dimanche 30 juillet 2023

Le katana magique

 


En brandissant son katana doré, le prince Louis d’Aquitaine, lointain descendant du Prince Noir, mit en fuite des émeutiers et des pillards au visage masqué par un foulard pourpre brodé.

Dragons, carpes koi, combattantes farouches semblables aux amazones mythiques symbolisaient l’ardeur de ces lutteurs inédits, très jeunes pour la plupart.

Avec soulagement, le prince Louis vit se profiler au loin les tours d’un château où il pensa se réfugier.

Au pied des murailles, il sonna de l’olifant, se fit connaître et pénétra dans la salle de réception du château.

Une jeune femme à la tenue soignée, le voile de son hennin flottant autour de sa silhouette gracile, Aurore de Brocéliande, l’invita à partager une collation.

Vol-au-vent de ris de veau, saumon reposant sur un lit d’épinards à la crème, agneau rôti servi avec une écrasée de topinambours, fromage local, gâteau à la broche et un bol de crème à la rose se succédèrent comme autant de merveilles dans un défilé de mode.

Des hanaps de vin liquoreux ou pétillants, de la cervoise et de l’eau de source servirent à faciliter le passage de tous ces mets délicieux.

«  Félicitez votre cuisinier, gente dame car je ne me souviens pas d’avoir savouré un menu quasi royal » dit le prince à son hôtesse.

Cette dernière l’invita à la suivre dans son boudoir et tous deux burent des décoctions de fleurs.

«  Cela vous aidera à trouver un sommeil réparateur » dit la jolie Aurore.

«  Soyez assurée de peupler mes rêves » répondit galamment le prince qui se laissa conduire dans ses appartements. Il s’endormit rapidement.

Au réveil, il fut étonné de se voir étendu sur une couche de bruyère. Le château avait disparu et il ne restait de son aventure qu’un ruban de soie qu’il avait pris soin de dérober à la belle Aurore dans l’intention de porter ses couleurs dans un tournoi. Il l’avait enroulé sur le fourreau de son katana.

Caressant le précieux témoignage de son aventure, il ferma les yeux un instant pour se retrouver à nouveau auprès d’Aurore de Brocéliande dans une jolie pièce située près des cuisines afin de se régaler des spécialités du château, des palets de dames, des merveilles, des brioches en forme de cœur ornées de pralines roses ainsi que des boissons chaudes aux saveurs de réglisse et de caramel.

« Dame Aurore, êtes-vous une magicienne » ? demanda le prince Louis à la jeune femme dont il se sentait épris.

« On peut le dire ainsi répondit Aurore en souriant mais la vérité a souvent plusieurs visages. Je suis née en terre de Brocéliande, le dernier refuge des druides, des elfes et des fées de la forêt. Lointaine cousine de la fée Viviane, j’ai été élevée dans l’amour des légendes et j’ai souvent emprunté les sentiers du Val-sans-Retour où, dit-on, la fée Morgane retient des chevaliers qui se sont égarés en chemin. J’ai hérité de mon père le beau château que vous semblez apprécier.

Lorsque je vous ai vu, brandissant fièrement votre katana pour mettre des malandrins en déroute, j’ai reconnu en vous le descendant du Roi Arthur et l’émule de Lancelot du Lac, le plus vaillant chevalier de la Table Ronde, capable d’aimer plus que de raison.

Nous nous sommes reconnus, cher Louis, c’est pourquoi, si vous le souhaitez, je serai votre dame passionnée et vous deviendrez le seigneur de ces lieux ».

Pour toute réponse, Louis d’Aquitaine embrassa tendrement sa future épouse et les amants écoutèrent le chant des troubadours, prélude de leurs amours.

vendredi 28 juillet 2023

Le kimono de soie

 



J’ai mis mon kimono de soie pourpre, mon aimée et je t’ai attendue à l’orée du bois des amours mais tu n’es pas venue alors je me suis assis sur la souche d’un chêne et j’ai pleuré.

En tombant mes larmes sont devenues des perles et je les ai collectées pour t’en faire une parure, collier, bracelet et bague.

De retour en mon palais d’été, j’ai donné des ordres pour que nul ne me dérange et j’ai envoyé mon escorte royale à ta recherche avec le palanquin des mariages pour te ramener auprès de moi.

Le cœur battant, j’ai guetté l’arrivée du palanquin des amours mais il n’est pas venu car des brigands avaient attaqué mon escorte par surprise et t’avaient emmenée chez le roi des voleurs avec qui j’ai dû négocier longuement pour obtenir ta libération et tu m’es enfin apparue, vêtue de brocart et parée de bijoux comme je l’avais exigé.

Je t’ai emmenée dans le jardin d’amour créé pour toi et nous avons enfin pu nous aimer dans un pavillon dédié à la passion.

Dès demain nous célébrerons notre union et tu deviendras ma princesse pour l’éternité, divine Alma !

lundi 24 juillet 2023

Commande pour Les roses du Moucharabieh

 

 

 

Faites du bruit

 


Faites du bruit, chantez pour réveiller ceux qui se sont endormis pour l’éternité.

Bientôt nous partirons à notre tour et les roses de notre vie s'effeuilleront en exhalant un parfum suave, celui de nos amours défuntes et de notre jeunesse évanouie à tout jamais. Il nous restera les merveilleuses chansons et la voix d'or de Johnny pour nous accompagner dans les vastes champs de l'éternité !

Le plus tard possible me direz-vous et pourtant comme il doit être doux d’être entouré par ceux que nous avons aimés ! Ils nous attendent avec impatience, pressés d’ouvrir leurs ailes à notre arrivée.

Si Johnny chante Retiens la nuit c’est pour nous apprendre à aimer l’infini qui moutonne dans les nuages de l’oubli du quotidien et de ses contingences si éloignées de la poésie et de l’amour que l’on peut parfois douter de leur existence.

C’est alors que retentit le chant du rossignol et qu’un concert inédit nous apporte l’ultime révélation de l’éternel amour !

Rose vaincue

 
On cueillit Sacha Oulianov au petit matin selon les directives gouvernementales, le sommeil de tous, y compris celui des assassins devant être privilégié.

Certain de pouvoir se défendre grâce à son sens de la logique et à son sens oratoire, le maître de ballet n’opposa aucune résistance et l’on put l’interroger dans une salle audio télévisée du commissariat de Lille.

Détendu et souriant, le coryphée perdit de sa prestance à l’énoncé d’hypothèses s’approchant fort de la réalité et lorsqu’il fut confronté aux preuves, les photographies d’Ambre reposant nue dans un berceau de roseaux et la présence du manteau de plumes, vraisemblablement l’arme du crime lors d’une gestuelle sophistiquée et meurtrière, il s’effondra et passa aux aveux.

Il revendiquait l’amour comme motif de cet acte barbare et plaidait l’accident.

On le renvoya à sa conscience et dans l’immédiateté judiciaire, on le présenta au Juge d’Application des Peines qui trouva prudent de l’incarcérer afin qu’un tel acte ne se renouvelle pas.

Max et le groupe d’enquêteurs de Fleur-Lez-Lys poussèrent un soupir de soulagement en apprenant que le criminel potentiel était sous les verrous.

Chacun se souvint alors des deux dames présentes aux funérailles d’Ambre.

La plus âgée, Olga Semeniova raconta succinctement son histoire.

Elle était danseuse étoile au théâtre Bolchoï et elle avait participé à une longue tournée en Europe.

Jouant le rôle principal dans Le Lac des Cygnes au théâtre Sébastopol de Lille, elle avait eu une idylle avec un homme charmant et influent de la métropole. C’était un bel homme à la voix chaude, aux mains caressantes et à la pratique de la séduction.

Il lui avait caché sa notoriété et son mariage pour ne révéler ces données incontournables lorsqu’elle lui avait appris qu’elle attendait un enfant.

Il cessa de la voir et l’oublia sans remords.

Olga avait dû prendre du champ puisque son état lui interdisait de continuer à danser.

Elle mit au monde une jolie petite fille mais dénuée de ressources, elle avait pris la décision de s’en remettre à la protection divine.

En larmes, elle évoqua ce terrible moment où elle avait laissé l’enfant sur le parvis de l’église Saint Michel de Fleur-Lez-Lys où son séducteur l’avait emmenée pour lui parler d’amour. Il lui promettait alors le mariage !

Elle avait laissé près du couffin sa tenue de danseuse lorsqu’elle avait été intégrée comme petit rat à l’école du Bolchoï, espérant que sa fille  connaîtrait une belle carrière et éviterait les écueils qu’elle n’avait pu éluder.

Elle était loin d’imaginer que le sort de l’enfant serait pire que le sien.

Les enquêteurs abrégèrent l’entretien car le chagrin d’Olga était sans limite et malheureusement, personne ne pouvait la soulager.

La laissant à ses remords et à son désespoir, ils rendirent visite à la seconde personne portant la mantille traditionnelle lors des obsèques.

Albane Louis était une professionnelle en arts plastiques. Autoritaire et implacable vis-à-vis de son prochain, elle avait souhaité adoucir sa vie en élevant un enfant abandonné.

Elle n’avait pas signalé sa disparition le soir de sa prestation à l’opéra de Paris puisqu’elle n’avait aucun titre officiel et pouvait être inculpée pour enlèvement d’enfant.

Elle avait mené des investigations en recrutant un détective privé mais ce dernier n’avait rien trouvé qui puisse être exploité.

Son désespoir avait été profond lorsqu’elle avait su, grâce aux journaux, ce qui était arrivé à la merveilleuse petite fille qu’elle avait élevée dans l’amour des arts et de la danse.

Là encore, les enquêteurs laissèrent la dame à son chagrin.

«  La tragédie vécue par cette enfant et qui a poignardé ses proches ne peut être imputé à personne si ce n’est à son assassin » dit pensivement Max et chacun pensa qu’une visite à Evgueni ne rendrait  aucun service à l’établissement de la vérité.

Il faudrait trouver un biais pensait-on pour savoir quel rôle il avait joué dans la vie de la jeune fille.

Jade eut alors une idée :

«  Que diriez-vous d’une invitation lancée par Aurore à la maison des contes ?

Excellente idée » approuva Albertine et c’est sous le couvert d’un repas de funérailles consacré à la défunte qu’Evgueni le Magnifique dévoila l’admiration teintée d’amour qu’il avait vouée à l’extraordinaire artiste, rose noire piégée dans le bloc de cristal de la mort .

dimanche 23 juillet 2023

Ultimes révélations

 


Comme personne ne revendiquait le droit d’emporter le corps d’Ambre, Florian se proposa pour organiser les funérailles de la pauvre enfant.

«  Excellente idée dit Albertine. On dit souvent que, lors des obsèques d’une personne disparue de façon obscure, on peut glaner quelques informations menant parfois à la résolution d’une énigme ».

Florian choisit un bel emplacement dans le cimetière, commanda une pierre tombale en marbre noir, du Labrador et fit graver une somptueuse rose d’or afin de chasser à tout jamais le souvenir des roses noires maléfiques.

Un avis fut lancé dans Nord Matin : une messe serait donnée à la mémoire de la jeune morte.

Darius écrivit une homélie fort émouvante qu’il confia au prêtre. Le seul prénom d’Ambre apparut sur la pierre tombale avec la date supposée de sa mort.

La messe fut très suivie.

Sur les bancs que l’on avait réservés pour la famille et les proches, on vit apparaître deux femmes dont les cheveux et le visage étaient dissimulés par une mantille noire et deux hommes dont l’un semblait courbé par le chagrin.

L’autre, au visage dur, redingote sombre, chapeau claque et souliers vernis avait une prestance hautaine et un regard noir.

Jade qui avait consulté le listing des danseurs et inventorié le profil de chacun reconnut le maître de ballet Sacha Oulianov.

Il déposa une gerbe de roses noires près du cercueil et quitta l’église en marchant à pas reculés.

L’autre homme qui semblait brisé par le chagrin, s’agenouilla et pria longuement, des roses blanches ornées de perles pour ultime cadeau.

Interpellé discrètement à la sortie de l’église, il montra ses papiers d’identité, révéla qu’il était le prince Evgueni de Novgorod et qu’il se considérait comme le mentor et le protecteur de la belle Ambre au destin funeste.

«  Pourquoi n’êtes-vous pas venu au commissariat ? Nous aurions aimé savoir ce qui concerne la vie de cette jeune fille venue mourir tragiquement chez nous.

Je lis rarement les journaux et je ne savais pas que ma merveilleuse Ambre avait été retrouvée morte, au bord d’un étang.

Son absence ne vous avait-elle pas inquiété ?

Bien sûr je l’étais mais confiant en sa bonne étoile, j’imaginais qu’elle vivait une belle histoire d’amour et je ne voulais pas être indiscret ».

Satisfaite par les réponses fournies, Albertine se réserva le droit de l’interroger à nouveau si cela s’avérait nécessaire et elle laissa cet homme à son chagrin.

 Quant aux deux femmes, l’une avait les cheveux gris mais avait une certaine ressemblance avec la défunte et l’autre, droite comme un i était corsetée dans un chagrin muet, plein de reproches et d’inquiétude.

Albertine releva leurs identités et leurs adresses et les laissa aller en liberté. On les convoquerait au commissariat si besoin était, par la suite.

Max n’oubliait pas la parole de l’oracle «  Le cygne noir est la réponse » et il eut l’impression que le maître de ballet au regard froid pouvait être ce fameux cygne noir semeur de mort mais il lui fallait une preuve pour l’appréhender.

En se rendant souvent au bord de l’étang pour faire des relevés multiples et les crayonner avec précision,  Florian nota que les roseaux mettaient du temps à se relever, conservant l’empreinte du corps de la jeune fille.

«  Elle a dû être allongée au moins deux fois dit-il et la première s’est avérée pesante car de jeunes pousses ont été brisées. Un assaut amoureux, violent peut-être, s’est certainement produit. La pauvre enfant n’aura pas eu la mort douce qu’on lui aurait souhaitée, à défaut de la vie pleine d’amour et de la joie de la danse qu’elle méritait ».

Darius et Jade qui avaient beaucoup travaillé aux archives des journaux locaux avouèrent qu’ils n’avaient guère progressé dans le nerf de l’enquête à proprement parler. Ils avaient également lu des ouvrages ésotériques relatifs à la symbolique de la rose noire mais devaient reconnaître que cela ne les avait menés nulle part.

«  Nous avons travaillé et amassé de quoi écrire une thèse sur la rose noire mais nous n’avons rien trouvé de tangible qui nous mène à l’assassin » résuma Jade.

«  You houhou, les aminches ! j’vous apporte du matos et du lourd, cria Capitaine Marleau, fière d’apporter sa pierre à l’édifice. Le fameux Sacha est un être louche et il a sûrement une part de responsabilité dans la mort de la petite.

Il en était fou, lui faisait des cadeaux, l’emmenait dans sa voiture personnelle.

Apparemment, cet amour n’était pas réciproque mais Ambre n’osait pas repousser ses avances car sa place de maître de ballet lui conférait une autorité dont il abusait parfois lorsqu’une danseuse lui plaisait. C’est ce que m’ont dit de nombreux danseurs en se lâchant en fin de partie ».

Corinne alias Capitaine Marleau se déclara satisfaite de son apport et elle ajouta plaisamment qu’elle n’avait pas eu besoin de faire le moindre strip-tease pour glaner ces informations.

«  Finissons le puzzle » dit Roland avec enthousiasme et il corrobora les dires de Corinne, précisant, par ailleurs, qu’il avait fouillé la loge de Sacha et qu’il avait trouvé de multiples photos de la jeune Ambre, y compris un cliché pris au bord de l’étang.

La jeune fille avait l’air hagard, était dénudée et un manteau en plumes de cygnes gisait à ses côtés.

«  La voilà la preuve, cria Max ! Bravo Roland ! Tu as gagné tes galons. Il nous suffira d’aller cueillir ce danseur meurtrier à son domicile, «  Demain dès l’aube », fils, comme je te le disais récemment » !