dimanche 18 mars 2018

Ode à la déesse Flore

Belle parmi les belles, la déesse du Printemps pare ses longs cheveux d’une couronne de fleurs d’aubépines et d’églantines, de primevères et de jonquilles et s’en va sur les chemins, soucieuse d’annoncer aux habitants des villages la fin des frimas.
Dans ses voiles de brume auréolée d’un rose pâle et d’un gris bleuté, la jeune beauté progresse à petits pas, faisant tinter les grelots d’or de ses bracelets de chevilles, accompagnée par le chant des oiseaux qui forment une noria où cascadent les notes triomphales d’une symphonie nouvelle, pastorale et urbaine, la cadence des usines se fondant en percussions haletantes, comme dans les chansons rythmées de Bernard Lavilliers. Fasciné par tant de beauté, le chanteur offre sa légendaire boucle d’oreille à la déesse qui la multiplie à l’infini pour apporter du rêve aux promeneurs de l’aube qui la croisent avec émotion, dévotion et amour.
Vêtue à présent d’une robe volière Belle du Seigneur, la déesse emprunte sa générosité à la Reine de Saba et dispense çà et là des louis d’or, déclarant par hérauts interposés, une chasse enfantine semblable à la recherche des œufs de Pâques en chocolat proposée aux bambins pour leur rendre tangible l’envol mythique des cloches vers Rome, la ville éternelle, digne relais de Jérusalem.
Au terme de sa course, la déesse se retire en son palais de verdure, niché sur un îlot protégé par les cygnes.
Elle se débarrasse de tous ses attributs et plonge dans l’eau pure d’une cascade épargnée par la main de l’homme.
Escortée par les loutres et les castors, elle se livre aux joies de la nage papillon puis rentre enfin dans son foyer, grignote quelques biscuits secs et des baies, s’allonge sur un matelas de plumes d’oies et s’endort dans un bruissement d’ailes.

Quand reviennent les roses Acte IV Rideau


Décor : le banc des origines
Sophie

- Cher public, chers amis, nous allons nous quitter. J’espère que nous vous avons fait passer un agréable moment. Pour les adieux, j’ai choisi le banc qui fut à l’origine de notre belle aventure.
Si vous avez aimé notre rencontre, je vous invite à nous imiter. Allez dans les parcs, installez-vous sur un banc et attendez qu’une âme en peine sollicite votre regard. Les bancs publics ont besoin d’un éclairage nouveau car ils ont un peu trop souvent à mon goût été le fief des voyous.
A peine une jeune fille s’y était-elle installée, désireuse d’admirer la beauté d’un feuillage ou de se livrer à la méditation, qu’un homme, couleur de muraille, se glissait à ses côtés.
Se rapprochant peu à peu, il finissait par déployer tout son art de prédateur, devenant de plus en plus proche voire oppressant pour se révéler tactile et dominateur à l’extrême.
La pauvre jeune fille, après avoir repoussé les attaques, réalisant que ses rêves d’idéal avaient pris fin, n’avait d’autre salut que la fuite.
Il nous faut lutter contre ces comportements indignes. Est-ce à dire, si une femme s’assoit  sur un banc,  qu’elle n’est pas capable d’autre chose que de se laisser tripoter par le premier malotru venu ?
Doit-elle se cacher dans sa demeure ? Ne peut-elle pas jouir, comme les hommes, d’un espace de liberté ?
Devra-t-elle toujours avoir besoin d’une tutelle masculine pour se déplacer ?
Mais tout cela, vous devez le savoir, aussi bien que moi, c’est pourquoi je n’insisterai pas davantage.
Je préfère vous distribuer des roses et vous rappeler le titre de notre pièce : Quand reviennent les roses.
Oui, il faut que les roses renaissent sur les ruines de toutes ces zones sombres où les contes de fées, si nécessaires au développement des enfants, n’ont pas droit de cité.
Prenez le relais, mes amis et proclamez en chantant s’il le faut, même en rap, que le temps des âmes noires ne doit plus régner en maître.
Quand reviendront les roses éternelles de l’amour, courtois et noble, notre tâche sera achevée.
Mais d’ici là, chers amis, partez avec un livre à la main et attendez, sur un banc, qu’une personne vous interpelle avec calme et loyauté pour engager une conversation qui vous liera d’amitié.
Faisons renaître une carte du Tendre rénovée et au goût de notre temps !
Rêvons, en un mot, rêvons car le rêve est créateur et sans lui, rien de noble et beau ne se construit !
Rêvons !
Et tandis que le rideau tombe, peu à peu, Sophie continue à lancer des roses dans le public, jusqu’à ce que les applaudissements retentissent dans un parfum de roses.


Quand reviennent les roses Acte III Scène V


Décor : le salon du 8 rue des Lilas
Kévin
Prenez place, mes amis ! Il faudra vous habituer à ce que je sois votre hôte. Jacqueline a eu envie de parcourir le monde et elle s’est embarquée ce matin pour le Maroc, en compagnie d’André qui lui servira de mentor : il a voyagé grâce aux livres et aux lois. Il lui sera d’un précieux secours.
Jacqueline vous salue tous et elle a une pensée particulière pour Nour qui l’a enchantée avec son charme, sa modestie et son talent de cuisinière orientale.
Elle tient beaucoup à saluer Sophie car c’est grâce à elle que le chaîne d’amitié s’est nouée.
Mais assez de préambules ! Jacqueline m’ayant donné carte blanche, j’ai, bien sûr, conservé son personnel mais j’ai recruté un couple marocain qui se fera un plaisir de préparer et servir le thé à la menthe et ses merveilleuses pâtisseries assorties.
Ainsi Nour n’aura-t-elle plus à s’éclipser à la cuisine.
Prenez place, les amis !
Sophie
Pour une surprise, c’est une surprise ! J’en reste sans voix.
Marguerite-Marie
Voilà un beau sujet de conte !
Kévin
Elle ne vous a pas oubliée, chère conteuse et elle m’a promis d’envoyer à chaque escale un récit nourri de ses rencontres. Elle aura des anecdotes à nous conter et je crois qu’André mettra lui aussi la main à la plume pour que nous partagions le bonheur du jour.
Sadia se présente, elle sert le thé avec un art consommé.
Nour
Merci, chère amie ! Vous maîtrisez avec maestria ce subtil domaine légué par nos ancêtres.
Marguerite-Marie
Un parfum de conte oriental chatouille mes narines et il me tarde de le transcrire après cette rencontre.
Comptez sur moi demain pour vous en faire la lecture !
Kévin
Vous en serez remerciée comme il se doit.
A présent, je vous invite à entendre un petit concert andalou que des amis musiciens vont vous interpréter afin de rester dans l’ambiance d’un orient secret qui parle avec tant d’émoi à nos âmes.
Armand
C’est une délicate attention et je vous en remercie chaleureusement.
Après le concert, les amis se séparent en se donnant rendez-vous au lendemain.

samedi 17 mars 2018

Quand reviennent les roses Acte III Scène IV


Décor : le salon de Jacqueline
Kévin
Chère Jacqueline, vous qui êtes une seconde mère pour moi, je vous invite à écouter une romance que m’a inspiré l’aventure de Bruno. Naturellement, nous n’en parlerons pas pour ne pas raviver les blessures de ce couple meurtri avant même d’être uni.
Jacqueline
Entièrement de votre avis pour le secret nécessaire. Que est le titre de la romance ?
Kévin
Psyché
Il se met au piano et interprète le texte qu’il a écrit la veille en suivant un arrangement mélodieux.

Psyché
Le tulle brodé du voile s'étira pour devenir une rivière qui emporta la mariée dans un pays étrange alors qu'elle contemplait son reflet dans la psyché du salon.
Nouvelle Alice, elle plongea outre-miroir et découvrit les facettes inconnues de la rue qu'elle croyait si bien connaître, celle qui la conduisait vers la demeure de son futur époux, Sylvain au sourire charmant et aux gestes caressants.
Alors qu'elle croyait tout savoir le concernant, elle le vit sous un autre jour, moins souriant et moins aimant.
Il était assis à sa table de travail et composait des chansons mélancoliques.
C'était un autre Sylvain, secret et énigmatique et la belle Camélia, pour la première fois, craignit de s'être trompé et elle se laissa glisser sur le tapis persan qui était au pied de la psyché.
Qui viendrait la sauver ? Un beau chevalier, son prince charmant ou un inconnu?
Et c'est la modiste qui venait lui livrer une capeline ornée de roses, destinée à sublimer son tailleur de garden-party qui la découvrit, inanimée, un sourire énigmatique au bord des lèvres.
Que l'embarquement pour Cythère soit immédiat : l'amour n'attend pas !

Jacqueline
Bravo ! C’est vraiment un texte émouvant et sans doute proche de la réalité. Sophie ne manquerait pas de dire qu’il y a toujours un soupçon de réel dans le plus fabuleux des contes de fées.
D’ailleurs, cette remarque me facilite la meilleure des transitions. J’ai décidé, cher Kévin, de faire de toi mon légataire universel. Tu pourras user de ma fortune à ta guise. Je te demanderai simplement de garder le personnel de la maison. Libre à toi d’en employer d’autres !
Je te suggère de faire construire un théâtre où pourront alterner pièces d’auteurs classiques, nouveaux auteurs et récitals.
Tu pourrais lui donner le nom de ta mère : cela l’incitera peut-être à revenir.
Ne me remercie pas. Il est naturel que l’on passe la main à mon âge.
Kévin
Soyez bénie et avec vous, les bonnes fées qui m’ont permis de vous rencontrer.
Mais que ferez-vous, chère amie ?
Jacqueline
J’ai décidé de faire le tour du monde. André acceptera peut-être de me suivre. Il est resté si longtemps enfermé au Sénat qu’il doit avoir une vision tronquée du monde. Ce voyage le changera de l’étude de toutes ces paperasses qu’il a consultées.
Nous commencerons par le pays de Nour car tu as sans doute noté qu’il est très gourmand.
Ensuite, nous irons au gré de notre fantaisie.
La Chine méritera un examen approfondi.
Tant de villes nous attendent que j’en ai le cœur qui palpite.
Kévin
Je suis heureux de ce merveilleux plan et nous attendrons le récit concis de vos aventures à chaque halte car je maintiendrai, bien entendu, le rituel des visites quotidiennes à l’heure du thé.
Jacqueline
Dans mes bras, mon fils ! Et pas un mot aux amis : ils en auront la surprise.

Quand reviennent les roses Acte III Scène III




Décor : le salon de Jacqueline

Marguerite-Marie
A-t-on des nouvelles de la mariée ? Ce drame me passionne et j’en ai rêvé, entrevoyant tant d’hypothèses que j’en ai fait un tableau récapitulatif au réveil.
Jacqueline
Aviez-vous prévu un malaise vagal survenu lors de l’essayage en solitaire du voile de mariée ? C’est ce qui s’est passé. El la modiste qui a trouvé la future mariée allongée sans connaissance sur le tapis du salon a tout de suite prévenu le SAMU. Comme elle ne connaissait pas le nom du futur marié, n’ayant eu affaire qu’à la jeune femme, elle n’a pu le prévenir.
Voilà ce qu’est venu me dire Bruno, notre nouvel ami, aux aurores. Il nous prie de l’excuser. Ondine va bien mais il préfère rester auprès d’elle.
Marguerite-Marie
Je n’avais pas prévu cette issue, je l’avoue. Tout est bien qui finit bien !
André
Qu’allez-vous faire de la pièce montée, chère amie ?
Jacqueline
Je vous vois venir, petit gourmand ! les habitudes gastronomiques du Sénat vous ont marqué ! Allons, je plaisante !
Eh bien, par chance, ma cuisinière marie sa fille : je lui ai proposé d’emporter la fabuleuse pièce montée qu’elle avait confectionnée avec amour pour nous ; ce sera notre cadeau et j’y ai ajouté une paire de pendants d’oreille en cristal de roche pour la mariée et une chevalière en or massif pour son époux.
Caroline, ma cuisinière, vous a néanmoins concocté de délicieuses pâtisseries, notamment des macarons dont vous raffolez ainsi que des verrines à la crème d’amandes et des chocolats.
Nour
Pour ne pas être en reste, je vous ai apporté des pâtisseries orientales et j’imagine qu’un thé bienfaisant est en cours de préparation.
Je peux éventuellement vous faire un thé à la menthe : j’ai apporté mon service en argent, du thé vert et de bonnes plantes odorantes dont la verveine que j’aime beaucoup.
Jacqueline
Eh bien, faites, ma chère ! La cuisine est à vous, pour notre grand bonheur !
Kévin
Dans l’attente du thé et de son magnifique cérémonial, je vous propose un potpourri d’airs viennois qui seront en parfaite harmonie avec toutes les délicates préparations qui accompagneront cette boisson venue du désert qui a traversé et séduit tant de continents !
Sophie
J’applaudis des deux mains.
Que la féerie se traduise au piano par notre virtuose, digne du Vinteuil de Marcel Proust !
Armand
Nous voici au cœur du jardin enchanté de nos âmes et je vous offrirai, chère Jacqueline, mes plus belles orchidées pour vous remercier de toutes ces merveilles du jour.
Jacqueline
C’est vous tous, les amis, qui participez à cette admirable constellation d’amitiés sincères et variées : soyez-en tous remerciés !
Une fois de plus, plaisirs gourmands, poésie et musique furent au rendez-vous du 8 rue des Lilas puis chacun prit congé en se disant A demain !
Kévin se retira dans sa chambre avec l’intention de composer une chanson inspirée par la disparition fugace de la mariée !

vendredi 16 mars 2018

Quand reviennent les roses Acte III Scène II


Décor : le patio chez Jacqueline

Jacqueline
Parfait les amis ! Tous à l’heure pour le thé !
En dépit du Brexit, nous restons fidèles aux coutumes charmantes de nos amis Britanniques.
Permettez-moi de vous présenter Bruno, rencontré sur notre banc des origines. Bruno, je vous laisse le soin de vous présenter tandis que Claudia nous servira le thé avec des mignardises, des tartes sucrées ou salées et quelques macarons.
Bruno
Je remercie notre délicieuse hôtesse et je me présente, comme il sied en bonne compagnie.
Vos amies m’ont vu en tenue élégante, un camélia à la boutonnière.
C’était le jour de mon mariage et la mariée ne s’est pas présentée et n’a répondu à aucun de mes messages. Après avoir couru un peu partout, y compris jusqu’à son appartement demeuré vide, j’ai déposé une plainte au commissariat pour une disparition inquiétante, j’ai erré jusqu’à la rencontre de deux fées qui m’ont rendu le goût de vivre.
Sophie
Quelle incroyable mésaventure, que dis-je, quel drame ! Espérons que la mariée se montrera aussi vite que possible pour rassurer tout le monde.
Il y a peut-être une raison sous-jacente à cette disparition. Une semblable situation a été dépeinte dans Le Grand Meaulnes d’ Alain Fournier. La mariée n’est pas venue parce qu’elle se croyait indigne d’un tel événement : la fête était préparée et Frantz, le marié malheureux, échappa de peu à la mort, sauvé par un Pierrot qui l’emmena sur les routes en roulotte jusqu’à ce qu’il rejoigne le Grand Meaulnes.
C’est un livre merveilleux mais quelle souffrance pour le malheureux marié !
Bruno
Je connais bien sûr ce beau roman mais je m’interroge sur la mésaventure qui m’a conduit jusqu’à vous.
Nour
Soyez assuré que nous compatissons à votre peine et que nous resterons à vos côtés jusqu’à ce que vous ayez retrouvé celle qui est si chère à votre cœur ; espérons que le fil se dénouera et que notre belle mariée reviendra vous accorder sa main.
Bruno
Merci pour ces paroles réconfortantes !
Armand
Je mettrai à votre disposition tous mes cercles d’amis qui seront pour vous autant de soutiens.
Claudia
Puis-je servir le thé ?
Jacqueline
C’est avec plaisir que nous goûterons ces petits bonheurs d’après-midi.
Durant le service, chacun parla à bâtons rompus et savoura les délices dignes d’une table royale.
Kévin
Ce thé est d’une rare délicatesse. Quel parfum ! On croirait que l’on nous sert ce breuvage divin près d’une rivière embaumée par le jasmin.
Et que dire de ces accompagnements dignes de figurer à la carte d’un grand chef ?
Afin de vous remercier, je vous propose d’exécuter au piano de très belles mélodies d’ Erik Satie dont mon professeur m’a fait découvrir l’univers brillant, mélodieux et d’une rare modernité !
D’ailleurs, pour rester dans la note festive et gourmande, je vais vous interpréter Morceaux en forme de poire et je poursuivrai avec des pièces diverses, valses et intermèdes composés pour des divas de la Belle Époque et des ténors de renom.
Pièces exhaustives telles que Tendresse ou autre rêverie proposée seront à mon répertoire.
Jacqueline
J’applaudis des deux mains, cher filleul ! Venez les amis ! Préparons-nous à écouter ces ravissantes mélodies !
A la fin du concert improvisé, des applaudissements chaleureux fusèrent de toutes parts puis Bruno prit congé de ses amis, remerciant l’hôtesse avec effusion.
Bruno
Je ne vous oublierai jamais car le désespoir a fui mon âme et si je vous quitte à présent, c’est avec l’espoir de retrouver ma chère et adorable Ondine en notre foyer.
Chacun exprime sa foi en un dénouement heureux puis Bruno s’échappe en emportant de jolis cadeaux, notamment un châle de soie brodé par Nour, afin de renouveler son amour auprès de la belle fugueuse.
Après le départ de Bruno, Jacqueline propose à ses invités des jeux de société oraux.
Un jeu consistant à associer des titres poétiques ou des vers célèbres et des objets plut énormément.
A la tombée du jour, tous partirent, enchantés par cette fin d’après-midi et chacun exprima un vœu pour que Bruno et Ondine soient enfin réunis.
Jacqueline
A demain les amis !
Je propose que nous nous retrouvions ici demain à la même heure et cette fois, je ferai préparer un buffet pour le soir.
Si nous avons la chance d’accueillir la mariée, je ferai servir, en toute discrétion, si les circonstances s’y prêtent, une magnifique pièce montée qui sera tenue au secret jusqu’à la dernière minute !
Sophie
Je vous reconnais bien là, chère amie !
Marguerite-Marie
Soyez sûre que vous figurerez dans mon prochain conte. J’ai déjà trouvé le titre : Le royaume de Rose-Amour. Les aventures s’enchaîneront avec brio, souhaitons-le !
André
Quel plaisir, Mesdames ! A demain donc !