lundi 24 juillet 2023

Rose vaincue

 
On cueillit Sacha Oulianov au petit matin selon les directives gouvernementales, le sommeil de tous, y compris celui des assassins devant être privilégié.

Certain de pouvoir se défendre grâce à son sens de la logique et à son sens oratoire, le maître de ballet n’opposa aucune résistance et l’on put l’interroger dans une salle audio télévisée du commissariat de Lille.

Détendu et souriant, le coryphée perdit de sa prestance à l’énoncé d’hypothèses s’approchant fort de la réalité et lorsqu’il fut confronté aux preuves, les photographies d’Ambre reposant nue dans un berceau de roseaux et la présence du manteau de plumes, vraisemblablement l’arme du crime lors d’une gestuelle sophistiquée et meurtrière, il s’effondra et passa aux aveux.

Il revendiquait l’amour comme motif de cet acte barbare et plaidait l’accident.

On le renvoya à sa conscience et dans l’immédiateté judiciaire, on le présenta au Juge d’Application des Peines qui trouva prudent de l’incarcérer afin qu’un tel acte ne se renouvelle pas.

Max et le groupe d’enquêteurs de Fleur-Lez-Lys poussèrent un soupir de soulagement en apprenant que le criminel potentiel était sous les verrous.

Chacun se souvint alors des deux dames présentes aux funérailles d’Ambre.

La plus âgée, Olga Semeniova raconta succinctement son histoire.

Elle était danseuse étoile au théâtre Bolchoï et elle avait participé à une longue tournée en Europe.

Jouant le rôle principal dans Le Lac des Cygnes au théâtre Sébastopol de Lille, elle avait eu une idylle avec un homme charmant et influent de la métropole. C’était un bel homme à la voix chaude, aux mains caressantes et à la pratique de la séduction.

Il lui avait caché sa notoriété et son mariage pour ne révéler ces données incontournables lorsqu’elle lui avait appris qu’elle attendait un enfant.

Il cessa de la voir et l’oublia sans remords.

Olga avait dû prendre du champ puisque son état lui interdisait de continuer à danser.

Elle mit au monde une jolie petite fille mais dénuée de ressources, elle avait pris la décision de s’en remettre à la protection divine.

En larmes, elle évoqua ce terrible moment où elle avait laissé l’enfant sur le parvis de l’église Saint Michel de Fleur-Lez-Lys où son séducteur l’avait emmenée pour lui parler d’amour. Il lui promettait alors le mariage !

Elle avait laissé près du couffin sa tenue de danseuse lorsqu’elle avait été intégrée comme petit rat à l’école du Bolchoï, espérant que sa fille  connaîtrait une belle carrière et éviterait les écueils qu’elle n’avait pu éluder.

Elle était loin d’imaginer que le sort de l’enfant serait pire que le sien.

Les enquêteurs abrégèrent l’entretien car le chagrin d’Olga était sans limite et malheureusement, personne ne pouvait la soulager.

La laissant à ses remords et à son désespoir, ils rendirent visite à la seconde personne portant la mantille traditionnelle lors des obsèques.

Albane Louis était une professionnelle en arts plastiques. Autoritaire et implacable vis-à-vis de son prochain, elle avait souhaité adoucir sa vie en élevant un enfant abandonné.

Elle n’avait pas signalé sa disparition le soir de sa prestation à l’opéra de Paris puisqu’elle n’avait aucun titre officiel et pouvait être inculpée pour enlèvement d’enfant.

Elle avait mené des investigations en recrutant un détective privé mais ce dernier n’avait rien trouvé qui puisse être exploité.

Son désespoir avait été profond lorsqu’elle avait su, grâce aux journaux, ce qui était arrivé à la merveilleuse petite fille qu’elle avait élevée dans l’amour des arts et de la danse.

Là encore, les enquêteurs laissèrent la dame à son chagrin.

«  La tragédie vécue par cette enfant et qui a poignardé ses proches ne peut être imputé à personne si ce n’est à son assassin » dit pensivement Max et chacun pensa qu’une visite à Evgueni ne rendrait  aucun service à l’établissement de la vérité.

Il faudrait trouver un biais pensait-on pour savoir quel rôle il avait joué dans la vie de la jeune fille.

Jade eut alors une idée :

«  Que diriez-vous d’une invitation lancée par Aurore à la maison des contes ?

Excellente idée » approuva Albertine et c’est sous le couvert d’un repas de funérailles consacré à la défunte qu’Evgueni le Magnifique dévoila l’admiration teintée d’amour qu’il avait vouée à l’extraordinaire artiste, rose noire piégée dans le bloc de cristal de la mort .

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