lundi 1 octobre 2018

La Dame de Coeur


La Dame de Cœur
La Belle Endormie attendait sa dame, la perle qui viendrait se lover dans cet écrin de beauté et lorsqu'elle foula le tapis rouge de ses longues jambes fines, vêtue d'un tailleur céleste du plus bel effet, chacun pensa que la dame de cœur était installée en son château pour longtemps.
Auparavant, celles que l'on nommait première dame du bout des lèvres tant la crainte de voir revenir, dans l'ombre du président, celle qui pourrait évoquer la reine Marie-Antoinette était vive.
Cette dame de beauté passa, lors de la révolution, de la galerie des glaces et Trianon à la charrette infâme qui la conduisait à la guillotine, sous les huées et les cris appelant à sa mort.
Le peintre David, présent au cœur de la foule, fit une esquisse de la reine déchue, si vraie et si terrible qu'on ressent l'effroi, l'accablement et l'incompréhension de la victime expiatoire qui mourut sous des cris de haine.
L'épouse du Général, discrète et effacée, la première de la lignée, fut à ce point réservée qu'on peut lui décerner une épithète  à valeur d’oxymore , l'éblouissante éclipse tant son désir de se faire oublier était criant.
Néanmoins, lorsque la figure du Commandeur prit quelques rides, on se rattacha à sa rassurante image : une telle femme ne pouvait aimer qu'un grand homme et chacun évoqua une débonnaire Tante Yvonne qui n'existait que dans l'affection de ses neveux, impressionnés par un oncle qui semblait échappé d'un livre d’Histoire.
Puis vint Claude qui eut à la fois un rôle éclatant, de par son goût très sûr pour les Lettres et l’art moderne et une face triste car on chercha à atteindre son mari en ternissant son image par de folles rumeurs, faisant d’elle une femme aux mœurs dissolues. Frappé au cœur par ces ignobles dénonciations, l’époux défendit l’honneur de sa femme en utilisant avec force une image si frappante qu’on l’utilise encore à dessein lorsque des relents semblant provenir d’égouts ressurgissent.
Anne- Aymone  trompa son ennui en organisant des dîners de gala où les fleurs jaillissaient à profusion.
On chassa du perron de l’Elysée les Forts des Halles qui venaient offrir le muguet porte-bonheur au couple présidentiel lors du Premier Mai .
Ce sacrifice se voulait empreint de modernité mais on s’aperçut que sa signification était toute autre : le peuple devait rentrer dans l’ombre et vivre à l’écart d’un château où il n’était pas le bienvenu.
C’est ainsi que la rose du socialisme fit son entrée dans un palais destiné dans son histoire à une maîtresse royale.
Vinrent alors des premières dames qui n’étaient en fait que des secondes et lorsque tout le monde apprit le dessous des cartes, un immense dégoût s’empara de tous et l’on se prit à rêver d’un nouveau monde où l’ancien serait définitivement relégué dans la petite histoire de la République.
Pour échapper aux fantômes du passé, Brigitte ouvrit les fenêtres de son bureau qui donnaient sur le jardin et suivit du regard le vol d’un oiseau bleu, celui des songes, qui la ramena, des années en arrière, au souvenir de sa rencontre avec un être exceptionnel qui allait changer le cours de son destin.

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