Puzzle reconstitué

 

Le témoignage de Dahlia corroboré par la partie édulcorée de son récit par le célèbre Dorian Lacour fut riche en renseignements éclairés concernant le bandit mal repenti, Orson.

Dahlia fit frémir son auditoire en évoquant sa nudité entravée aux barreaux d’un lit jusqu’à ce qu’on la livre à son futur bourreau.

Elle omit juste d’avouer qu’elle avait cédé à la tentation de revêtir la robe de mariée d’Elsa, induisant ainsi en erreur les kidnappeurs chargés de ramener Elsa aux Trois Cygnes.

On confronta Orson à sa victime et il apparut clairement à tous que s’il regrettait quelque chose, c’est de ne pas avoir vu qu’il avait affaire à une jeune adolescente nubile et non pas à celle qu’il prenait pour l’amour frénétique de sa vie.

«  C’est le début d’une sorte de rédemption à la Dostoïevski murmura le psychologue qui assistait à la confrontation. Espérons qu’il n’ait pas commis l’irréparable vis-à-vis du marié » !

Interrogé sur le devenir d’Aurélien, Orson resta muet et il fallut attendre la déposition de Stan pour savoir où se trouvait la victime.

Stan revendiqua son geste salvateur et il demanda à être assisté par Maître Lespagnol car cette opportunité faisait partie du contrat moral passé avec celui qui aurait pu perdre la vie s’il ne l’avait pas soustrait à la fureur destructrice d’Orson.

Une fois libéré, Aurélien confirma ses dires et le commissaire décida de libérer le jeune homme en reconnaissance de son geste salvateur.

«  Tâchez de ne plus avoir de mauvaises fréquentations et penchez-vous sur des études qui vous aideront à assurer votre avenir » dit le commissaire en quittant l’adolescent.

Tel le corbeau de la fable, Stan jura qu’on ne l’y prendrait plus.

Aurélien l’assura de son aide pour la poursuite de ses études.

Il éprouvait une sorte de tendresse pour l’adolescent qui avait été le seul, dans l’équipe de brutes dirigée par Orson, d’avoir ressenti de la compassion pour son effroyable condition.

Il s’engagea à remercier sa grand-mère à son retour de cure et lui offrirait bouquets  de fleurs et cadeaux pour sa participation indirecte au retour à la vie entrepris dans sa jolie chaumière.

Plongé dans un mutisme de mauvais augure pour sa résurrection Dostoïevskienne et  plus concrètement pour l’indulgence d’un jury qui ne lui pardonnerait pas d’avoir si bien trompé le monde carcéral sur son pseudo repentir, Orson était retombé dans ses travers anciens et était redevenu le bandit de grand chemin qu’il n’avait jamais cessé d’être, dans son essence.

«  Montparnasse reste le génie du mal dans Les Misérables de Victor Hugo. Si Jean Valjean opère sa résurrection, il n’en va pas de même pour ce jeune homme qui avait un œillet à la boutonnière et un casse-tête dans sa poche pour agresser le premier bourgeois venu, non par esprit de lutte des classes mais pour le simple appât du gain » réfléchit Max à voix haute car en vieillissant, il s’apercevait que la pierre d’achoppement du crime était d’ordre existentiel et moral. 

Les malfrats furent confiés au Juge de l’Application des Peines et personne ne s’étonna de les voir ensuite, menottes au poignet, rejoindre des cellules.

Dahlia présenta Dorian Lacour à ses parents comme son véritable sauveur.

Il fut accueilli comme le prince qu’il était et la joie fut à son comble lorsque le magnat du parfum présenta une demande en mariage en bonne et due forme.

«  Le destin a mis votre adorable fille sur ma route et j’ai réalisé qu’elle était une perle rare et inestimable. Le cours de ma vie subirait une brisure si elle n’était plus à mes côtés » assura-t-il, la main sur le cœur.

Le père de Dahlia, guitariste renommé, célébra cette belle déclaration d’amour en improvisant un chant tsigane aussi mélodieux que Nuages, d’un romantisme absolu.

Dahlia et Dorian, fiancés par devant l’éternel, se retirèrent avec la permission accordée à la jeune mineure.

Dorian souhaitait l’emmener dans les magasins de mode de la capitale Lilloise afin de lui constituer une garde-robe digne de sa beauté et de son renom de créateur.

Il se promit de créer un parfum qu’il nommerait Dahlia et qui rayonnerait comme un gâteau de miel et de roses.

«  Dahlia, mon amour, vous êtes si belle que s’il ne tenait qu’à moi, vous seriez toujours auprès de moi, vêtue de votre splendide nudité. Mais je m’en voudrais de confisquer votre éclat lumineux au monde et je me ferai un devoir d’habiller votre corps de tous les rêves des couturiers ».

Ainsi parlait-il à la jeune Dahlia qui rosissait de plaisir en s’épanouissant comme la plus rose d’un jardin d’orient.

Quant à Aurélien et à Elsa, ils furent si heureux de se revoir qu’ils en restèrent sans voix.

Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre et se promirent, après ce grand élan d’émotion, de partir en pèlerinage pour les Saintes Maries de la Mer et de réclamer la bénédiction d’un prêtre local pour être protégés par la Vierge Noire, protectrice et donatrice d’amour.