mercredi 31 octobre 2018

Mystère en chambre


Mystère en chambre
Cette fois c'est décidé, jme tire : je sens qu'on va me mettre le meurtre sur le dos ! Le bouc émissaire tout trouvé : j'ai les pupilles dorées avec des reflets jaunes, j'ai laissé mes empreintes partout, dans l'affolement !
Ma pauvre Luciana ! Je l'ai trouvée baignant dans son sang alors que j'étais à sa recherche : elle n'était plus à mes côtés et j'avais pensé que, comme à son habitude, elle était partie boire un verre de lait à la cuisine et c'est là que je l'ai vue, gisant sur le carrelage, elle qui redoute tant l'humidité,  le visage lacéré, un poignard planté dans le cœur !
Filons avant qu'il ne soit trop tard : je ne tiens pas à croupir au fond d'une geôle ! Adieu les amis et à bientôt car mon enquête commence : l'assassin ne l'emportera pas au paradis !
-Que me dites-vous, Madame Belange ? Il y a une enquête criminelle dans notre village ? C’est inouï ! Y a-t-il des suspects ?
-Pas à ma connaissance mais je crois que nous allons tous être interrogés !
-Catastrophe ! Nous n’avons pas de temps à perdre ici ! Avec les croissants, la baguette et le puits d’amour, vous faut-il autre chose, Madame ?
Non merci, ça ira pour la journée ! Ce crime, de plus, m’a plus ou moins coupé l’appétit ! à demain Madame Bonpin ! J’espère que le criminel sera sous les verrous lorsque je reviendrai !
Dans le village nommé Charme d’églantier, la vie devint trépidante : plus de calme comme jadis !
Des journalistes vinrent accompagnés de cameramen faire des reportages et comme personne ne savait rien, on supputa mille et une hypothèses extravagantes, au fil de l’humeur et de la fantaisie des éditorialistes  qui cherchaient, non pas la vérité, mais une présentation folklorique du meurtre.
Botanistes et chercheurs se mirent à chercher les églantiers qui étaient à l’origine du nom si particulier du village mais ils n’en trouvèrent pas.
Une centenaire leur confia que c’était par dérision que ce nom étrange avait été attribué lors d’une mise en demeure de trouver un nom pour la petite bourgade. Et puis ajoute-t-elle en découvrant ses gencives édentées, il y avait une très jolie jeune fille, prénommée Eglantine et on voulut, par ricochet, lui témoigner l’admiration que la gent masculine lui portait.
Pendant ce temps, moi, le seul témoin présent de la découverte du corps, j’étais loin !
Je suis allée me réfugier dans mon second chez-moi, un ravissant manoir dont je n’occupe qu’une mansarde où je me pelotonne chaque fois que je rencontre des difficultés et cette fois, c’est un énorme chagrin qui me taraude puisqu’il s’agit de l’assassinat de ma meilleure amie !
En dégustant un bol de lait qui chasse souvent tous mes soucis, je me suis remémoré les événements de la soirée fatale : nous avions joué gaiement aux petits chevaux puis nous nous étions endormies jusqu’à la fatale découverte !
Mais qui avait pu venir et perpétrer cet horrible crime ?
Il fallait que je retourne au village pour étudier toutes les hypothèses !
Cette décision prise je décidai de surseoir un peu afin que tout le monde m’ait oubliée : après tout j’étais la coupable désignée !
Je profitai donc de la quiétude du manoir et laissai les jours passer jusqu’au jour où je m’armerais de courage et de pugnacité pour jouer les Miss Marple et mener l’enquête jusqu’à l’arrestation de l’abominable criminel qui avait tué mon amie la plus chère !
Je me suis enfin décidée à me rendre sur les lieux du crime et j’ai couru tout le long de la route sablonneuse, me cachant dans les fourrés lorsque je voyais une personne ou un automobiliste à l’horizon.
Quel choc à la vue des scellés ! La maison si douillette qui inspirait ma chère Luciana et lui procurait le cadre cher à l’écrivain, l’aidant à noircir des feuillets de son écriture élégante n’était plus à présent qu’un lacis de pièces où les inspecteurs de police s’étaient livrés à une fouille méthodique.
Un désordre magistral régnait dans cet univers jadis féerique !
Un tracé à la craie reproduisait l’emplacement du corps qui devait sans doute être livré à l’autopsie !
Après avoir constaté tous ces éléments du haut de mon perchoir, la lucarne du grenier, je me suis faufilée dans le village sans crainte d’être reconnue : avec ma fourrure gris souris je ne risquais rien ! Mais pour plus de sûreté, je n’ai emprunté que des ruelles sombres connues par les initiés et j’ai évité la boulangerie, ce repère de langues de vipères.
Un enfant gâté avait jeté sa chocolatine et c’est avec délices que je m’en suis emparée ; un bol de lait mis à la disposition des chats errants par une émule de la Mère Michel m’a permis de boire et de de me rassasier car je me contente de peu.
Durant ma promenade dédiée à l’investigation, j’ai remarqué que de nombreux inconnus circulaient dans le village, jadis si tranquille mais il y en a un qui a attiré mon attention : il n’avait pas le profil policier et son visage en lame de couteau n’avait rien pour inspirer la sympathie : ressemblant peu ou prou à Croquignol et à Filochard, il était néanmoins dépourvu des traits quasi comiques de ces personnages de bande dessinée : son bandeau sur l’œil rappelait plutôt celui des pirates sanguinaires et son monocle brillait à la manière du bouclier de Brennus !
Pour ne pas être repéré, il usait de ma technique, rasant les murs et empruntant des venelles peu connues du grand public.
De crainte de ne pas pouvoir lui échapper, je suis revenue au grand jour, marchant à pas de velours dans la rue principale. 
De retour à la « maison du crime », je me suis réfugiée dans ce qui était notre chambre à coucher : je n’ai pas eu besoin de briser les scellés car je connais une ouverture qui me donne l’accès à notre demeure.
Je voulais me concentrer sur le curieux personnage mi- Croquignol mi- Ribouldingue que j’avais aperçu dans les ruelles du bourg mais je me suis rapidement endormie, brisée par l’émotion de me retrouver dans ce qui était mon havre de paix et de bonheur.
Au réveil il m’est venu une intuition : cet étrange personnage était forcément lié au crime car le mobile venait de se révéler, à mes yeux,  en pleine clarté ; Luciana avait écrit un livre dont le titre Mystère en chambre était tristement prémonitoire et son manuscrit était dissimulé dans un endroit qu’elle et moi étions les seules à connaître l’emplacement.
Je me suis rendue vivement dans l’endroit de la cachette pour constater que le manuscrit était toujours là, savamment dissimulé dans un encorbellement invisible à l’œil nu.
Ce monstre reviendrait nécessairement pour trouver le manuscrit et je n’avais qu’une chose à faire : le déposer chez son éditeur dont j’avais l’adresse !
J’ai emballé le précieux manuscrit dans un sac de lin brodé de roses que mon amie emportait toujours lorsqu’elle se rendait chez son éditeur et je suis partie pour accomplir un devoir sacré : rendre à mon amie ses derniers devoirs en faisant publier, à titre posthume, le manuscrit qu’elle avait savamment soigné en se référant au Mystère de la chambre jaune qu’elle avait coutume de porter aux nues.
Avec les habits de Rouletabille, j’ai déposé, en empruntant mille ruses, le sac brodé et son contenu sur le bureau de l’éditeur, profitant du moment où il était parti boire un café, et je me suis vite faufilée, à nouveau, dans les couloirs, pour retrouver l’air de la liberté !
Le devoir accompli, j’ai repris la route du manoir pour m’y mettre à l’abri.
Réfugiée dans ce lieu destiné au repos, je me suis régalée d’un plat mis à la disposition des hôtes de passage et je me suis livrée aux joies du farniente.  

dimanche 28 octobre 2018

Perle du lagon


Perle du lagon
Pour toi, j’étais la jeune fille à la perle et tes yeux allaient des détails du tableau qui ornait ta chambre dans une fidèle reproduction, le regard, les lèvres humides, l’incarnat du visage à moi mais de mon côté, lorsque je regardais le tableau, je voyais la perle et je plongeais,  à sa suite, dans le lagon de sa naissance.
Reflet qui s’ingéniait à vivre sur cette terre, je voulais plonger, à mon tour, dans les eaux pures de nos origines pour retrouver l’innocence primitive des jours heureux.
La jeune fille à la perle est immortelle et son regard nous poursuit à travers les âges, nous offrant l’immortelle beauté de sa jeunesse  dédiée à l’art en dépit des affres quotidiennes subies pour atteindre le zénith de la grâce !
Je voudrais me perdre dans l’océan de pureté qui se loge dans cette perle miraculeuse et j’y parviens presque dans un battement de cils qui m’éloignent de la pesanteur de la terre !
La soie de ma joue effleure la nacre de la perle et nous voguons sur les mers infinies qui nous offrent les trésors de nos âmes !

Mystère en chambre


Mystère en chambre
Cette fois c'est décidé, jme tire : je sens qu'on va me mettre le meurtre sur le dos ! Le bouc émissaire tout trouvé : j'ai les pupilles dorées avec des reflets jaunes, j'ai laissé mes empreintes partout, dans l'affolement !
Ma pauvre Luciana ! Je l'ai trouvée baignant dans son sang alors que j'étais à sa recherche : elle n'était plus à mes côtés et j'avais pensé que, comme à son habitude, elle était partie boire un verre de lait à la cuisine et c'est là que je l'ai vue, gisant sur le carrelage, elle qui redoute tant l'humidité,  le visage lacéré, un poignard planté dans le cœur !
Filons avant qu'il ne soit trop tard : je ne tiens pas à croupir au fond d'une geôle ! Adieu les amis et à bientôt car mon enquête commence : l'assassin ne l'emportera pas au paradis !
-Que me dites-vous, Madame Belange ? Il y a une enquête criminelle dans notre village ? C’est inouï ! Y a-t-il des suspects ?
-Pas à ma connaissance mais je crois que nous allons tous être interrogés !
-Catastrophe ! Nous n’avons pas de temps à perdre ici ! Avec les croissants, la baguette et le puits d’amour, vous faut-il autre chose, Madame ?
Non merci, ça ira pour la journée ! Ce crime, de plus, m’a plus ou moins coupé l’appétit ! à demain Madame Bonpin ! J’espère que le criminel sera sous les verrous lorsque je reviendrai !
Dans le village nommé Charme d’églantier, la vie devint trépidante : plus de calme comme jadis !
Des journalistes vinrent accompagnés de cameramen faire des reportages et comme personne ne savait rien, on supputa mille et une hypothèses extravagantes, au fil de l’humeur et de la fantaisie des éditorialistes  qui cherchaient, non pas la vérité, mais une présentation folklorique du meurtre.
Botanistes et chercheurs se mirent à chercher les églantiers qui étaient à l’origine du nom si particulier du village mais ils n’en trouvèrent pas.
Une centenaire leur confia que c’était par dérision que ce nom étrange avait été attribué lors d’une mise en demeure de trouver un nom pour la petite bourgade. Et puis ajoute-t-elle en découvrant ses gencives édentées, il y avait une très jolie jeune fille, prénommée Eglantine et on voulut, par ricochet, lui témoigner l’admiration que la gent masculine lui portait.
Pendant ce temps, moi, le seul témoin présent de la découverte du corps, j’étais loin !
Je suis allée me réfugier dans mon second chez-moi, un ravissant manoir dont je n’occupe qu’une mansarde où je me pelotonne chaque fois que je rencontre des difficultés et cette fois, c’est un énorme chagrin qui me taraude puisqu’il s’agit de l’assassinat de ma meilleure amie !
En dégustant un bol de lait qui chasse souvent tous mes soucis, je me suis remémoré les événements de la soirée fatale : nous avions joué gaiement aux petits chevaux puis nous nous étions endormies jusqu’à la fatale découverte !
Mais qui avait pu venir et perpétrer cet horrible crime ?
Il fallait que je retourne au village pour étudier toutes les hypothèses !
Cette décision prise je décidai de surseoir un peu afin que tout le monde m’ait oubliée : après tout j’étais la coupable désignée !
Je profitai donc de la quiétude du manoir et laissai les jours passer jusqu’au jour où je m’armerais de courage et de pugnacité pour jouer les Miss Marple et mener l’enquête jusqu’à l’arrestation de l’abominable criminel qui avait tué mon amie la plus chère !

vendredi 19 octobre 2018

Conte pour Ninon


Conte pour Ninon
Ninon se mire dans l’eau de la rivière où elle souhaitait prendre des écrevisses.
Comme Narcisse, fasciné par son reflet, elle oublie sa mission et se laisse prendre au piège de sa propre  beauté.
Un jeune berger la délivre de cet envoûtement, la relève avec délicatesse et pose ses lèvres sur sa main fine, épargnée par la rudesse des travaux quotidiens.
Boris et Ninon se dirigent vers la bergerie où réside le jeune homme.
L’enceinte est fleurie d’orchidées sauvages et c’est dans ce décor, digne de l’ Astrée, que les jeunes gens prennent place sur la balancelle qui fait face à la colline des mille rêves où se pose Pégase.
Le cheval ailé des poètes attend que vienne le troubadour ou la descendante de Sapho pour s’emparer de la couronne de laurier en écrivant une ode à la nature, trop souvent négligée.
Après cette pause amoureuse et une collation à base de cannelés aux myrtilles, Ninon reprend sa route, décide de laisser les écrevisses en paix et rentre chez elle, décidée à ne plus porter atteinte aux trésors que recèlent les rivières.
Elle entreprend une toile où s’enchevêtrent les visions paradisiaques qui l’ont atteinte au plus profond de son être.
Elle écrit une ode destinée au plus beau des pâtres et redécouvre l’alphabet de la passion.
De son côté, Boris réinvente les lettres de l’amour et c’est le cheval ailé qui se charge de porter les déclarations des amoureux.
Amour aux mille visages, ton pouvoir est immense et moi qui tiens la plume des amants, je t’invoque et te prie de faire régner l’amour sur notre terre en détresse !