mardi 11 juillet 2023

Le lac des cygnes

 



Le théâtre Sébastopol faisait relâche en raison du confinement mais quelques petits rats, par groupes de cinq, venaient s’entraîner à la barre sous la surveillance d’Aliocha, le maître de ballet.

Max s’adressa au régisseur et lui présenta un croquis de la victime réalisé par Florian, rendu à la vie par la grâce du fusain.

«  Bien sûr, je la reconnais, c’est Ambre, notre danseuse étoile. Elle a disparu le lendemain de la première, nous laissant dans le marasme total. Fort heureusement, Sylvia, notre danseuse prête à un remplacement au pied levé, si j’ose ce jeu de mots, s’est montrée à la hauteur du rôle, apparaissant même comme notre future étoile.

Ambre est-elle la seule personne du corps de ballet à avoir pris la poudre d’escampette et a-t-on une idée des motifs de sa fugue, interrogea habilement Max qui ne voulait pas affoler le régisseur afin d’obtenir des renseignements utiles à la poursuite de l’enquête.

Il était venu seul afin que le jeune Roland ne fasse pas une remarque à l’étourdie. Il lui avait confié la garde de sa jaguar, son joyau, sa partenaire, l’équivalent du violon de Sherlock Holmes dont il adorait les enquêtes depuis son enfance.

Le régisseur n’eut pas le loisir de répondre aux questions posées car on l’appela pour résoudre un problème d’intendance.

Max, laissé à lui-même, investigua dans les locaux du théâtre. Il poussa une porte où le nom d’Ambre apparaissait sur une plaque cuivrée. C’était sa loge.

Il mit ses gants afin de ne pas laisser ses empreintes et se livra à une mini-fouille du local.

Outre un lit de camp escamotable réservé sans doute aux siestes de la danseuse, le mobilier était simple mais de bon goût. Des fauteuils, une penderie contenant quelques tailleurs de ville et des tenues de scène, une coiffeuse comprenant des accessoires de maquillage formaient l’essentiel des trésors de la loge.

Dans un placard muni de tiroirs, on apercevait des colifichets, des lettres nouées avec des faveurs roses, bleues ou noires et surtout, ce qui attira le regard de Max, une série de petites roses noires imbriquées dans des diamants de taille diverse.

Max en subtilisa cinq pour les confier aux bons soins d’Albertine, de Florian, de Jade et de Roland. La cinquième serait la sienne.

Il pressentait que ces roses détenaient la clef du mystère. Craignant de se faire surprendre dans la loge d’Ambre, il s’éclipsa rapidement, sortit du théâtre et reprit le volant en direction de Fleur-Lez-Lys.

Il informa son coéquipier du résultat de ses recherches et lui confia une rose en lui recommandant d’y veiller comme à la prunelle de ses yeux.

Le jeune homme se montra reconnaissant envers celui qu’il considérait comme son maître et promit d’en prendre soin au point de la confier au coffre de sa grand-mère.

Parvenus à bon port, ils se rendirent chez Marius mais fidèle à sa doctrine, Max ne se livra à aucune confidence, gardant ses découvertes secrètes afin de les confier, en primeur, à la gendarmerie.

La journée ayant été longue, il dit bonsoir à la ronde et suggéra à Roland de l’imiter.

«  Demain dès l’aube » dit-il à son auxiliaire, empruntant à Victor Hugo l’attaque d’un très joli poème, dédié à sa fille Léopoldine, morte noyée à l’âge de dix-neuf ans en compagnie de son mari, un poète qui, selon des témoins du drame, plongea plusieurs fois pour sauver son épouse et préféra se laisser emporter par la mort plutôt que de vivre sans sa bien-aimée !

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