mercredi 5 juillet 2023

Les noces d'Elsa

 



Faisant étape chaque année à Fleur-Lez-Lys, la famille Romane s’ancra solidement dans l’histoire du bourg.

Un pèlerinage au bord de la « Mer », nom mythique de l’étang aux origines mystérieuses de la petite cité de caractère, fut institué.

Elsa grandissait en beauté et personne ne fut étonné d’apprendre qu’un jeune homme distingué, avocat de profession et fils de bonne famille bourgeoise Lilloise, avait demandé sa main.

Les fiançailles eurent lieu chez le futur époux. Les invités allèrent ensuite dîner «  Chez Pierrot », un restaurant légendaire, après le passage des futurs mariés chez le notaire.

Alfredo et Romane étaient de la fête, de même que la vieille Léonie qui était intervenue à temps pour préserver l’intégrité de la petite Elsa lors de leur enlèvement.

Le souvenir d’Orson avait plané quelques années dans la mémoire d’Elsa sous forme de cauchemar puis s’était dilué avec le temps pour disparaître totalement grâce à sa rencontre romanesque et poétique avec Aurélien Lespagnol, son promis.

La journée fut mémorable et les parents d’Aurélien se déclarèrent charmés de leur future bru.

Elle leur semblait dotée de qualités multiples.

Outre sa beauté éclatante dont elle ne tirait aucun orgueil, elle était parée de mille vertus, intelligence, esprit de répartie, fort utile dans les soirées mondaines, gaieté de bon aloi et adresse dans la réalisation de tâches ménagères et artistiques, notamment la décoration d’intérieur.

Héritière des talents de sa famille, Elsa chantait et dansait à merveille. De plus, elle avait été une excellente élève et elle avait conquis des diplômes de Lettres Classiques à l’Université, ce qui lui conférait une assise doctorale utile à la carrière de son futur époux.

Quant aux parents d’Elsa et à Léonie, devenue l’héroïne de la famille, un peu empruntés au départ, peu habitués à l’élégance européenne et bourgeoise, ils s’étaient finalement trouvé un terrain d’entente avec la belle-famille grâce à la grande aura qu’Elsa exerçait, en magicienne, sur tous.

On évoqua, au champagne et à la pièce montée, le processus de mariage qui serait célébré à l’église Saint Michel de Fleur-Lez-Lys.

Belle Maman proposa de commander une pièce de tulle à Caudry pour la confection de la robe de mariée.

Une couturière Lilloise qui avait été « petite main » chez Christian Dior, proposerait un modèle à la future mariée afin de réaliser une création digne de sa beauté.

Tous ces projets de bonheur habitèrent les participants au repas de fiançailles.

«  Chez Pierrot » devint une adresse incontournable, digne relais de «  Chez Marius » si célèbre à Fleur-Lez-Lys.

La personnalité du chef cuisinier Pierrot et celle de son maître d’hôtel, Jean-Louis, conféraient une aura sans égale à l’établissement, déjà renommé dans la métropole nordique.

Pour se montrer à la hauteur de l’événement marial, Marius proposa d’organiser un banquet apéritif pour célébrer la sortie de la messe de mariage.

Les futurs époux acceptèrent avec joie cette ouverture festive au repas de noces.

Aurore qui revenait de son voyage oriental en compagnie de Florent, offrit ses jardins privés et les plus belles pièces de sa demeure La Maison des Contes pour le déroulé du repas et les danses qui s’ensuivraient.

«  Les enfants s’en donneront à cœur joie dans la maison en pain d’épices dit-elle en souriant et ils trouveront des menus adaptés à leurs goûts et à leur âge, des livres également, contes, romans et bandes dessinées pour connaître un moment d’évasion ».

Quant au menu des adultes et des adolescents, il fut préparé avec soin car tous souhaitaient un équilibre entre les plats préférés des deux familles réunies. Cette fois, la famille tsigane serait présente.

Quitte à ce qu’il y ait des surplus de nourriture qui pourraient être distribués sur la Grand-Place de Fleur-Lez-Lys, on ne lésina pas sur la qualité et la quantité de plats savoureux et délicats.

Aumônières de ris de veau, langue de bœuf à la sauce Madère, agneau rôti aux légumes de printemps, roastbeef et filets mignons en croûtes assortis de poêlées campagnardes, frites et choux farcis formeraient le corps principal du menu, intercalé entre une ronde savante de crudités aux agrumes et une farandole de desserts variés.

La pièce montée, commandée au pâtissier du village, serait grandiose et se laisserait manger, quand bien même les convives seraient repus.

Hormis le champagne et le cherry, incontournables les jours de fête, le vin serait servi avec réserve.

Il y aurait du vin du Jurançon, cher à Henri IV et des grands crus de Bourgogne et de Bordeaux.

Naturellement, les jus de fruits et les eaux pétillantes ne seraient pas oubliés et des carafes de sirop d’orgeat ou de grenadine rafraîchiraient les adeptes des boissons non alcoolisées.

Le grand jour arriva.

Les cloches sonnèrent pour annoncer le bel événement.

Belle-Maman était si belle qu’on aurait pu la prendre pour la fée des Lilas qui apparaît dans le film de Jacques Demy, Peau d’Ane, interprétée avec tant de charme par l’inégalée Delphine Seyrig, à la voix chaude et enchanteresse.

Sa robe de tulle mauve attirait les larmes du soleil, filtrées par une belle capeline aux longs rubans et voilette discrète.

Juchée sur des escarpins à talons aiguilles, elle attendait patiemment l’arrivée de son fils pour le conduire à l’autel, en attendant que vienne la princesse de son cœur, dans une éblouissante robe de mariée à la longue traîne, au bras de son père, le bel Alfredo, redevenu le prince charmant de sa chère Romane.

Les cloches n’en finissaient pas de sonner, Belle-Maman avait l’impression de prendre racine sur les pavés de la place, face à la porte sculptée de l’église. Le prêtre et les enfants de chœur postés près de l’entrée commençaient à avoir des fourmis dans les pieds dans cette interminable attente du marié.

Les minutes, les heures passèrent, on alla prendre des nouvelles du marié dans la maison des contes où il disposait d’une pièce pour revêtir son costume d’un jour mais il fallut se rendre à l’évidence : si le costume et les accessoires avaient disparu, il n’y avait aucun indice de la présence d’Aurélien Lespagnol.

Le marié avait disparu !

Toute rose et royale dans sa belle robe de mariée, Elsa apprit la nouvelle et eut l’impression d’être poignardée en plein cœur.

Elle cria «  Orson » avant de s’évanouir et tout son entourage comprit alors qu’elle n’avait jamais oublié les sévices infligés dans son enfance par ce triste sire.

Telle une scène figée dans un film des années cinquante, la noce s’immobilisa pour disparaître, au fil du temps, dans des directions diverses.

«  Encore une énigme pour Max » soupira le vieux Léon !

Chacun attendit que la mariée et sa famille ainsi que les parents du marié et sa nombreuse parentèle se soient retirés pour faire honneur au banquet-apéritif, organisé par Marius.

Les hypothèses les plus audacieuses furent émises puis chacun rentra chez soi alors qu’Albertine tenait un conseil d’urgence à la gendarmerie.

Il fallait à tout prix, savoir ce qui était arrivé au marié car seul un événement grave pouvait justifier le manquement à l’étape décisive de sa vie, tournée vers le bonheur !

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