendant que passe quelqu'un qui eût envie de les croquer et elle se sentit heureuse à la simple idée que ce quelqu'un puisse venir quand bien même elle ne le verrait pas. Tout était bien. Une flamme d'orangers s'échevelait au loin. Elle était la dame dans l'ombre. La lumière parait son âme d'opacité, tandis que déferlaient au loin l'écume et les perles d’un tableau inachevé et ses cheveux courts devenaient manteau, et elle se livrait entière à l’immensité du mystère en forme de nef. Qu’importait vraiment qu'elle partît un jour? La création n’était- elle pas mouvement et perfection, désordre et harmonie? Et celui qui n'était pas comme les autres devint merveilleusement classique parce qu'elle désirait qu'il en fût ainsi. Mais qui était Ulla? Peut-être pas une créature humaine, juste un rêve d'écume avec ou sans la divine musique de la mer qui roulait dans ses bras infinis les mots sans apparence de la dame au tailleur myosotis qui portait en proue un enfant divin prêt à s'élancer avec la sveltesse du dauphin...
(20 mai 1974.)

samedi 22 décembre 2012

Instant




Je suis la dame en jaune,
je suis la dame en bleu,
et la jeune fille au turban.

Je suis un Vermeer vivant,
et j’attends un enfant.
Mon ventre se tend et se courbe
jusqu’à l’ovale parfait.
Je suis la pierre que tu portes au doigt,
l’index,
celui qui te servait à désigner toute chose
lorsque tu étais enfant.
Je suis lourde
et cependant si légère.
Je rêve de mouettes et de lents goélands.
Je les désire de tout mon être
qui se cargue de blanc.
J’attends, les genoux sur le marbre,
le lent travail de l’enfantement.
Je suis ainsi en mon zénith,
céleste offrande donnée
au vent …